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Affaire Duhamel : pourquoi parler d’inceste et pas de pédophilie ?

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ls sont forts. Ils sont très forts. Chapeau bas, maestro ! L’art de retourner leur débâcle comme une chaussette.

Il y a quelques semaines, on entendait une mouche voler : Camille Kouchner venait de publier son livre. Bien que « tout  » sache depuis longtemps, « tout le monde » décida conjointement de surjouer l’indignation et de lâcher Olivier Duhamel – en espérant que cette offrande expiatoire suffirait. On convint d’appeler cela de l’. Et d’en profiter pour envoyer le coup pied de l’âne en faisant, ni vu ni connu, une adroite passe à l’aile : le lieu de tous les dangers, ce n’est pas le monde extérieur mais la famille.

Un article de Libération (6 janvier 2021) évoquant l’affaire titre sans ambiguïté : « Inceste : dire non au père est encore très difficile » : « L’historienne Anne-Claude Ambroise-Rendu explique que les abus contre les enfants s’inscrivent dans l’autorité paternelle qui structure les familles. » La journaliste interroge : « Le pouvoir de l’inceste est-il un pouvoir d’homme ? » La réponse (tellement) attendue fuse : « C’est un pouvoir masculin, celui du père, du grand-père, de l’oncle, du grand frère. C’est la figure du dominant. Dans le cas d’Olivier Duhamel contre qui sont portées des accusations d’inceste, c’est même un hyper dominant, blanc, jouissant, d’un capital social, culturel, symbolique et financier. » Ouf. La boucle est bouclée. En terrain connu, on est rassuré. Le coupable est bien un homme blanc, un père de famille, bourgeois et cultivé de surcroît.

Une loi de mars 2016 a élargi la notion d’inceste aux conjoints et concubins de la famille. Pourtant, si l’on s’en tient à la définition du dictionnaire, l’inceste désigne « les relations sexuelles entre des personnes liées par un degré de parenté entraînant la prohibition du mariage ». Soyons précis : rien n’empêche le compagnon d’une femme d’épouser l’enfant de celle-ci s’ils n’ont aucun lien biologique ni adoptif. Au moment des faits (bien avant 2016), le frère de Camille Kouchner avait un père, et ce n’était pas Olivier Duhamel. En revanche, celui-ci, pour commettre son forfait, a pu « se prévaloir d’un rapport d’autorité », comme l’écrit le Sénat dans un rapport sur la … car c’est bien ce mot qui convient : « pédophilie ». Mais c’est un chemin rhétorique périlleux.

L’emprunter, c’est s’exposer à entendre rappeler les sulfureuses pétitions publiées dans Le Monde et Libération, joyeusement signées par toute la compagnie – à commencer par les icônes Jean-Paul Sartre et Simone de Beauvoir et à finir par Bernard Kouchner lui-même… qui affirme, aujourd’hui, avoir failli « casser la gueule » d’Olivier Duhamel, mais finalement gardé le silence pour respecter le souhait de son fils : ils m’ont retenu, sinon je faisais un malheur ! Une telle ligne de défense adoptée par Mgr Barbarin aurait été jugée « abjecte ».

C’est aussi courir le risque, en laissant tirer le fil, de dévider toute la pelote et voir faire l’inventaire de Mai 68 : celui d’une génération de boomers née avec une cuillère en or dans la bouche, ayant tout reçu et tout détruit, jusqu’à parfois ses propres enfants… encore omnipotente aujourd’hui, écrasant de son magistère infaillible toujours plus délétère une jeunesse qu’elle a déjà tant meurtrie. Non que la pédophilie soit son apanage. De La Petite Roque au procès Preynat, on retrouve cette perversion à toutes les époques et dans tous les milieux. Mais aucun n’en a fait l’apologie goguenarde en la revendiquant comme un droit, aucun n’a dynamité les liens familiaux, les réduisant en miettes et les dispersant, façon puzzle, jusqu’à semer une confusion sordide dans les esprits et les mœurs… qui ne savent plus seulement discerner ce qui relève de l’inceste.

Comment s’étonner que le dernier crobard du dessinateur Xavier Gorce n’ait pas (du tout) plu (il a été retiré du Monde, qui a présenté ses excuses…) ? Un petit pingouin y demande à un grand : « Si j’ai été abusée par le demi-frère adoptif de la compagne de mon père transgenre devenu ma mère, est-ce un inceste ? » « Le premier qui dit la vérité, il doit être exécuté », chantait feu Guy Béart. Médiatiquement, au moins.

Gabrielle Cluzel

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