À l’occasion de la Semaine internationale du harcèlement de rue, Marlène Schiappa a annoncé son grand plan : « créer des QSR ». L’acronyme en jette, fait sérieux, innovant, mais est un peu obscur. Mais qu’est-ce au juste qu’un QSR ? « Un Quartier Sans Relous »
Ah. Et qu’est-ce, au juste, qu’un relou ? « Verlan de lourd, qui est sans finesse, ou pénible, ennuyeux », lit-on dans le Larousse. Ah.
De la même façon qu’il y a des villages fleuris, Marlène Schiappa se fait donc fort de créer des enclaves où tout ne sera qu’esprit délié, délicatesse, subtilité, aphorismes spirituels et conversations de haut vol. On s’y croira dans le salon littéraire de Madeleine de Scudéry. On pourra même décerner, au printemps, le prix du plus beau QSR, relayé par le 13 h de TF1. Maintenant que Jean-Pierre Pernaut a cédé, en sus, sa place à une femme, ce sera spécialement indiqué. La question se pose quand même de savoir si, dans une Ah. Et qu’est-ce, au juste, qu’un relou ? « Verlan de lourd, qui est sans finesse, ou pénible, ennuyeux », lit-on dans le Larousse. Ah. inclusive ouverte à la diversité, interdire de séjour des individus au motif que leur humour à deux balles ou leurs ricanements idiots font lever au ciel les yeux de ces dames est tout à fait constitutionnel. Car la lourdophobie n’est-elle pas à l’esprit ce que la grossophobie est au corps ?
Soyons très clairs : le relou est aussi vieux que le penchant non partagé. Le Misanthrope est relou – rien de pire que la face de carême d’un soupirant atrabilaire et agoraphobe qui boude ou vous fait une scène dès que vous taillez un bout de bavette à quelqu’un d’autre -, Cyrano de Bergerac est relou – quoi de plus énervant que le regard de chien fidèle d’un amoureux transi qui, en plus, en se mourant d’amour pour vous, a le don de vous culpabiliser -, Pierre de Ronsard est relou – y a-t-il pire goujaterie que vous faire remarquer sournoisement, par dépit, à quel point vous regretterez ses avances quand vous serez bien vieille le soir à la chandelle ? Mais est-ce le Misanthrope, Cyrano de Bergerac ou Pierre de Ronsard qui font presser le pas des jeunes filles dans les rues sombres ?
Est-ce seulement les Bronzés Thierry Lhermitte, Gérard Jugnot ou Michel Blanc, chacun dans leur style grands relous devant l’Éternel, ou bien encore le primeur inoffensif qui, sur le marché, complimente bruyamment la timide étudiante pour son joli sourire, l’agaçant parfois, la consolant peut-être aussi, lorsque elle a loupé ses partiels ou rompu avec son fiancé ?
Non, le danger n’est pas le « relou » – mot (déjà) ringard et euphémique qui évite la cible – dont les maladresses peuvent être horripilantes mais ne sont pas angoissantes ni salissantes comme les propos orduriers, les gestes humiliants que certains s’autorisent, soit dans la rue, parce qu’ils n’ont pas été pétris (puisqu’on en parle) par la civilisation de Ronsard, de Molière ou de Rostand – et que l’on ne se débarrasse pas de ses mœurs, du regard que l’on vous a appris à porter sur les femmes, aussi simplement que de vieilles frusques en passant la frontière -, soit dans les couloirs feutrés du pouvoir, parce que boomers biberonnés au « jouir sans entraves », ils font semblant de prendre pour une joyeuse liberté sexuelle partagée un assouvissement égoïste compulsif.