Alors que tout immigré illégal devrait être immédiatement expulsé du territoire national, alors que tout emploi dans quelque domaine que ce soit devrait être strictement réservé aux citoyens français, alors que tout employeur de migrants clandestins devraient être frappé au portefeuille et condamné à une très lourde amende, nous assistons très exactement… au contraire !
C’est ainsi qu’à l’issue du débat parlementaire organisé en octobre 2019 sur l’immigration, à la demande d’Emmanuel Macron, le gouvernement avait dévoilé une série de mesures visant, théoriquement, à « reprendre le contrôle » des flux migratoires. Parmi elles, la modernisation de la politique d’immigration professionnelle devait au contraire faciliter le recrutement d’étrangers pour les employeurs en mal de main-d’œuvre. « Nous n’avons jamais été aussi loin en matière d’immigration économique », assurait Matignon, fier de cet acte de générosité qui n’était en réalité qu’une trahison.
Les démarches qu’un employeur doit entreprendre pour obtenir une autorisation de travail lorsqu’il veut embaucher un étranger ont été dématérialisées et simplifiées. La liste des métiers dits « en tension » – pour lesquels l’employeur n’a pas besoin de prouver qu’il n’a pas réussi à pourvoir le poste en France – a également été actualisée (elle ne l’avait pas été depuis 2008). On trouve ainsi dans un arrêté d’avril de nouvelles listes de métiers par région, parmi lesquels carrossier, charcutier, géomètre, ingénieur BTP, plombier ou encore technicien des assurances. Bref, tous les métiers ou presque leur sont ouverts !
S’il est trop tôt pour quantifier les effets de la réforme, a fortiori dans le contexte de crise sanitaire qui a chamboulé les déplacements de personnes et l’économie, le ministère de l’intérieur assure qu’il s’agit d’un véritable « bond en avant ». « C’est une transformation structurelle majeure, appuie Jean-Christophe Dumont, économiste et expert des migrations internationales auprès de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Il faut voir comment tout ça se met en œuvre mais si les employeurs sont au courant et qu’ils ont des besoins réels,
cela devrait se traduire par plus de titres de séjour. »
Ce point de vue ne fait cependant pas l’unanimité. « C’est un effet d’annonce, considère Hillel Rapoport, professeur à l’Ecole d’économie de Paris et spécialiste des migrations et pour qui… ouvrir les vannes en grand, c’est encore trop peu. Ajoutant d’ailleurs aussitôt : Beaucoup de pays ont pratiqué les listes de métiers en tension et cela soulève deux problèmes. D’abord, il y a un décalage entre ces listes bureaucratiques et les besoins de l’économie, qui évoluent vite. Ensuite, je ne pense pas que l’immigration doive être à l’initiative de l’employeur et fondée sur un métier. Les pays anglo-saxons font venir les gens pour ce qu’ils sont, leur niveau d’éducation, leur capital humain, leur démarche active d’intégration. » Dans son ouvrage, Repenser l’immigration en France. Un point de vue économique (Rue d’Ulm, 2018), M. Rapoport invite à se défaire d’une vision malthusienne et à « repenser l’immigration comme une contribution positive ». Autrement dit une répétition du livre de Bernard Stasi
ALORS QUE C’EST UNE CALAMITÉ !
En France, l’immigration économique a représenté en 2019 un peu plus de 39 000 titres de séjour, soit seulement 14 % de l’ensemble des titres délivrés. Le chiffre est toutefois en progression, sous l’effet du dispositif des passeports talents, créé en 2016 et destiné aux profils hautement qualifiés d’entrepreneurs, chercheurs ou salariés. Car c’est bien cette immigration que les pouvoirs publics devraient valoriser.
Preuve en est, « on ne retrouve pas les postes peu qualifiés de la restauration ou du nettoyage dans la nouvelle liste des métiers en tension, alors qu’on sait qu’ils sont beaucoup exercés par une main-d’œuvre immigrée, remarque Marilyne Poulain, chargée des travailleurs sans-papiers à la CGT. Ça ne correspond pas du tout à la réalité ».
Selon une étude de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) publiée en septembre sur « Les métiers des immigrés », près de 40 % des employés de maison sont des immigrés, ainsi que plus de 28 % des agents de gardiennage et de sécurité, 27 % des ouvriers du BTP, 20 % des employés de l’hôtellerie-restauration ou encore plus de 17 % des agents d’entretien. A l’heure où les pouvoirs publics s’inquiètent, face au rebond de croissance, de la pénurie de main-d’œuvre dans ces secteurs, nous ne sommes pas au bout de nos peines.
