Poitiers, novembre 1624. Dans la nuit et dans le froid, le peuple de la ville s’assemble, des petits groupes ne cessent de se joindre aux premiers arrivants, la foule grossit, gronde, hurle. Soudain, des coups de feu éclatent, venant de nulle part, en direction de la maison du notaire royal. Puis la foule, enragée, se dirige vers l’auberge où sont descendus les commis chargés de percevoir de nouveaux impôts sur les vins vendus au détail, de gros cailloux sont lancés contre les fenêtres de leur chambre.
Ce banal scénario se reproduira bien souvent tout au long de ce siècle !
En 1629, le roi avait déjà tenté d’augmenter les droits sur le vin. Aussitôt les nobles avaient tenu des assemblées et incité les paysans à se soulever contre les collecteurs d’impôt. Le roi avait alors cédé et supprimé ces nouvelles taxes. Mais quelques années plus tard, en 1636, les envoyés du roi voulurent doubler les impôts directs et augmenter les aides (taxes sur les denrées) sur les vins. La réaction contre “ces messieurs de Paris, partisans et autres, qui les accablent d’impôts” est immédiate et violente, peut-on lire dans les mémoires adressés au chancelier Séguier. En Saintonge, “cela a rendu le nom de Parisien tellement en haine et en horreur que seulement se dire tel est assez pour se faire assommer. Depuis cette révolte, ils en ont fait mourir dix à douze, entre autres à Saint-Savinien, où ils exercèrent une si horrible rage contre un de ces pauvres commis natif de Paris qu’il fut taillé tout vivant en petits morceaux”.
Quelques jours plus tard, on assiste à une révolte générale de la région. Huit mille hommes armés de piques et arquebuses envahissent la foire de Blanzac. Ils sont conduits par leur curé et marchent en bon ordre au son des fifres et violons. Ils clament leur volonté de tuer tous les “gabeleurs”, c’est-à-dire, les collecteurs d’impôts royaux. La rébellion s’étend, et ce sont bientôt quarante mille hommes qui bloquent les villes d’Angoulême et de Cognac et envoient des députés à Richelieu. Leurs doléances incriminent les impôts excessifs, ils accusent la rudesse des collecteurs qui n’hésitent pas à enlever le bétail, les outils et les habits des paysans incapables de s’acquitter.
L’envoyé du roi, La Force, écrit à la cour, se disant ” touché d’une grande compassion en voyant les pauvretés extraordinaires des peuples”. Le roi n’enverra ses troupes que dans un souci d’apaisement et non de vengeance ou de répression aveugle. Seuls les actes de violences extrêmes sont punis.
A peine cette révolte était-elle apaisée que les croquants du Périgord se soulèvent à leur tour. Enfin, lorsque le bruit se répandit que l’on allait établir la gabelle (impôt sur le sel) en Normandie, ce fut l’explosion. Cette réforme aurait ruiné des milliers de paysans et appauvri les propriétaires nobles et ecclésiastiques. Ce que demandaient ces révoltés, c’était uniquement un retour “aux bonnes coutumes”, des réductions d’impôts, un Etat plus proche et moins absolu.
Cependant, si nos aïeux avaient pu bénéficier de nos moyens de communication moderne, leur amertume et leur rébellion auraient été sans doute bien atténuées en voyant quel usage le gouvernement faisait alors de ces ponctions: un pays puissant de plus en plus rayonnant à travers le monde, craint, respecté, admiré.
Consolation dont les générations futures devront se passer…
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