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Pas de messe avant début décembre : au bourricot catho, on ne desserre pas la bride !, par Gabrielle Cluzel.

« Chacun sent bien que le deuxième confinement ne passe pas, dans le pays. Les sondages globaux sont faussés par le climat de peur », écrit, sur son blog, Maxime Tandonnet, dans un article intitulé L’Explosion qui approche.

Si, comme il le dit, « un grondement sourd remonte des entrailles du pays », l’Histoire retiendra que des catholiques auront été les premiers à se lever pour protester, paisiblement mais fermement, avec une revendication commune claire – « On veut la messe ! » – dans la plupart des grandes villes de France : Tours, Bordeaux, Vannes, Luçon, Montpellier, Versailles, Saint-Brieuc, Draguignan, Chambéry, Moulins, Bois-Colombes, Rambouillet, Rennes, Valence, Angers, , Strasbourg, Lyon, Saint-Germain-en-Laye, La-Roche-sur-Yon, Bougival, Saint-Maur-des-Fossés, Toulouse…

C’est logique.

Logique parce que, face à l’absolutisme biologique de nos gouvernants qui nous relèguent avec un bienveillant mépris à la condition animale, l’homme n’ayant d’autre besoin que survivre et se nourrir – la vie culturelle, sociale, familiale, spirituelle est réduite au rang d’accessoire -, il est assez logique que l’opposition vienne au premier chef de ceux qui restent persuadés qu’ils ne sont pas tout à fait ce bourricot buté, ce cheval de trait ou ce poney rose dont  veut serrer la bride, et qu’ils ont – pardon pour ce mot incongru – une âme à soigner.

Logique parce que ceux qui s’intéressent à l’Histoire et à la géopolitique savent bien que la liberté de culte est un indicateur assez fiable des libertés en général. Certains qui regardent avec indifférence ou défiance le mouvement devraient s’en souvenir. À Dominique de Montvalon qui, dans un tweet, affirme que « c’est l’influente aile intégriste du catholicisme qui mène aujourd’hui bataille pour avoir des messes en direct », un internaute répond avec esprit que c’est, au contraire, « un catholicisme libéral qui se lève, puisqu’il s’agit de défendre la liberté de culte ». Jean Sévillia rappelle que « depuis le concordat de 1801, rompu en 1905, et même depuis, la messe n’a jamais été interdite par les pouvoirs publics à l’exception d’un court temps pendant la Commune où le pouvoir révolutionnaire avait cherché à fermer les églises. Même pendant les grandes épidémies (choléra 1832, 1854), même pendant les guerres, la messe a eu lieu en public en France. » Bref, une mesure inédite depuis la Révolution. Comme le souligne François de Lacoste Lareymondie« la liberté de culte n’est plus aussi fondamentale qu’on le pensait ». Plus aussi fondamentale pour l’État, parce que peut-être plus aussi fondamentale pour les catholiques eux-mêmes ? Dominique de Montvalon soupçonne les « intégristes » – il n’en donne pas la définition – d’être à la manœuvre. Il est un fait que les participants au pèlerinage de Chartres de Pentecôte étaient, sans doute, plus nombreux sur les parvis, ce dimanche, que les lecteurs de La Croix. Non parce que les premiers auraient pris sournoisement le pouvoir – il n’y a pas eu d’entreprise concertée, seulement des initiatives disparates individuelles qui ont cherché à fédérer toutes les « sensibilités » – mais parce qu’il n’est un secret pour personne que les « cathos de gauche », comme on dit, n’ont pas le même attachement inconditionnel à ces spécificités de la religion catholique que sont les sacrements, la présence réelle, la transsubstantiation (demandez la définition à l’ancien enfant de chœur ) et l’obligation dominicale dont beaucoup se dispensent d’ailleurs assez volontiers le reste du temps : il serait, somme toute, paradoxal que ceux-là la réclament à grands cris en temps d’épidémie. Sans surprise, on en voit d’ailleurs beaucoup fustiger l’initiative sur les réseaux sociaux.

Logique parce que, contrairement aux petits commerçants, aux restaurateurs, aux entrepreneurs qui souffrent chacun dans leur coin, ces catholiques bénéficient de réseaux formels ou informels soudés et ont un fort tropisme d’engagement collectif, lié à une tradition de service, de pèlerinage et de scoutisme.

Mais de tout cela, le gouvernement devrait (presque) se réjouir. Car contrairement à ce qu’a pu dire le JT de TF1, dimanche soir – les gens chics appellent cela une « fake news » -, les manifestations étaient déclarées. Les jeunes ou moins jeunes organisateurs, souvent parfaitement néophytes dans l’art de manifester, plus rompus aux processions qu’aux cortèges de la CGT, au feu de bois des veillées qu’aux feux de poubelles sur le bitume, se sont d’ailleurs trouvés démunis lorsqu’on leur a expliqué que, pour être autorisé, le mouvement devait être « manifestation revendicative » et non « assemblée de prière »… et qu’il leur fallait donc, n’en déplaise à leur bonne éducation, vociférer. « Macron démission, c’est bien, Je vous salue Marie, c’est mal », résume l’un d’entre eux, un peu éberlué. C’est donc de façon parfaitement démocratique et « dans les clous » qu’ils expriment leur gronde, desserrant un peu, de ce fait, la soupape de la cocotte minute décrite par Maxime Tandonnet. En attendant, on vient d’apprendre qu’il n’y aurait pas de reprise des cultes avant début décembre. Les manifs vont, de toute évidence, continuer. Logique.

Gabrielle Cluzel

Ecrivain, journaliste

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