Son étoile s’est levée dès décembre dernier quand, fort de son accord sur le Brexit, il s’est mis en situation de faire le don de sa personne et de sa longue expérience à la France et à la droite LR. Neuf mois après, Michel Barnier est bel et bien lancé dans la candidature à la candidature LR et se prépare à participer à la primaire. Bien que derrière Bertrand et Pécresse, les sondages le donnent tout de même entre 8 et 13 %. Un score honorable et qui permet tous les espoirs. Michel Barnier, c’est le 3e homme du 3e homme. Au passage, ça se bouscule beaucoup, dans ce créneau 8-13 : Mélenchon, Jadot, Hidalgo, Zemmour et, donc, les 3 LR. En attente de décantation.
Jeudi et vendredi, les candidats ont été auditionnés par les députés LR lors de leurs journées parlementaires à Nîmes. L’occasion, pour Michel Barnier, de continuer son entreprise de séduction auprès des cadres du parti. D’après une enquête menée auprès des parlementaires citée par Le Monde, il est celui qui rassemble le plus de soutiens (41 députés), derrière Xavier Bertrand.
L’intéressé joue de sa stature consensuelle, de son expérience intérieure et européenne, de son gaullisme centriste, mais aussi de sa « différence » de style avec Macron. Pour Daniel Fasquelle, « il a l’allure d’un Président dont les Français seront fiers sur le perron de l’Élysée ». Jusqu’ici, tout va (à peu près) bien.
Mais il ne fait pas l’unanimité. Le Monde a recueilli des jugements peu amènes d’autres députés LR : l’intervention de Michel Barnier aurait été « poussive », « monotone » et « beaucoup ont regretté des références permanentes au passé et pas assez à l’avenir »“. Tout le charme d’une primaire. Ou d’une machine à perdre.
Mais l’événement Barnier, lors de ces journées, ce fut sa volte-face inattendue sur l’Union européenne qui a scandalisé le Landernau bruxellois. Imaginez l’ex-commissaire européen, au sujet de l’immigration, déclarer : « Il faut retrouver notre souveraineté juridique » et ne pas être « menacés en permanence d’un arrêt ou d’une condamnation de la Cour de justice européenne ou de la Convention des droits de l’homme, ou d’une interprétation de notre propre institution judiciaire ». Michel Barnier pris en pleine « zemmourisation ». Visiblement, l’éditorialiste impose ses thèmes dans la campagne LR. Pour Zemmour, c’est une crédibilisation supplémentaire. Pour Barnier…
Le Monde rapporte les réactions effarouchées du monde bruxellois. Notre ministre des Affaires européennes, le macroniste Clément Beaune : « Comment une telle phrase peut-elle avoir été prononcée par un Européen aussi engagé ? » « On est tous atterrés […] c’est un naufrage, un pacte faustien »“, déplore un haut fonctionnaire.
Mais c’est certainement le père du Brexit, le Britannique Nigel Farage, qui a eu le mot le plus juste : « Michel Barnier est le plus grand hypocrite de tous les temps. »
Une fois de plus, la droite LR, dans la plus pure tradition d’un Chirac ou d’un Sarkozy, est contrainte, sur les sujets de l’immigration et de l’Union européenne, aux retournements les plus improbables. Le temps d’une campagne ou d’une sous-campagne.
Frédéric Sirgant