La proposition de loi « sécurité globale » (et non projet comme présenté par France Info) n’en finit plus de faire polémique. Débattu mardi à l’Assemblée Nationale, il vient compléter l’attirail sécuritaire sur lequel le pouvoir en place entend s’appuyer.
Le texte est issu d’un rapport parlementaire de septembre 2018 des députés LREM Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue. Une avocate et un ancien patron du Raid, ce qui permet au moins de faire sérieux auréolant le texte du glaive et de la balance. Il vise à contrer la montée de l’insécurité dans le pays.
Dans son exposé des motifs, on apprend notamment que la sécurité constituait la première priorité du quinquennat d’Emmanuel Macron. C’est bien de le rappeler… Mais aussi que le budget sécurité a augmenté d’un milliard d’euros sous l’actuelle présidence, et les effectifs policiers complétés de 10 000 personnels sur cinq ans. Des chiffres sans précédents qui mettent en relief un échec lui aussi sans précédent pour les équipes en place.
Si le titre IV est de loin le plus commenté avec son article 24 qui « prohibe l’usage malveillant de l’image des policiers nationaux et militaires de la gendarmerie en intervention », qui interdit en somme de filmer des policiers ou gendarmes, d’autres éléments du texte sont troublants.
Ainsi, le titre I consacre le renforcement des polices municipales et surtout l’extension de leurs prérogatives, une mesure généreuse pour ces agents de commune mais qui risque de se heurter au manque de compétences de ceux-ci. A titre expérimental, certains municipaux disposeront même de compétences police judiciaire.
Dans le titre II, le texte propose de structurer le secteur de la sécurité privé dont l’exposé des motifs vante les mérites ! Cette privatisation de la sécurité existe déjà et a été largement initiée dans certains États, posant son lot de problèmes évidents de souveraineté, mais soulève également souvent des problèmes de conflits d’intérêts et de corruption entre le personnel politique et les entreprises du secteur privé.
Parmi les mesures, on retrouve notamment la possibilité pour des agents privés de relever l’identité et l’adresse d’un auteur présumé d’infraction. En cas de refus l’agent peut retenir la personne jusqu’à l’arrivée d’un agent de police judiciaire.
Une disposition de ce titre (chapitre 2, article 17-3) permet en outre à une personne étrangère d’exercer ces activités privées supplétive du maintien de l’ordre si ces personnes justifient d’une connaissance de la langue française !
Le titre 3 porte lui sur la gestion des outils technologiques et vise à autoriser les services de l’État à filmer par voie aérienne « pour des finalités précises ». On retrouve ici la sempiternelle division entre le temporaire/l’exceptionnel et sa généralisation. Le champ d’action de ce dispositif, développé en 9 points est par ailleurs très large.
Ces réjouissances sécuritaires ont été donc proposées à l’initiative des députés Fauvergue et Thourot, mais aussi d’un certain Christophe Castaner.
Figurent aussi trois ex-PS Pacôme Rupin, Yaël Braun-Pivet et Olivier Becht, prouvant ainsi que les obsessions sécuritaires ne sont pas l’apanage de la droite.
Enfin au volet humour puisqu’il vaut mieux en rire, on retrouve parmi les signataires les membres du groupe LREM et du groupe de supplétifs Agir Ensemble et donc la signature de M’jid El Guerrab, un ancien député du parti présidentiel prié de rejoindre un groupe allié après avoir asséné deux coups de casque dans la tête de son ancien compère socialiste Boris Faure, envoyant ce dernier en soins intensifs. Une affaire de famille pour LREM puisque l’avocat de monsieur El Guerrab n’était autre que maître Dupond-Moretti.
Un texte qui sera bien défendu donc, à coup de casque s’il le faut !
La teneur liberticide et le danger de tomber dans l’autoritaire très rapidement ont d’ailleurs titillé jusqu’à la très compréhensive Claire Hédon, Défenseur des droits, qui y voit « des risques considérables à plusieurs droits fondamentaux ».
https://www.tvlibertes.com/actus/securite-globale-une-proposition-de-loi-contre-les-francais