La politique économique d’Emmanuel Macron montre ses limites, tandis qu’une fracture sociale menace de couper en deux la société française.
La rentrée sociale promet de ne pas être de tout repos pour Emmanuel Macron et le gouvernement. Une première décision fait déjà polémique, celle de revaloriser nettement au-dessous de l'inflation les pensions de retraite et les allocations familiales. De toute évidence, les familles - et donc le redressement d'une natalité en baisse - ne font pas partie des objectifs prioritaires d'Emmanuel Macron.
Les retraités, quant à eux, avaient déjà subi l'an dernier une hausse de la CSG de 1,7 %, que ne compensait pas, comme dans le cas des salariés, une baisse des cotisations sociales. Ils ne seront pourtant sans doute pas les plus à plaindre, les actifs (actuels cotisants, qui sont les futurs retraités) devant s'attendre à faire principalement les frais de la prochaine réforme des retraites. Emmanuel Macron lui-même l'a laissé entendre lors de la polémique sur les pensions de réversion, en déclarant qu'« aucun bénéficiaire actuel ne verra sa pension de réversion diminuer », ce qui laisse entendre que ce sera le cas des bénéficiaires futurs.
Plus généralement, la politique des « riches » que la gauche reproche à Macron de mettre en place est plutôt une politique des « très riches ». La classe moyenne - c'est-à-dire la majorité des Français, ni très pauvres, ni très aisés -, en revanche, subit l'essentiel d'une pression fiscale qui s'allège d'autant moins que la dépense publique ne diminue pas (la France est au deuxième rang des pays de l'OCDE derrière la Finlande et que la reprise espérée de la croissance n'est finalement pas au rendez-vous. Les mesures bienvenues adoptées en faveur des actifs, via la baisse des cotisations sociales sur les salaires et leur suppression sur les heures supplémentaires annoncée par le premier ministre pour septembre 2019 sont contrebalancées par la hausse de la CSG et par l'augmentation des taxes sur le tabac, le carburant et le gaz, dont les tarifs ont augmenté de 7,45 % en juillet 2018 et pourraient exploser à l'avenir.
La classe moyenne paiera
La suppression de l'impôt sur la fortune apparaît comme un cadeau fait aux contribuables suffisamment fortunés pour placer leur argent en bourse, mais le maintien de ce prélèvement sur les biens immobiliers avec l'IFI (impôt sur la fortune immobilière frappera également la classe moyenne. En effet, comme l'observait Sébastien Laye, chercheur associé à l'Institut Thomas More, dans Le Figaro du 17 octobre 2017, « la classe moyenne ne possède pas massivement des actions comme les plus riches et au contraire souffrira du fait de la structure de son patrimoine ce dernier est en effet massivement immobilier comprend de l'immobilier locatif des PEL ou de l'assurance vie. Or ces produits verront tous leur fiscalité s'alourdir l'an prochain. »
À cela s'ajouteront, d'une part, les conséquences de la suppression progressive de la taxe d'habitation, qui contraindra probablement les collectivités locales à augmenter les taxes foncières pour la compenser et, d'autre part, une éventuelle révision des taux réduits de TVA sur les travaux immobiliers, que le ministre de l'Économie Bruno Lemaire a évoquée au début du mois de juin et qui pourrait entraîner, entre autres conséquences, la perte de nombreux emplois (27 000, selon une estimation du ministère du Logement réalisée en 2016) et simultanément un recours des particuliers au travail « au noir », qui se traduirait pour l'État et la Sécurité sociale par des pertes en termes de prélèvements fiscaux et sociaux.
France quart-mondisée ou France mondialisée
Or, l'affaiblissement des classes moyennes, voire leur disparition progressive, n est pas une bonne nouvelle pour la société française. Il conduit à détruire « l'ascenseur social », c'est-à-dire la nécessaire mobilité entre les catégories de la population plus ou moins aisée. L'une des conséquences qui en résultent est l'installation de familles entières dans une logique d'assistanat. Une fracture, déjà engagée, pourrait creuser un fossé de plus en plus difficilement franchissable entre une population française abandonnée, progressivement « quart-mondisée », et une autre France, celle des gagnants de la mondialisation, repliée sur les centres des grandes métropoles. On passerait ainsi de la facture fiscale à la fracture sociale. Une telle évolution conduirait à terme à la disparition de la nation, ce qui ne chagrinerait probablement pas beaucoup Emmanuel Macron.
L'effort du président de la République tend à ramener le déficit public sous le seuil de 3 % fixé par les eurocrates de Bruxelles et qui ne correspond d'ailleurs à rien. Sans baisse de la dépense publique, l'État s'en donne les moyens en puisant dans les poches des contribuables. Parallèlement, le maintien de ce niveau de déficit doit permettre de continuer à emprunter sur les marchés à des taux qui pour l'instant restent faibles, ce qui permettra aux banquiers de prospérer, mais aura des conséquences redoutables en cas de remontée des taux. Apparemment, tout cela importe peu à Emmanuel Macron, figé dans son idéologie mondialiste et européiste.
Hervé Bizien monde&vie 6 septembre 2018 n°959