Tant mieux, mais...
Le 28 octobre dernier, lorsqu’Emmanuel Macron s’adressait à la nation pour lui annoncer qu’il allait falloir nous confiner de nouveau, 3.036 personnes étaient en réanimation, selon les chiffres de Santé publique France. Trois semaines après, où en sommes-nous ? Le 14 novembre, 4.854 patients étaient en réanimation.
Or, que disait le Président, dans cette allocution solennelle du 28 octobre ? « À ce stade, nous savons que, quoi que nous fassions, près de 9.000 patients seront en réanimation à la mi-novembre, soit la quasi-totalité des capacités françaises. » Nous sommes à la mi-novembre et nous sommes donc loin des 9.000 patients. Tant mieux, me direz-vous, et nous ne pouvons que nous réjouir que la prédiction présidentielle ne se soit pas réalisée. On pourra même dire que cela justifie, a posteriori, la stratégie gouvernementale. Mais au fond, le débat n’est pas là.
La question est, en effet, de savoir quel crédit on peut encore apporter à la parole publique, notamment celle de celui qui préside aux destinées du pays. On remarquera que, face aux événements passés, la parole présidentielle se fait souvent modeste : à ce moment-là, nous ne savions pas tout sur la maladie, nous avons beaucoup appris entre-temps, etc. En revanche, paradoxalement, face à l’avenir, pourtant par définition incertain, le Président fait preuve de plus de certitudes. Il sait. « Nous savons. » Un « nous » de majesté scientifique. Donc, cela ne se discute pas. Force, non pas à la loi, mais à la science. À la loi de la science. Aux savants qui entourent le chef de l’État dans ses décisions, comme les mages, le satrape. C’est ce que certains appellent la « dictature sanitaire ».
Lorsque Emmanuel Macron affirme « Quoi que nous fassions, près de 9.000 patients seront en réanimation à la mi-novembre », le but est peut-être de susciter la peur des Français, ces grands enfants qui croient encore au loup et au père Noël, pour obtenir leur adhésion aux décisions gouvernementales. Cela est-il efficace ? C’est un autre débat. Des Français, en tout cas, qui, bien entendu, ont autre chose à faire que de réécouter les allocutions présidentielles, comme s’il n’y avait pas des choses plus rigolotes à faire dans la vie en matière de sado-masochisme, surtout en période de confinement. Qu’en déduire, alors ? Qu’il faut se méfier lorsqu’on nous dit « nous savons ». Autrefois, on appelait cela l’esprit critique. Il paraît que, désormais, ce serait complotiste de douter. « Je sais qu’on ne sait jamais », chantait Jean Gabin, à l’automne de sa vie…