Après le serre-tête d’Aurélien Taché, le foulard de la mère d’Alain Juppé, la mantille de Christophe Castaner, voici, tout à gauche, le voile de la mariée d’Éric Coquerel… Qui dit mieux ? Allez, encore une enchère dans ce concours créatif ? La charlotte sur la tête de l’infirmière en bloc opératoire ? Le petit plastique plié en 24 dans le sac à main des mémés qu’elles déplient quand il pleut pour ne pas gâcher la mise en plis ? Le turban de la voisine en chimio ? La couronne de la reine d’Angleterre ?
« Le voile a fini par s’inviter à l’initiative des LR lors de l’examen du projet de loi séparatisme, mercredi 3 février, à l’Assemblée nationale », écrit Le Monde.
Les députés Éric Ciotti et Annie Genevrard ont plaidé – en vain – pour l’interdiction du port du voile à l’université et pour les accompagnatrices scolaires.
Éric Ciotti ayant dénoncé une « forme de prosélytisme » et un « symbole d’asservissement », Éric Coquerel a voulu contre-attaquer : « Le voile de mariée chrétienne signifie qu’il y a une soumission de la femme à son époux, est-ce que vous allez demander de l’interdire ? »
On pourrait lui répondre que s’il n’y a que cela, on peut en effet convenir d’interdire les voiles de mariée à l’université et dans les sorties scolaires, ce n’est en effet pas très commode et même encombrant dans un amphi, voire dangereux dans le bus, les enfants risquant de se prendre les pieds dans la traîne de la dame en descendant. Cette mesure serait d’une grande utilité, attendu que s’accoutrer en mariée pour prendre le RER Nanterre Université – bien vérifier que l’on n’a pas perdu le diadème en quittant le wagon – ou pour accompagner la classe de son fils au zoo est une idée qui traverse assez couramment l’esprit des étudiantes et des mères de famille.
On pourrait lui répondre aussi que si un seul pays de culture chrétienne imposait le port d’un voile de mariée à ses ressortissantes et aux femmes étrangères venues sur son sol, cela se saurait. Ou encore, comme l’a fait peu ou prou l’abbé Grosjean, sur Twitter, que sa démonstration ne vaut pas un clou : « Une fois l’échange des consentements réalisé, l’époux relève au contraire le voile de son épouse. Quand celle-ci ne l’a pas relevé elle-même en entrant dans l’église ! À quand remonte le dernier mariage chrétien auquel vous avez assisté ? »
Mais le syllogisme est devenu mode de raisonnement ordinaire : les couvre-chefs anodins se portent sur la tête, le voile islamique se porte sur la tête, donc le voile islamique est un couvre-chef anodin et Socrate est un chat. Il se retourne même comme une chaussette, au gré de l’objectif : le catholicisme, le protestantisme, le judaïsme, l’hindouisme… sont des religions, l’islam est une religion. Ces religions ne posent pas de problème, donc l’islam ne pose pas de problème. Ou, à l’inverse… l’islam est une religion, les autres aussi, si l’islam pose problème, celles-ci itou. Comment stigmatiser tout le monde et personne. La presse titrera sur le « fait religieux » et les philosophes grecs feront miaou. On a compris l’idée : zou, toutes dans le même sac ; le chat et Socrate, même combat.
Comme l’expliquait Marc Eynaud dans ces colonnes, si les autres se défendent, elles semblent défendre l’islamisme, si elles le dénoncent, elles coulent avec lui. Mais qu’ont-elles fait, au juste ? En quoi inquiètent-elles les Français ?
Il est dérisoire et inutile de parler chiffons, de convoquer modistes et chapeliers, de faire l’exégèse de textes proto-chrétiens à la quête d’une signification obscure, car nous le savons, vous le savez, ils le savent, il y a un seul sujet : celui de la multiplication des voiles, qui est le signe très sûr qu’un quartier est sous contrôle islamiste, ou en passe de le devenir. Ce projet de loi est censé faire en sorte que la France tout entière ne devienne pas ce quartier.
Pas gagné.
Gabrielle Cluzel