Le fait est entendu : les reporters de BFM TV ne sont pas accueillis avec des colliers de fleurs dans les manifestations. Sur le plateau de la chaîne d’info, l’un d’entre eux, Igor Sahiri, est très mécontent. Alors qu’il se proposait de « couvrir » le rassemblement parisien anti-passe sanitaire, la foule l’a invité à quitter les lieux en compagnie de sa camerawoman, à grand renfort de noms d’oiseaux et d’insultes diverses. La frayeur de sa vie.
Par chance, il était accompagné de deux gardes du corps qui lui ont évité de finir mangé par les sauvages de la tribu complotiste. Ainsi va la vie du grand aventurier de l’info des temps modernes. Dans la jungle, terrible jungle de la contestation, son corps doit être gardé, tant le peuple reconnaît en lui le propagateur d’une idéologie qu’il est en train de combattre.
Mais qu’à cela ne tienne, la victime de la vindicte populaire est venu sur le plateau de la chaîne qui l’emploie pour conter sa terrible mésaventure. En préambule de son témoignage, la journaliste de service prévient que BFM va porter plainte contre les aborigènes qui ont bouté Igor Sahiri hors de leur territoire. Indignée elle est. Offusquée qu’il puisse exister de pareils énergumènes à quelques encablures du Temple de la vérité.
Après avoir précisé qu’il n’en était pas à sa première éjection de cortège (« Ça m’était déjà arrivé lors d’une manifestation de gilets jaunes »), l’homme décrit le « torrent de haine » dont il fut victime et la marche arrière qui s’ensuivit jusqu’à trouver enfin refuge auprès d’un fourgon de police. Ouf ! Un îlot d’humanité dans ce monde de brutes.
À deux reprises, le reporter indique en toute honnêteté ne pas avoir eu à subir d’agression physique : « Heureusement, il n’y a pas eu de coups », et, plus loin : « Encore une fois, on n’a rien physiquement », en omettant de préciser que le seul coup qui fut porté émanait de sa propre personne. Comme le montre une vidéo diffusée par Libération, excédé par un manifestant qui le filme d’un peu trop près, l’angelot de BFM TV donne un coup violent sur la main du gêneur, entraînant la chute à terre du smartphone.
« On nous reproche de ne pas dire la vérité », s’est-il indigné quelques secondes avant. Oui. Comment les manifestants peuvent-ils crier de telles énormités ? Comment expliquer que les journalistes de l’émission « Quotidien » soient, eux aussi, parfois refoulés ou malmenés lors d’événements organisés par des gens qu’ils s’emploient à présenter comme des crétins ? Comme c’est curieux… Que de haine en ce bas monde !
Tous ces complotistes bas de plafond, ces primitifs avinés pourraient se montrer un peu plus coopérants. Pousser quelques cris, sauter sur place, grimper aux arbres. En bref : faire la démonstration de leur simplicité d’esprit. « On m’a empêché de faire mon travail ! » s’insurge le reporter outragé. Dans la jungle, terrible jungle, le lion a le moral à zéro.