Aux États-Unis, l’explication convenue est que la guerre avait pour but de sauvegarder la liberté et la démocratie. En réalité il y avait plusieurs agendas en jeu, et ils n’avaient presque rien à voir avec la liberté et la démocratie. Les origines de la Seconde Guerre mondiale sont multiples. Pour l’Allemagne, l’origine de la guerre fut le traité de Versailles qui lui enleva des territoires et lui imposa des réparations pour la Grande Guerre, cela en violation des « quatorze points » du Président Wilson. Hitler voulait reprendre les terres allemandes à la France, à la Tchécoslovaquie, au Danemark et à la Pologne, et réunifier le peuple allemand.
Le Japon voulait des colonies ou un empire, à l’instar des Européens, et avait besoin de matières premières et d’énergie.
Pour les Britanniques, qu’inquiétait une Allemagne revancharde, le but était de conserver leur hégémonie sur l’Europe. Quant à Churchill, la guerre lui ouvrait la route du pouvoir et lui donnait l’occasion de devenir un grand chef de guerre comme son ancêtre, le duc de Marlborough.
Pour Staline, c’était l’occasion de répandre le communisme dès lors que la Grande-Bretagne, la France et l’Allemagne se seraient épuisées dans un nouveau conflit armé.
Quel était l’agenda américain ? La lecture de la biographie de Churchill par David Irving, « La guerre de Churchill » (1), m’a convaincu que cet agenda n’avait rien d’idéaliste contrairement à ce que disent les livres d’histoire. Des mille pages du second volume de cette biographie, « Le triomphe dans l’adversité », je conclus que le but du Président Roosevelt et de son gouvernement était de remplacer l’Empire Britannique par un Empire Américain et d’empêcher les Japonais de se constituer un empire en Asie, ce qui libérait la voie pour les États-Unis. Irving ne dit pas cela ni ne donne d’explication du but de guerre américain, mais c’est cette conclusion qui ressort des innombrables textes officiels qu’Irving a découverts pendant des décennies de recherches. Irving est un historien inhabituel. Il laisse les faits parler d’eux-mêmes.
Les Britanniques entrèrent dans une guerre qu’ils ne pouvaient pas gagner contre l’Allemagne. Pour Churchill, il était capital d’y entraîner les Américains. Roosevelt le savait. Le prix que les Anglais devraient payer serait leur empire. L’Empire Britannique contrôlait le commerce mondial grâce à des pratiques discriminatoires fondées sur la préférence impériale. Le but de Roosevelt était de mettre fin à ce système et d’y substituer l’hégémonie américaine avec le dollar américain comme monnaie de réserve mondiale. A chaque moment critique pour les Anglais, ce qui permettait à Roosevelt de faire pression sur eux, il soulevait la question de l’empire. C’est probablement pour entraîner les Anglais, déjà aux prises avec l’Allemagne, dans une guerre contre le Japon, que Roosevelt provoqua les Japonais en arrêtant les livraisons de pétrole et en rompant les négociations ; il savait que la conséquence serait de jeter les armées japonaises sur les possessions britanniques.
Hitler était sur le point de réussir à recouvrer les anciennes frontières allemandes. Restait encore le territoire sous domination polonaise. Imprudemment, les Britanniques interférèrent dans les négociations germano-polonaises en donnant aux Polonais leur garantie contre une agression allemande. Cela encouragea le gouvernement militaire polonais à rompre les négociations, ce qui conduisit au pacte Molotov-Ribbentrop, lequel permit l’invasion allemande de la Pologne, suivie, quinze jours plus tard, par l’invasion soviétique de l’autre moitié de la Pologne.
Devant l’invasion allemande de la Pologne, les Britanniques sauvèrent la face en déclarant la guerre à l’Allemagne, ce qui entraîna la France à entrer en guerre à son tour contre l’Allemagne.
A la surprise générale, l’Allemagne vainquit rapidement les armées franco-anglaises. Hitler offrit aux Anglais un généreux traité de paix, n’exigeant que le retour à l’Allemagne de ses colonies africaines et promettant de défendre l’Empire Britannique. Churchill ne divulgua pas cette offre de paix et tabla sur l’entrée en guerre des Américains.
On dit que les Alliés – les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Union Soviétique – gagnèrent la guerre. Mais en réalité, seuls les Américains accomplirent leur but de guerre. Washington obtint l’hégémonie. Les Anglais perdirent leur empire et, avec lui, l’hégémonie. Staline réussit à vaincre la Wehrmacht, mais au prix de vingt-six millions de Russes. Les Soviets obtinrent l’Europe de l’Est, mais l’Armée Rouge était épuisée et, bloquée par les Américains, elle était incapable de répandre le communisme dans l’Europe Occidentale.
La tentative impériale japonaise échoua.
Hitler réussit à reconstituer l’Allemagne mais se condamna à l’échec en envahissant la Russie. D’autre part, selon l’ancien officier du KGB Victor Souvorov, il s’en fallut de quelques semaines qu’Hitler fût attaqué par Staline. Souvorov, dans son livre « Le principal coupable : le grand projet de Staline pour déclencher la seconde guerre mondiale » (2) , publié en 2008 par le Naval Institute Press d’Annapolis, Maryland, soutient que Staline se préparait à envahir l’Allemagne nazie alors qu’Hitler s’apprêtait à envahir la Russie. Il semble qu’aucun des deux ne connaissait les intentions de l’autre. Le hasard voulut qu’Hitler frappât le premier. Staline eût-il frappé le premier, l’Allemagne et toute l’Europe sous occupation allemande auraient été submergées par l’Armée Rouge. Selon Souvorov, une armée qui se prépare à l’offensive est vulnérable en défense si elle est attaquée. C’est ce qui contribua à la rapide progression de la Wehrmacht et les Allemands l’auraient emporté si l’hiver n’était pas arrivé six semaines à l’avance, bloquant l’offensive allemande devant Moscou. Ce qui donna à l’Armée Rouge le temps de se reconstituer et de s’organiser.
La guerre froide visait à maintenir l’hégémonie américaine en s’opposant à l’Union Soviétique. L’effondrement de celle-ci en 1991 laissa l’hégémonie américaine sans rivale. La restauration de la souveraineté russe par Poutine et la rapide montée en puissance de la Chine sont perçues par Washington comme des menaces contre l’hégémonie étasunienne, ce qui explique l’hostilité contre la Russie et contre la Chine.
L’Empire Américain fut la conséquence de la seconde guerre mondiale. Voici la question qui se pose : après avoir joui de l’hégémonie pendant trois-quarts de siècle, Washington peut-il faire marche arrière et traiter les autres pays comme ses égaux ? Si non, la guerre est notre avenir.
Source : Paul Craig Roberts, mars 2021
Notes
(1) David Irving : « Churchill’s war », tome 1 : « The struggle for power », tome 2 : « Triumph in adversity», Focal Point Publications, Londres.
(2) Viktor Suvorov : « The chief culprit : Stalin’s grand design to start World War II », Naval Institute Press, Annapolis.