Les policiers sont en colère après les propos d'Emmanuel Macron sur les contrôles au faciès. Plusieurs syndicats appellent à cesser les contrôles.
Place de la République, samedi 5 décembre. Frédéric Lagache, porte-parole du syndicat Allliance-Police nationale, est venu mesurer le désarroi des forces de l'ordre après l'interview accordée par le président de la République à Brut.
« Désarroi, c'est un euphémisme : ils sont écœurés, constate le syndicaliste. Le président de la République s'est mis au niveau de Mélenchon. C'est un lâchage en rase campagne. » Qu'ils soient CRS ou policiers des brigades anticriminalité, pour eux, les propos du chef de l'État sur les contrôles au faciès ne passent pas.
Dans un entretien accordé vendredi au média en ligne Brut, Emmanuel Macron a dit vouloir regarder en face la question des contrôles au faciès. « Aujourd'hui, quand on a une couleur de peau qui n'est pas blanche, on est beaucoup plus contrôlé [...] On est identifié comme un facteur de problème et c'est insoutenable », a regretté le chef de l'État.
En guise de protestation, Alliance, seul syndicat de police qui avait appelé à faire barrage à Marine Le Pen en 2017, demande à ses adhérents de ne plus pratiquer aucun contrôle d'initiative : « Pas de contrôle, pas d'initiative, pas de problème », peut-on lire dans un tract tiré après l'entretien présidentiel. Alliance, Unité, l'Unsa-police et Alternative police-CFDT, qui représentent plus de 50 % des policiers en tenue et leurs collègues des bacs de sécurité publique, sont désormais tous d'accord pour effectuer un service minimum en matière de contrôles d'identité.
Le discours présidentiel stigmatisant est affligeant.
Les propos d'Emmanuel Macron, confortés par un rapport du Défenseur des droits réalisé en 2017, font pourtant débat au sein de la police.
« On ne choisit pas la délinquance. Il m'arrive de ne contrôler que des Blancs quand je suis missionné sur une opération anti-stups près d'un point de deal : je suis quasi sûr de trouver du shit dans leur poche et je les verbalise. Je suis les directives de notre hiérarchie, qui elle-même obéit à la politique du gouvernement », explique un gardien de la paix de la préfecture de police.
Olivier Boisteaux, patron du syndicat indépendant des commissaires de police, est également consterné par les propos du chef de l'État : « La police a en ce moment plus que jamais besoin de soutien des plus hautes autorités. Nous incarnons le dernier rempart défendant les valeurs républicaines. Le discours présidentiel stigmatisant est affligeant. »
Le syndicat majoritaire des commissaires muet
Samedi à Paris, les casseurs sont passés à l'attaque en tout début de manifestation. « Comme s'ils s'étaient enhardis : ils savent désormais qu'on est seuls et isolés. On ne peut compter ni sur les politiques et encore moins sur les médias pour expliquer la complexité de nos missions. Les politiques cherchent à se faire élire sur notre dos et les journalistes veulent faire du buzz. Nous là-dedans, on fait le punching-ball », constate, dépité, un CRS.
La quasi-totalité des organisations syndicales – près de 70 % des fonctionnaires de police sont syndiqués – contestent la mise en cause présidentielle : gardiens de la paix, gradés, officiers avec des nuances ou commissaires, à l'exception notable du syndicat des commissaires de la police nationale, très largement majoritaire dans la corporation des « patrons », dont le porte-parole David Le Bars habituellement très loquace.
Contester les propos du chef de l'État sur les contrôles au faciès, signifie-t-il, en creux, que les policiers y sont favorables ? « Les contrôles d'identité se font sur réquisition des procureurs », répond Denis Jacob, d'Alternative Police-CFDT.
La police est tiraillée par des injonctions contradictoires : politique gouvernementale contre l'immigration clandestine, lutte contre le terrorisme islamiste, ordre des parquets, signalement après un délit dans un bassin de délinquance ghettoïsé, autant de facteurs qui ont pour conséquence d'alimenter le face-à-face entre Français issus des ex-colonies ou des DOM-TOM, victimes de contrôles au faciès, et la police.
Source : https://www.lepoint.fr/