Les incertitudes qui, il y a encore quelques semaines, planaient sur l’avenir à moyen terme de l’opération Barkhane, semblent avoir été levées lors du sommet du G5 Sahel à N’Djamena le 15 février dernier.
Pour autant, la question de la suffisance des moyens dédiés à ce qui est aujourd’hui l’engagement majeur de l’armée française reste posée et ne paraît pas devoir être résolue rapidement d’autant qu’elle revêt une dimension européenne.
Si l’on s’arrête au problème des hélicoptères, vitaux en bande sahélo-saharienne (BSS) compte tenu des dimensions du théâtre et de la nature des opérations, l’observateur ne peut que s’étonner de leur faible nombre : seize français (transport et combat) et cinq gros porteurs (trois britanniques et deux danois). Cela amène à s’interroger sur le rapport, qui a tout de même une valeur indicative, entre le montant actuel des dépenses annuelles de défense des pays de l’Union européenne, soit environ 280 Md€, et le niveau de leur engagement au Sahel.
D’évidence, ce constat reflète, du point de vue des opérations en Afrique, une inégalité dans le partage du fardeau qui, hormis des pétitions de principe et des regrets de circonstance, ne suscite en réalité pas grand débat chez nous comme chez nos partenaires de l’Union, si ce n’est peut-être dans quelques cénacles experts.
Or, cette réalité malgré tout dérangeante tranche avec les incantations sur la Défense européenne dont nous sommes bercés depuis très longtemps. À cet égard, il faudra suivre avec beaucoup d’attention l’évolution du dossier du Système de Combat Aérien du Futur (SCAF). En effet, celui-ci, par les ruptures technologiques qu’il comporte, sera un élément essentiel de la capacité aérienne européenne à l’horizon 2040, moment à partir duquel devrait s’effectuer le remplacement des Rafale et des Typhoon. Encore dans ses prémisses, ce programme, qui devrait coûter à la France de 50 à 80 Md€ selon le Sénat, a vu ces dernières semaines les deux partenaires principaux, français et allemand, via leurs industriels Dassault et Airbus, s’opposer notamment sur la question des droits de propriété intellectuelle.
Dans la mesure où la réalisation de ce type de programme est dorénavant hors de portée dans un cadre uniquement national, il y a donc un caractère impératif à trouver un accord, de même que pour les programmes relatifs au futur char de combat (MGCS), à l’Eurodrone et au Tigre Mark 3, et ce avant l’entrée de l’Allemagne en période préélectorale en juin prochain, une Allemagne dont le Parlement s’impliquera dans ces « grandes manœuvres militaro-industrielles » via le suivi régulier de la gestion des programmes SCAF et MGCS. Compte tenu de la dimension stratégique et économique de ces derniers, il ne serait pas incongru d’imaginer que notre représentation nationale s’inspire de cet exemple d’outre-Rhin et s’investisse dans un suivi qui aille au-delà des traditionnelles auditions en commissions ou de l’examen a posteriori des documents budgétaires.
Ainsi, les mois à venir seront décisifs pour l’avenir de ces programmes alors même que l’actualisation stratégique conduite par le ministère des Armées et que nous évoquions le mois dernier fait, avec force, état de la communauté d’intérêts des pays de l’UE et de son impact sur les politiques de défense. Une actualisation dont il faut vivement souhaiter qu’elle contribue à alimenter les débats qui devraient, dans le pays de l’Union européenne le plus concerné par les questions militaires, accompagner les préliminaires d’une campagne présidentielle où il faudra bien, enfin, évoquer sans ambages ni tremblements la défense de la France et les moyens qu’on doit y consacrer. Or, force est de constater que si, selon les enquêtes d’opinion, les Français sont attachés à leur armée et la placent haut dans leur estime, ils ne sont pourtant jamais enclins, dans les mois qui précèdent l’élection à la magistrature suprême, à transformer cet attachement en questionnement incisif et vigoureux relatif à la Défense auprès des prétendants à l’Élysée. Pourtant, le vainqueur ne tarde jamais à mesurer l’importance de la puissance militaire dans l’affrontement permanent des États et de leurs intérêts.
Dans ce contexte, le pays n’aurait rien à gagner du silence de ceux qui ont directement en charge les armes de la France et qui voient monter les risques d’affrontements à haute intensité aux périphéries de l’Europe. En revanche, en partageant avec simplicité et lucidité les problèmes qu’ils ont à affronter, ils pourraient donner à beaucoup de Français le souci de leur défense.La RÉDACTION de L’ASAF
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