Ce qui est bien, avec l’extrême gauche française, c’est que jamais elle ne nous surprend. Prévisible, si prévisible, que ses initiatives finissent immanquablement par ressembler à un sketch des Inconnus, tel celui dédié à la pétition en faveur d’Abel Chemoul, insurpassable moment télévisuel du siècle dernier.
Aujourd’hui ? Une nouvelle pétition et une « Marche des libertés contre les idées d’extrême droite ». Tout cela est décidément charmant, un peu déconnecté des réalités du moment ; mais finalement rafraichissant, puisque nous ramenant à nos jeunes années. Pour résumer, Jean-Luc Mélenchon, Benoît Hamon et l’actrice Corinne Masiero (capitaine Marleau, sur France 3), entre autres initiateurs du texte en question, donnent dans le vintage façon Hibernatus, ce film d’Édouard Molinaro dans lequel un explorateur congelé dans la banquise en 1905 revient par miracle à la vie en 1970.
Là, tout le monde sait que la société d’hier n’est plus celle d’aujourd’hui, sauf le gars transformé en surgelé Picard. Le trio plus haut évoqué, c’est un peu pareil. D’où cette logorrhée d’un autre âge : « Face à ce climat de haine, raciste et attentatoire aux libertés individuelles et collectives, nous appelons à une réaction forte, unitaire et rassembleuse, pour réaffirmer notre combat commun contre l’extrême droite, ses idées, et toutes celles et ceux qui participent à sa propagation. »
On remarquera que, parmi les signataires de cette pétition se voulant de salut public, ne figurent que les derniers retraités du combat antifasciste. Point de Julien Dray ou de Jean-Christophe Cambadélis, naguère très en pointe dans le combat « antinaziste », mais usant désormais leurs fonds de culotte dans les émissions de CNews, rivalisant d’œillades humides avec des Charlotte d’Ornellas ou des Eugénie Bastié. Comme quoi tout passe, tout lasse.
Mais là où ça dépasse l’entendement, c’est qu’en ligne de mire, les cibles ne sont plus le traditionnel lepénisme, épouvantail à moineaux qu’on sait, mais l’actuel gouvernement, dont « les quatre vigies, Darmanin, Vidal, Blanquer et Schiappa, se chargent d’alimenter le climat depuis des mois ». On connaissait la gauche olfactive et ses « relents nauséabonds ». La voilà désormais en train de piquer le boulot de Louis Bodin, météorologue en chef de RTL et TF1.
Dans la foulée, ces signataires mettent en cause « un appel de militaires factieux », ce qui ne mange jamais de pain. Mais en appelant à marcher contre l’extrême droite et ce gouvernement macronien, lui aussi suspect de céder aux sirènes de la réaction, que font-ils d’autre, si ce n’est de privilégier la loi de la rue contre celle d’une Assemblée démocratiquement élue ?
Quant aux arguments des pétitionnaires, le moins qu’on puisse prétendre est qu’ils n’urinent pas très loin, même si contre le vent : « Quand on souffle sur les braises incandescentes et qu’on passe son temps à attiser les haines, cela a des conséquences concrètes. » Ah bon ? Vraiment ?
On notera qu’à l’exception de Corinne Masiero, le show-biz manque cette fois-ci à l’appel. Où sont les Emmanuelle Béart et autres vedettes d’antan ? De quoi faire mentir l’adage voulant que ce soit dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. Car les pots sont fêlés et qui voudrait souper avec une starlette de la télé confondant boucles d’oreille et tampons hygiéniques ? Surtout lorsque se rendant à poil à la dernière cérémonie des César, le dos tagué de ce slogan : « Rend nous l’art, Jean ». Deux fautes de français dans une même phrase, c’est un record, sachant que « Rends-nous l’art, Jean » aurait été autrement plus approprié. Dans le genre rebelle, Arletty avait une tout autre gueule ; dans celui de l’atmosphère, s’entend.
En attendant, les reliquats d’une extrême gauche aux abois entendent marcher. Mais de plus en plus de Français, eux, refusent de marcher dans la combine.
Nicolas Gauthier