Face à la menace terroriste, hommes et femmes politiques sont conduits à répondre au défi civilisationnel qui se pose désormais en France.
« Aujourd’hui les mots ne suffisent plus. Il n’y a pas d’avenir ni de relèvement de la France si elle n’assume pas ses racines chrétiennes. » Ainsi parle le député européen François-Xavier Bellamy. Mais quelle forme pourrait prendre cette affirmation de notre identité ?
Nadine Morano, elle aussi députée européenne, demande depuis longtemps l’inscription de nos racine chrétiennes dans la Constitution. « Au départ je le souhaitais pour en finir avec les querelles émanant de laïcards extrémistes. Pour garder nos croix autour du cou, pour conserver nos sapins de Noël dans les écoles et nos crèches dans les mairies. Depuis des années on assiste à des dérives. Mais il y a maintenant le sujet de l’islamisme qui s’infiltre dans toutes les couches de la société à commencer par l’école. Nous avons commencé à légiférer avec les premières provocations sur le port du voile en 1989. Mais nous n’en sommes plus là ! La situation est grave ! Nous sommes face à une immigration massive de jeunes hommes majoritairement musulmans, qui arrivent d’Afrique sub-saharienne. Il faut leur envoyer un signal en leur montrant qu’ils arrivent sur une terre chrétienne qui l’assume avec ses églises et ses valeurs. Écrire nos racines chrétiennes dans la Constitution permettrait d’affirmer : voilà ce que nous sommes sur la terre de France. Vous êtes chez des chrétiens. Ce qui oblige à un devoir d’assimilation et de respect. Ne pas le faire, ne pas le dire, c’est renoncer à se présenter et à afficher notre carte d’identité. C’est d’autant plus important que la majorité des personnes qui viennent sur notre sol méprisent notre laïcité et notre spiritualité chrétienne. »
Seul le constat est partagé
Nadine Morano se sent bien seule pour porter une telle demande d’affirmation de valeurs au sein de sa famille politique. Même si le constat est partagé par Pierre-Henri Dumont, le député LR du Pas-de-Calais. « Oui nous sommes attaqués parce que nous sommes un peuple chrétien. Mais l’attentat contre Charlie Hebdo c’était au nom de la liberté d’expression. C’est la France dans son ensemble qui est maintenant attaquée. Agir pour affirmer une identité chrétienne ne règlerait qu’une partie du problème. »
L’élu ne cache pas d’ailleurs combien il est difficile d’aborder ces questions dans la sphère publique : « Quand je donne une interview à la télévision, j’ai au maximum dix minutes pour faire entendre mon point de vue. Comment voulez-vous aborder la question du catholicisme sans apporter à la fois de la complexité et de la nuance ? »
Et l’élu d’ajouter : « Il faut effectivement être vigilant, pour ne pas voir dans quelques années les lois françaises devenir compatibles avec les lois musulmanes ! » Mais malgré cela, il n’est pas possible pour lui aujourd’hui d’aller au fond du problème : « Plutôt qu’une inscription dans la Constitution, je préférerais voir l’autorité réaffirmée pour diriger notre pays. En premier lieu à la tête de notre pays ! Mais aussi dans les familles des terroristes et d’une bonne partie de notre jeunesse issue de l’immigration et en mal d’intégration. Où sont les pères ? »
L’autorité d’abord
« Il faut faire de la politique avec l’autorité nécessaire pour gouverner », poursuit Pierre-Henri Dumont. « Et si un président est capable de nous affirmer d’une façon "paternelle" qu’il faut assumer nos racines chrétiennes, eh bien nous le ferons. Car personne ne peut douter d’une histoire de quinze siècles de christianisme depuis le baptême de Clovis ! » Les derniers attentats qui ont touché la France mettent donc les politiques au pied du mur, face à des défis essentiels de civilisation.
Mais il n’y a pas, pour l’instant, parmi les élus, de potentiel Clovis, même païen, capable de réaffirmer l’identité chrétienne du pays. Patrick Karam, vice-président de la région Île-de-France, proche de Valérie Pécresse, appelle au pragmatisme : « L’urgence n’est pas à l’inscription des racines chrétiennes dans notre Constitution. Nous ne sommes pas capables pour l’instant d’avoir un débat sur cette question. Et surtout une telle inscription pour quoi faire ? Avec des déclarations de principe, on ne gagnera pas la guerre. Où serait la valeur opérationnelle d’une telle déclaration ? »
Demande de protection
« Je préfère d’abord, souligne-t-il, protéger mes concitoyens en revoyant la législation pour mieux les protéger contre le terrorisme. » En revanche, nuance Patrick Karam, « il y a deux sujets qui portent les valeurs du christianisme à défendre. Premièrement : que faisons-nous contre les juges européens qui prônent en permanence des valeurs qui ne permettent pas de défendre notre identité ? Deuxièmement : quand allons-nous de nouveau affirmer nos valeurs de civilisation au Moyen-Orient ? Partout la liberté recule ! Il y a quarante ans, les femmes se promenaient tête nue en Égypte, au Maroc, en Afghanistan. La France n’est pas que la République. Elle a perdu sa valeur de persuasion dans le monde car elle n’est plus la France. Il aurait fallu intégrer les racines chrétiennes dans la Constitution de 1958. Maintenant c’est impossible. Emmanuel Macron devrait réunir le Sénat et l’Assemblée nationale à Versailles et obtenir une majorité. Il ne l’aura jamais. »
Pour sa part, Nadine Morano reconnaît que, pour l’instant, il est compliqué de modifier nos lois fondamentales pour y inscrire notre ADN spirituel. Mais « on ne peut pas laisser la France en l’état sans mener ce débat. Il faut expliquer ce que nous sommes. Nicolas Sarkozy avait commencé à le faire lors de son quinquennat mais il n’est pas allé jusqu’au bout ».
Pour elle, comme pour Patrick Karam et Pierre-Henri Dumont, il y a en tout cas une urgence : faire aimer les racines chrétiennes de la France à l’école. Reparler des martyrs de la Gaule, comme sainte Blandine, qui ont disparu des programmes. « On n’a plus de roman national ! Et ceux qui sont le plus en demande sont nos compatriotes non croyants de culture catholique », souligne Nadine Morano.
Faire connaître ce que nous sommes se révèle être, bien plus que le vivre ensemble, le programme politique des années à venir. Nous en voyons poindre la genèse.