Contemplant, dans la soirée de ce 18 mars, l'affligeant cafouillage et le ton quasi dictatorial de ce pauvre Castex, on était tenté de se prendre de pitié. Face à ce chef constitutionnel d'un gouvernement déboussolé, et à son discours surabondant et désarticulé, on ne pouvait que s'interroger : qu'auraient pensé, qu'auraient fait, nos devanciers, chouans ou communards, huguenots ou ligueurs, devant un tel déni des libertés élémentaires, des autorités régionales, des responsabilités corporatives et même des principes constitutionnels de ce qui s'appelle encore une république. De ce mot, pourtant, observons combien nos communicants se gargarisent, à contre-emploi.
Au sein de la Macronie, séparation des pouvoirs, connais pas. Circulez, sous le règne des Marcheurs, il n'y a rien à voir.
Or, le pouvoir personnel sans limite ne conduit qu'au désastre.
Quand on étudie la folie maoïste, continuation revendiquée de la Terreur stalinienne, on ne peut que ressentir une perplexité et une inquiétude pour l'évolution de la France. Tous les auteurs chinois le soulignent : le délire marxiste de Mao Tsé-toung n'a pu atteindre le niveau de destruction, qui prend son envol avec le Grand Bond en avant théorisé en 1958, qu'au gré de l'emprise totalitaire que le Grand Timonier exerçait sur son entourage, sur l'appareil communiste et sur son pays. L'examen des débats et discours en témoigne, la confrontation des points de vue se réduisant d'ailleurs au congrès du Parti unique et au plénum de son Comité central. Les uns après les autres, tous ceux qui commencent, à partir de 1956, par émettre prudemment des réserves et des avis divergents, tels le malheureux Liu Shaoqi, tel le futur réformateur économique Deng Xiaoping ou même Zhou Enlaï, finissent par renoncer à toute critique, à s'aplatir comme des crêpes et à réaffirmer leur foi inébranlable dans le génie de leur chef bien aimé.
Il s'ensuivra la mort de 36 millions de paysans dans la seule séquence de la famine qui frappa le pays, entre 1959 et 1961, du fait de la collectivisation à marche forcée. Dix ans plus tard, entre 1966 et 1976, la révolution culturelle fera, à son tour, des dizaines de millions de victimes.
En sommes-nous arrivés à ce point ? Pas encore sans doute.
Pouvons-nous faire machine arrière ? Oui, certainement mais à condition de ne pas courber le dos.
Dans quelques jours par exemple, le 25 mars, la Grèce commémorera le Bicentenaire du soulèvement national de 1821. La devise des insurgés est demeurée dans les mémoires et dans les cœurs de leurs descendants : la liberté ou la mort.
Qu'on ne s'y trompe pas, une telle affirmation, qui me semble aussi précieuse que ce cher "grand pays" sur un "petit territoire" [1] lui-même, n'enfermait nullement ceux qui la professaient alors dans le carcan philosophique des Illuminés de Bavière et de ces jacobins qui ont fait tant de mal à la France.
La conception grecque de la Liberté fait partie d'une identité profonde, caractéristique de l'esprit européen. La plupart de ses philosophes respectaient plus encore les mérites de l'aristocratie plutôt que les aimables mais fragiles institutions de la démocratie. Ils croyaient avant tout aux vertus du débat.
Cette vision s'accompagne aujourd'hui encore d'une très forte imprégnation religieuse. L'appel à l'insurrection de 1821, le 25 mars, fête nationale de nos jours, correspond à la fête chrétienne si belle de l'Annonciation. Autre commémoration parallèle, aujourd'hui encore, celle du 28 octobre qui esi identifiée à l'entrée dans la seconde guerre mondiale en même temps qu'à la fête orthodoxe de la Protection de la Mère de Dieu. On honore le début des conflits plus encore que la victoire car "seuls les commencements sont beaux" ainsi que nous le rappelle Heidegger.
L'appel à l'insurrection était préparé par le maintien de l'identité à l'école des prêtres, dans le secret nocturne des temples, sous le regard des icônes. Ainsi se maintint, pendant les siècles de l'obscurité ottomane, l'apprentissage de la langue et de son écriture.
Chateaubriand ne s'y trompait pas dès 1811, lorsqu'il publie son Itinéraire de Paris à Jérusalem. L'auteur contre-révolutionnaire du Génie du christianisme préfigurait alors le philhellénisme de tout le mouvement romantique naissant. Celui-ci s'engagera sans hésiter en soutien des Grecs et de tous les Balkaniques insurgés, chrétiens en butte à l'oppression de l'islamisme.
Athènes est redevenue, au XXIe siècle une grande ville, une agglomération de 4 millions d'habitants. Elle était, il y a 200 ans, décrite par Chateaubriand comme un village réduit par l'occupant à une population de bergers albanais.
Il ne faut pas attendre pareil déclin avant d'entendre, à notre tour, le fameux appel de Maurice Barrès "réveillez-vous vieille race et reprenez possession de vous-mêmes puisque vos maîtres défaillent".
JG Malliarakis
Apostilles
[1] Votre chroniqueur ne retrouve pas, en écrivant ces lignes, l'auteur de la formule plaisante "la Grèce est un grand pays mais c'est un petit territoire". Il compte donc ce matin sur ses amis et commentateurs réguliers.