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Un racisme contre les musulmans ? (2019)

Alors que le langage semblait se libérer après l’attentat à la préfecture de police, la cage aux phobes revient sur le devant de la scène médiatique… Clémentine Autain  est juste un symptôme de la grande confusion mentale qu’on voudrait rendre obligatoire. « Islamophobie, musulmanophobie appelez-le comme vous voulez mais il y a aujourd’hui un racisme contre les musulmans en France » a twitté Clementine Autain le 17 octobre dernier. On sait combien la France insoumise, après bien des divisions en son sein, a di axer son discours sur celui des islamo-gauchistes bobos et non sur les souffrances des classes moyennes et populaires, inquiètes devant le grand remplacement en cours. Mais ce tweet dénote une absence totale de distinction dans le grand bouillon victimaire, qui parait aujourd’hui particulièrement inquiétant.

Alors que la confusion sociale semble devenue générale, alors que les CRS se battent contre les pompiers, alors que les avocats manifestent comme de vulgaires fonctionnaires, alors que les urgentistes ne parviennent toujours pas a se faire entendre, alors qu’au début des vacances de la Toussaint, une grève surprise de la SNCF - les salariés prétendant mettre en avant leur droit de retrait - manifeste combien les fonctionnaires sont perdus, il ne faudrait pas ajouter la confusion mentale au chaos social. Et pour cela, c’est une simple question d’hygiène intellectuelle, on doit - on se doit a sol-même - d’utiliser les mots qui conviennent pour ne pas tout confondre : « Mal nommer un objet, disait Camus souvent repris et déformé, c’est ajouter au malheur de ce monde ».

Il ne s’agit pas, comme on le lit souvent de mal nommer « les choses ». Dans la phrase de Clémentine, l’islam n’est pas une chose, les musulmans ne sont pas des choses, le racisme n’est pas une chose. Ces mots correspondent à des représentations c est-a-dire a des concepts différents. Dans la « pensée » de Clémentine Autain néanmoins, ces mots et ces représentations s’entrechoquent jusqu’à confondre leurs intentions en un gloubi-boulga attrape-tout, qui constitue une sorte de pâtée trop épaisse, même pour des estomacs qui en ont vu d’autres. Il faudrait mettre dans ce brouet peu comestible les anti-islam et les anti-musulmans dans la même sauce et rapporter tout cela au racisme.

Contre l’islam politique

Comment manifester plus clairement que cette femme politique honorable est en réalité dans la non-pensée, dans une sorte d’affect qui confond tout à l’enseigne de la grande victimisation. Au nom de la nouvelle idéologie de la bienveillance, il faudrait accepter si l’on prend son tweet au pied de la lettre, de considérer qu’un spécialiste qui critique l’islam serait du même coup hostile à tous les musulmans (équivalence entre anti-islam et anti-musulman) et que cette hostilité putative devrait relever purement et simplement du racisme, c’est-a-dire d’une décision de la 17e Chambre. Mieux encore : si l’on fait droit au système d’équivalence que son tweet met en place, il faut ajouter que pour Clémentine Autain, être un spécialiste critique de l’islam, c’est être un raciste. C’est en tout cas tout l’enjeu de ce discours l’islamo-gauchiste : parvenir dans le public, au nom de la laïcité, à exonérer l’islam de toute critique, inscrire cela dans la loi et faire de la critique de l’islam un blasphème social, qui mettrait en cause tous les musulmans.

Il faut bien nommer un objet si on veut dominer les difficultés qu’il provoque dans un paysage. Je crois que si l’on veut bien nommer les réalités musulmanes, il faut avoir recours à ceux qui connaissent le mieux ces objets : aux musulmans eux-mêmes. C’est dans cette perspective que j’ai été particulièrement intéressé par le Plaidoyer contre l’islam politique de Mohamed Louizi. Dans ses livres ou sur son blog, il s’oppose à ce qu'il ne nomme pas islamisme, mais seulement « islam politique » : « L’islam politique contemporain, sous toutes ses représentations civiles et militaires est surtout l’expression de cet angle de dérive constaté sans difficulté entre un cap humaniste initialement fixé par la prophétie muhamadienne et l’autre cap, totalitaire, suivi depuis sa mort jusqu’à nos jours par le concert des califes et des rois ».

L’ambition de Mohamed Louizi est de faire de l’islam une religion personnelle et non une idéologie socio-politique totalitaire (ce qu’il est, dit-il). En tant que frère musulman, jusqu’à l’âge de 28 ans, il a connu ce mélange entre le politique, le social et le religieux. Il estime que ce mélange est intolérable. Il souhaite qu’à l’égal de ses ancêtres marocains au village où il n’y avait ni mosquée ni muezzin, l’appel de Dieu sonne dans les coeurs et dans les cœurs seulement. Une forme de laïcité religieuse, qui, venant d’un musulman très croyant, ouvre des perspectives à notre avenir forcément commun.

Alain Hasso monde&vie 24 octobre 2019 n°977

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