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Les territoires oubliés de la République (texte de 2014)

Les territoires oubliés de la république .jpegNous avons déjà eu l'occasion d'entretenir nos lecteurs du livre de Christophe Guilluy, La France périphérique, qui a reçu le Prix des impertinents. Son sous-titre Comment on a sacrifié les classes populaires, dit bien l'importance de cette publication. C'est ce qui nous conduit à vous en proposer ici une vraie recension.

Remarqué pour ses Fractures françaises (2010, rééd. 2013), Christophe Guilluy présente cette année dans La France périphérique une synthèse claire sur cette reconfiguration, encore mal analysée par le discours officiel et qui échappe aux hommes politiques. La vraie menace pour le pouvoir ne vient pas des zones urbaines, dites sensibles, trop longtemps choyées par la peur d'un embrasement, mais de ces territoires en marge des métropoles. « Ainsi, la question sociale n’est pas circonscrite de l'autre côté du périph, mais de l’autre côté des métropoles, dans les espaces ruraux, les petites villes, les villes moyennes, dans certains espaces périurbains qui rassemblent près de 80% des classes populaires. » Dans ces territoires oubliés des politiques de la ville se met en place une véritable contre-société subversive. Cette France des petits blancs délaissés, qui va des Bonnets rouges aux victimes des plans sociaux, ne profite pas des joies de la mondialisation heureuse. Jamais le pays n’a paru aussi coupé entre les métropoles, adeptes du libéralisme à tout crin et du multiculturalisme, et les territoires oubliés des nouvelles couches populaires.

Un vrai parcours dans le pays réel

Christophe Guilluy rompt ainsi avec certaines idées reçues. Le concept de classes moyennes ne veut plus rien dire. Cette catégorie a implosé depuis bien longtemps, avec d'un côté, les catégories supérieures des grandes métropoles et les catégories populaires d'immigration en zones sensibles et de l'autre côté, ces nouvelles classes populaires qui unissent dans un continuum socioculturel petits paysans, ouvriers, employés, jeunes, actifs occupés, chômeurs et retraités issus de ces catégories. De même, le terme « ville » ne signifie plus rien. Nous sommes tous des urbains, oui, mais de quelles villes ? Les territoires des fragilités sociales contrastent avec ces territoires dynamiques. Les métropoles, épargnées par la crise, se caractérisent par une « sociologie très inégalitaire », marquée par une surreprésentation des catégories supérieures, allant des bobos aux cadres, et par des catégories populaires issues de l'immigration. En Île-de-France ouvriers et employés sont même devenus minoritaires. De l'autre côté, voici la France périphérique, les agglomérations modestes, les petites et moyennes villes et les espaces ruraux qui incarnent cette France qui commence à faire peur et sera, probablement, la clé des prochaines élections. Autre analyse : les votes PS et UMP apparaissent plus comme des votes de protégés (les retraités) ou de bénéficiaires (les catégories supérieures) de la mondialisation. L’ouvrage de Christophe Guilluy offre au lecteur attentif un vrai parcours dans le pays réel.

Christophe Guilluy, La France périphérique, éd. Flammarion 258 pp. 18 euros

François Hoffman monde&vie 24 décembre 2014 n°901

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