Récemment, le gouvernement a annoncé des primes et des plans de formation pour attirer les chômeurs vers ces filières, tandis que le patronat évoque des hausses de salaire. « Mais ce n’est pas parce que vous augmentez le salaire de 15 % de celui qui manipule le marteau-piqueur que vous attirerez des autochtones, affirme El Mouhoub Mouhoud, président de l’université Paris Dauphine-PSL et professeur d’économie. Il y a aussi une question de pénibilité que le travailleur migrant accepte transitoirement parce qu’il compare cela au niveau de salaire et à la pénibilité du travail dans son pays. » Et, sur ce point, nous sommes tout à fait d’accord avec Mouhoud car nous pensons qu’il est intolérable que beaucoup trop de jeunes (mais aussi de moins jeunes) préfèrent le chômage et diverses primes à la paresse que ces postes de travail qualifiés de peu valorisant. Des règles plus strictes dans ce domaine sont impératives plutôt que de prétendre offrir le baccalauréat (qui ne leur sert à rien) à plus de 95% des élèves ! Mais, là, nous touchons à un tel tabou que nous avons bien peu de chances d’être entendus…
D’ailleurs, « On a des postes peu qualifiés, comme plongeur ou commis de cuisine, qui ont des contraintes de pénibilité et d’amplitude horaire que les Français ne veulent plus subir, abonde Vincent Sitz, chargé des questions d’emploi et de formation au sein du Groupement national des indépendants (GNI), un syndicat patronal de l’hôtellerie-restauration. L’essentiel du personnel qui nous rejoint est étranger. »
Souvenez-vous que l’Empire Romain est mort aussi de cela : L’INDOLENCE ET LA DEBAUCHE.
Au point que nous en sommes arrivés à ce nouveau scandale : à la faveur de la loi « sécurité globale », promulguée en mai, une disposition prévoit désormais que l’exercice du métier d’agent de sécurité privé est conditionné à la détention d’un titre de séjour depuis au moins cinq ans. Un élément dont ni la profession ni les députés La République en marche (LRM), auteurs du texte, ne semblent avoir anticipé l’impact. Résultat : « On estime qu’environ 30 % des candidats sont aujourd’hui refusés à cause de cette nouvelle condition », rapporte Cédric Paulin, secrétaire général du Groupement des entreprises de sécurité, qui déplore une « pénurie accrue » au moment où le contrôle du passe sanitaire augmente la demande d’agents de sécurité. Mettant ainsi en évidence combien les immigrés sont impliqués dans la sécurité privée, avec tous les dangers que cette situation fait courir aux citoyens français. Pas un seul magasin, pas un seul centre commercial sans son réseau de gardes-chiourmes subsahariens !
« Même dans des secteurs où leur proportion est faible, les immigrés peuvent être un élément clé, souligne Jean-Christophe Dumont. C’est le cas de la récolte dans l’agriculture. » L’épisode des clémentines corses l’a démontré lorsqu’en octobre 2020 : en pleine pandémie, un pont aérien a été organisé entre le Maroc et la Corse pour faire venir quelque 900 saisonniers sous peine de perdre la récolte fruitière. Souvenez-vous de ce que nous en disions à l’époque :
» Il n’empêche, à nos yeux cette affaire est un scandale. Avec un nombre de chômeurs ayant dépassé les 25 000, la Corse est en tête des demandes d’emploi en France. Ne pourrait-il se trouver parmi ceux-là quelques centaines de personnes moins paresseuses que les autres qui accepteraient un travail saisonnier de quelques semaines consacré à la cueillette des clémentines ? «
Au ministère de l’intérieur… on botte en touche en assurant toutefois être attaché à la mise en œuvre de la circulaire de 2012, dite « circulaire Valls » (de sinistre mémoire), qui permet notamment de régulariser près de 8 000 personnes chaque année au titre du travail. « Notre politique ne cible pas le travailleur qui s’insère tranquillement », assure-t-on dans l’entourage de Gérald Darmanin. Ce volant de régularisation de travailleurs reste cependant inconnu puisqu’il est, par définition, impossible d’évaluer précisément le nombre de sans-papiers sur le territoire. En réalité, selon les estimations, ils se situerait entre 500 000 et 1 000 000.
Vive le « Grand Remplacement » !
Le 3 novembre 2021. Pour le CER, Jean-Yves Pons, CJA.