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La Grande muette pousse un coup de gueule

« Si tu crois en ton destin, viens chez les paras », dit la chanson... Il est faux de prétendre que le ministre des Armées, Florence Parly, ne possédait aucune prédisposition susceptible d’expliquer sa nomination à cette fonction, par Jupiteux, en 2017 : elle avait obtenu son brevet de para en 2014, en sautant avec un parachute doré (675 800 euros !) des avions d’Air France, où elle occupait le poste de directrice générale adjointe, pour se poser en douceur sur les rails non moins dorés de la SNCF. Mais la parachutée se trouve aujourd’hui confrontée à un pépin de taille : le 15 avril, a été mise en ligne sur le site Internet Place d’armes une « Lettre ouverte à nos gouvernants » signée par un millier de militaires, dont vingt-cinq généraux ou amiraux à la retraite.

Valeurs actuelles l’a publiée à son tour le 21 avril. Son auteur, le capitaine de gendarmerie Jean-Pierre Fabre-Bernadac, y constate que « la France est en péril » et met en garde contre le « délitement qui frappe notre patrie », en pointant des « dangers mortels » : notamment, « un certain antiracisme » qui cherche à susciter la haine entre les communautés, ou encore « l’islamisme et les hordes de banlieue », qui transforment « de multiples parcelles de la nation (…) en territoires soumis à des dogmes contraires a notre constitution ». Si rien n'est fait pour l’empêcher, poursuit le capitaine, « demain la guerre civile mettra un terme à ce chaos croissant » et dans une situation de crise, l’armée sera amenée à intervenir « dans une mission périlleuse de protection de nos valeurs civilisationnelles et de sauvegarde de nos compatriotes sur le territoire national . L’actualité de ce mois d’avril illustre cette montée des périls, avec l’assassinat, à Rambouillet, d'une femme policier par un islamiste tunisien, la vive réaction de la communauté juive à la décision de justice réputant irresponsable le meurtrier musulman de Sarah Halimi, femme juive défenestrée en 2017, et une série de violences et d’agressions contre les policiers dans de nombreuses villes françaises - notamment Tourcoing, ville dont le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, était le maire jusqu’à une date récente... Fabre-Bernadac et ses camarades appellent donc nos gouvernants à « trouver le courage nécessaire à l’éradication de ces dangers » et à « appliquer sans faiblesse des lois qui existent déjà ». Qu’à cela ne tienne ; Florence Parly entend appliquer la rigueur des lois... aux signataires du manifeste, en particulier ceux qui pourraient être encore d’active, « car là, il n’y a pas place pour une quelconque liberté d’expression publique », dit-elle. “Devoir de réserve” oblige !

Autre membre du gouvernement, Agnés Pannier-Runacher, ministre inconnu présumé délégué à l’Industrie, a fustigé avec mépris « un quarteron de généraux en charentaises qui appelle au soulèvement » - cliché gaullien en référence au putsch des généraux d’avril 1961 à Alger. Cette énarque, issue du corps de l’Inspection des finances (comme Macron), pantouflait dans le privé avant d'intégrer le gouvernement et s’y connait donc sûrement mieux en charentaises que les soldats qui ont usé leurs rangers sur les théâtres d’opération où la France était engagée. Au reste, la lettre ouverte n’incite pas au soulèvement, mais rappelle qu’en cas de guerre civile, l’armée sera l’ultime recours pour défendre la France et les Français. Fabre-Bernadac et ses camarades se présentent, en effet, comme des « soldats de France », des mots vides de sens pour les macronistes au pouvoir. Lorsque l’ex-capitaine de gendarmerie critique les idéologues fanatiques du racialisme et des théories décoloniales, qui méprisent notre pays et voudraient « le voir se dissoudre en lui arrachant son passé et son histoire », il désigne, peut-être sans le vouloir, Emmanuel Macron, qui accuse la France d'avoir commis : des crimes contre l"humanité en Algérie et ambitionne de « déconstruire notre propre histoire », comme il l’a déclaré sur la chaine américaine CBS. Dès lors, il est plus aisé, pour ses ministres, de dénoncer une tentative de putsch fantasmée, que de répondre à la critique sévère implicitement portée contre leur patron. Mais quand la Grande muette rompt ainsi le silence de rigueur dans ses rangs, ce n'est jamais bon signe pour un gouvernement.

À Evian, le 13 avril a un goût de 19 mars

Ça ne pouvait se passer qu’Evian... Le 13 avril, en milieu de journée, la célèbre marque d’eau minérale éponyme a gazouillé sur son compte twitter un message demandant à ses abonnés s’ils avaient déjà bu un litre d’eau. A priori, pas de quoi battre un poisson rouge ! Sauf que ce jour était le premier du ramadan... Du coup, la proposition incitative a fait tout un ramdam, certains musulmans criant à la « provocation ». Il était dit que ce 15 avril aurait un gout de 19 mars : le désaccord d’Evian s'est une fois de plus soldé par une capitulation. Le marchand d’eau s'est platement excusé d avoir gazouillé de travers, en publiant un message repentant : « ici la team Evian, désolée pour la maladresse de ce tweet qui n’appelle à aucune provocation ! » La « team Evian » en a même rajouté le lendemain dans Le Figaro : « Nous avons souhaité rapidement réagir pour rappeler que nous restons une marque ouverte et incisive ». Les musulmans en seront sûrement rassérénés.

Francois Couteil Monde&Vie mai 2021

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