Une question taboue mais cruciale, que les politiques ont bien en tête : le cannabis emploie aujourd’hui des dizaines de milliers de “salariés” sur tout le territoire français. Comment éviter un chaos social – et les troubles qui iraient avec – si on légalise la substance ?
Ignorer cet enjeu, c’est s’enfermer dans une impasse tant le phénomène est massif. “L’interprofession du chichon” est devenue “l’un des premiers employeurs de France”, note Jérôme Fourquet, de l’Ifop, dans L’Archipel français (Seuil, 2019). Reprenant les données de Nacer Lalam, directeur de la recherche et de la prospective au ministère de l’Intérieur, il estime entre 150 000 et 200 000 le nombre de personnes vivant du cannabis. Soit presque autant que d’employés à la SNCF et un peu plus que dans des grands groupes comme EdF (160 000) ou Intermarché (130 000). “Bien que la vente de produits stupéfiants demeure illégale, la loi du marché a abouti à la structuration d’une véritable filière professionnelle”, poursuit-il.
1,2 milliard d’euros de chiffre d’affaires
Le secteur a ses grands chefs et ses petits soldats. Tous ne roulent pas sur l’or, mais le chiffre d’affaires est tel qu’il fait vivre des quartiers, voire des communes entières. Et pas seulement en région parisienne ou dans les périphéries des grandes agglomérations. Selon une estimation de l’Observatoire français des drogues et des toxicomanies (OFDT), les recettes de la vente de cannabis se sont élevées à 1,2 milliard d’euros en 2017. Retirer brutalement cet argent en légalisant le cannabis risquerait de déstabiliser, voire d’embraser des quartiers entiers. “Les pouvoirs publics ont très peur de ce que deviendront les réseaux actuels si on assèche l’argent du trafic”, confirmait Jean-Baptiste Moreau, député LREM de la Creuse signataire de la récente proposition de loi, dans Libération en février.
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