Vous l’aurez remarqué, le très consensuel quotidien dit catholique ne brille pas par ses positions courageuses sur l’état de la France.
Son lecteur est volontiers invité, en une du journal, à s’apitoyer sur les autres nations. Plus simple, moins risqué. Durant ce mois de janvier, La Croix nous a ainsi emmenés en Égypte, en Irlande, aux États-Unis (pour saluer l’arrivée de Jo Biden, je vous rassure), en République démocratique du Congo, au Sahel. On s’est penché, toujours en une, sur les méchants complotistes (quel courage !) ou sur l’islam (« pourquoi c’est compliqué », sic). Apparemment, le journal préfère un confortable amour du lointain au souci du prochain. Cette stratégie qui rapporte plus de médailles que de coups compte une exception notable.
Chaque année, à la période où les Français préparent leurs skis pour les vacances de février, La Croix publie courageusement l’état de l’opinion vis-à-vis de ses médias. Et, cette année encore, les Français ne se font pas prier pour déchirer à belles dents nos grands donneurs de leçons.
L’enquête One Point-Kantar Media, réalisée sur 1.000 personnes entre le 7 et le 11 janvier, ne fait pas de quartier. Pour 52 % de nos compatriotes, « les choses se sont passées comme l’a raconté la radio ». Vous avez bien lu : 48 % des Français considèrent donc que les radios qu’ils écoutent (France Inter en tête, puisque c’est la première station de France) ont menti ou déformé les faits. La radio est pourtant le média le plus crédible !
La presse affiche un taux de crédibilité de 48 % (donc, 52 % des Français considèrent que leurs journaux les trompent), la télévision de 42 % (58 % de sceptiques !), Internet de 28 % (72 % de hausseurs d’épaules).
Les auditeurs, téléspectateurs, lecteurs s’informent, oui, mais ne sont pas dupes. Près de deux Français sur trois considèrent que les journalistes, l’une des professions les plus détestées de France, ne résistent pas aux pressions des partis politiques et du pouvoir ! 59 % qu’ils se soumettent aux pressions de l’argent. Avec une telle réputation, vous n’avez plus besoin d’ennemis.
Sur le coronavirus, les sondés considèrent que les médias ont donné trop de place à des non-spécialistes (73 %), dramatisé les événements (66 %), relayé de fausses informations (58 %) et n’ont pas permis de réduire l’incertitude sur la situation (62 %). Enfin, 44 % des mêmes sondés considèrent que les informations déformant la réalité reviennent une fois par semaine ou plus ! Moi qui croyais que les fake news, c’était « l’extrêême-droate », vous imaginez que ma surprise est grande. Et ne croyez pas que le Covid-19 ait soudain sapé le moral des répondants : les résultats étaient pires l’an dernier.
Vous me direz : voilà un coup de semonce assez sonore pour que toute la planète médiatique se remette en cause, considère son avenir compromis (pourquoi acheter un journal qui vous ment ou écouter une radio que vous ne croyez pas ?), bouleverse ses habitudes, cesse de prendre l’extrême gauche du onzième arrondissement de Paris pour le baromètre de l’opinion générale, tombe de son piédestal, abandonne son credo européiste, immigrationniste, retrouve le goût du réel, oublie sa haine des frontières, redécouvre l’intérêt général et l’humilité et entame auprès des Français un long pèlerinage de repentance, à la manière de nos vieux rois pécamineux, en chemise et la corde au cou.
Oui, mais voilà, les mêmes éditorialistes politiquement corrects, les mêmes journalistes et patrons de médias dominants, les fesses encore rouges du coup de pied reçu, recommenceront dès cette semaine à expliquer que les Français n’ont rien compris. Ils tenteront à nouveau de nous convaincre que les choix qui ont mené tant de Français dans l’impasse restent excellents. Et continueront, au passage, de toucher leur salaire. Jusqu’à quand ? Pour eux, le réveil, un jour, sera brutal. En attendant, amis journalistes consensuels, bouchez bien vos oreilles, tirez votre bonnet sur vos yeux et dormez bien. Bonne nuit, mes petits !
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