On peut penser ce qu’on veut de Zemmour, le constat s’impose : c’est lui qui donne le “la” de la campagne présidentielle naissante, qui concentre sur lui l’actualité, en dicte les thèmes essentiels. C’est lui aussi qui est la cible de tirs nourris venant de toutes parts. Sa priorité est l’immigration et particulièrement celle de peuples musulmans dont il pense qu’elle menace à terme par sa démographie, et le maintien de son identité différente voire hostile, l’existence même de la nation française. Sa connaissance des chiffres actuels et des processus historiques balaie les critiques. Pourtant, personne ne songe à réduire sa pensée à une copie de celle du Rassemblement National. D’abord parce que ses idées viennent de plus loin et de plus haut que celles de l’actuelle direction de ce parti. Chargées d’histoire et de réflexion, elles tracent leur chemin dans l’opinion avec une continuité rare en politique et ne cherchent pas à s’adoucir ou à se durcir en fonction des sondages et de l’air du temps.
La normalisation confinant à l’affadissement circonstanciel de Marine Le Pen, et au rebours, la gesticulation de Macron sur les visas du Maghreb ou ses dérapages sur l’Algérie ou le Mali, qui démentent depuis quelques jours la politique menée depuis plus de quatre ans, sont les méandres des tactiques politiciennes. Il ne sert à rien de refuser quelques visas quand on a vanté et facilité l’entrée en France de plus de deux millions d’immigrés. Il n’est pas utile de fustiger le gouvernement algérien quand on a passé son temps à se prosterner devant lui, qu’on a encouragé son culte des “héros” jusqu’à déposer des fleurs au pied des monuments érigés à la gloire de tueurs de soldats français, et qu’on a cultivé la repentance “coloniale” à l’égard d’un pays qui doit à la colonisation son existence, sa population et les richesses qu’il dilapide.
Zemmour est devenu la cible, le diable que la bien-pensance veut exorciser. Ce n’est pas facile. Même si Jean-Marie Le Pen se dit prêt à le soutenir s’il dépasse sa fille, on ne confondra jamais le Juif Zemmour avec l’auteur de saillies antisémites. Mais l’atout de ce “sémite”, c’est qu’il est aussi patriote que le Breton, et exprime davantage un amour passionné de la France qu’une détestation de certains Français. Surtout, ce Pied-Noir dont les parents ont été chassés d’Algérie s’affirme gaulliste avec une lucidité sans faille sur la politique algérienne du Général, implacable, cruelle, mais nécessaire pour éviter ce Colombey-les-deux-mosquées que ses successeurs ont néanmoins laissé venir. Alors, on lui cherche des poux dans la tête. Il serait le défenseur de Pétain. Non, il a simplement constaté que l’existence de l’Etat français et d’une “zone libre” pendant plus de deux ans a permis à la France d’avoir un moins grand nombre de victimes de la Shoah que d’autres pays entièrement occupés et soumis. Tel n’était certes pas le but du régime de Vichy, mais c’est le résultat. Pour le coup, voilà un point d’histoire, et non un détail : je crois avec Jacques Bourdu ( L’armistice de 1940, l’histoire d’une faute tragique ) que l’intérêt de la France était de continuer la guerre, mais il est évident que l’occupation aurait été plus dure et que la France affaiblie pouvait y succomber, comme le pense Zemmour en sachant qu’il prête le flanc à la critique. C’est la preuve de son honnêteté intellectuelle, étrangère à toute nostalgie pétainiste.
Comme on peut difficilement l’attaquer sous l’angle du racisme puisqu’il s’en tient au choc des civilisations et non des races et se réfère à Huntington et à Levi-Strauss, en dépit de l’abrutissement idéologique qui a importé des Etats-Unis le “racialisme” et son obsession des couleurs, on insiste davantage sur les “genres” qu’il continue à appeler des sexes. Zemmour défend le conservatisme du bon sens, ce terrain sur lequel il rencontre Orban, mais aussi, en France, Marion Maréchal, la “droite hors les murs”, celle qui résiste à notre décadence sociétale, pétrie de contradictions suicidaires. Comment une nation peut-elle survivre en favorisant l’avortement ou les “couples” infertiles, et cela parfois au nom de ceux qui se proclament défenseurs de la nature ? Le respect de la nature implique la reconnaissance des spécificités sexuelles, du Yin et du Yang, comme disent les Chinois. Cela ne veut pas dire l’inégalité, mais le refus de l’indifférenciation, de l’interchangeabilité des individus, de ce monde de particules humaines en mouvement, dominé et géré par une oligarchie aspirant au transhumanisme. Son débat avec Onfray a mis en lumière la complémentarité de ces deux beaux esprits, et laissé loin derrière, ou plutôt tout-en-bas, la poussière des politiciens avec leurs recettes à court terme, en vue de conserver leur part de fromage.
Il leur reste l’économie, non pas la vraie, celle des entreprises et des travailleurs, mais la tuyauterie de la pompe à finances et de la redistribution. Comment prendre au sérieux de prétendus spécialistes dont les résultats sont calamiteux, les projets entièrement fondés sur la surchauffe d’une planche à billets dont on sait que la panne approche ? Les réponses de Zemmour sur ces questions ne peuvent que rassurer les gens raisonnables : est-il possible de voir naître enfin cette union des droites ( et pas seulement), des fillonistes aux identitaires, avec cette “droite-hors-les-murs” , ces Français patriotes, libéraux-conservateurs, souverainistes, que voulait fédérer Robert Ménard à condition qu’ils cessent leurs incantations, leurs querelles de chapelles, et leur irréalisme.
On préfère toujours l’original à la copie, et l’original, celui qui vient de loin, et a tracé son sillon bien droit, c’est Zemmour, ce qui fait de lui un original à l’autre sens du terme, bien séduisant pour ces Français qui n’en peuvent plus de la médiocrité de leurs politiciens.
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