Que faut-il célébrer le 11 Novembre ? L’armistice qui mit fin à la première guerre mondiale, bien sûr. Mais la signification profonde du mot a évolué avec le temps. Ce n’est pas la fin des hostilités signée par le Maréchal Foch dans le wagon de Rethondes que l’on commémore. Celle-ci est un fait qui attendra le 28 Juin suivant pour devenir le Traité de Versailles imposé à l’Allemagne. C’est donc la victoire de la France qui a d’abord été célébrée. Peu à peu et depuis la loi de 2012, cette Fête Nationale du mois de Novembre est davantage devenue le jour d’hommage aux morts de la Grande Guerre.
Notre pays avait perdu près d’un million et demi de combattants, soit le quart des 18-27 ans. Contrairement à ce que disent ceux qui minimisent la destruction de la famille et le risque de l’immigration, il faut toujours penser la démographie en flux : la disparition de cette masse d’hommes jeunes en âge de procréer a été une catastrophe dont la France ne s’est jamais relevée. Elle ne s’est réveillée de ce sommeil démographique qu’à la fin de la seconde guerre mondiale. Certains pensent même qu’à l’heure de l’Europe cette victoire patriotique est dépassée, et qu’en revanche un “Jour” des Morts pour la France de tous les conflits, en ce mois qui commence par la Toussaint et le “jour des morts” qui la suit, qui se poursuit avec l’anniversaire de la mort du Général de Gaulle, serait chargé d’un sens profond alors que l’automne offre un cadre naturel à cette phase de fêtes tristes et émouvantes. Faudrait-il alors gommer le 8 Mai, comme l’avait fait Giscard d’Estaing ? Empressé d’activer la réconciliation avec l’Allemagne que de Gaulle avait inaugurée, et plus encore de bâtir l’Europe fédérale dont il rêvait, le troisième président de la Ve République voulait mettre en valeur le 9 Mai (1950), jour de la déclaration de Robert Schuman. Ce fut l’une des fautes symboliques commises par un homme qui se voulait moderne. Le 9 Mai (1945), les Russes célèbrent de manière grandiose “leur victoire”, qui est aussi celle qui a été de loin la plus chèrement payée par un peuple à l’issue de la seconde guerre mondiale. Par un retournement assez étonnant, il s’agit d’une Fête patriotique qui exhibe la puissance militaire du pays, quand le 8 Mai est devenu en Occident la date commémorative de la défaite du nazisme et non celle de l’Allemagne. Il est clair qu’aujourd’hui la Russie de Poutine entend davantage réunir les Russes autour de sa réalité charnelle et spirituelle qu’autour des abstractions idéologiques sur lesquelles était bâti le chateau de cartes soviétique.
L’Occident, l’Europe en particulier, traumatisée pas ses luttes fratricides et ses hécatombes, trouvent dans les abstractions un refuge illusoire. Partout les Empires et les Nations sont de retour, les premiers inséparables des secondes dont ils diffèrent seulement par la taille. Il y a eu des empires dynastiques ou coloniaux. Ils ont disparu à la suite des deux conflits mondiaux. Le pacifisme qui a suivi les guerres, la grande illusion des Briand et autres, après la première, le rêve européen après la seconde, et la “fin de l’histoire” selon Fukuyama après la guerre froide, s’évanouissent devant la réalité humaine. La Chine des Han, l’Inde des Hindous, la Turquie des Ottomans mais aussi l’inévitable grand Israël, bâti par la force d’un peuple qui avait produit nombre d’esprits universalistes, sont des signes évidents de ce grand retour. L’Amérique de Trump exprimait elle aussi cette tendance au sein de la plus grande des démocraties occidentales où la déconstruction, l’autoflagellation et la dislocation sont souvent à l’oeuvre. Le 11 Novembre est-il appelé à répéter année après année : “plus jamais ça” ? Certes, les boucheries humaines suivies de traités incomplets et stupides, pénétrés de fantasmes idéologiques, doivent être à tout prix rejetées, mais le meilleur moyen de les éviter est précisément de reconstruire et de vivifier la cohésion et la ferveur nationales. Le sens d’une Fête nationale doit être celui-là. Il est indispensable face aux épreuves qui attendent notre pays. Le 11 Novembre devrait être avant tout la Fête de l’Union sacrée qui a vu tous les Français réunis au-delà de leurs convictions politiques ou de leurs croyances religieuses parce qu’ils avaient compris qu’un second écrasement de la France par l’Allemagne, après celui de 1870, pouvait conduire à sa disparition. C’est d’ailleurs ce qui a été près d’advenir en 1940 lorsque les collaborateurs de Vichy ou de Paris ont cru qu’Hitler avait la moindre intention de laisser exister notre pays au lendemain de sa victoire totale.
Alors que des dirigeants français veulent ignorer le ” grand remplacement”, que les mêmes continuent à dissoudre la France dans une Europe chimérique dans les discours et technocratique dans les faits, qu’ils méprisent ou condamnent les identités nationales, la Fête nationale doit être le jour du réveil d’un peuple qui comme le disait de Gaulle n’est pas de ceux ” qui n’ont pas assez de force pour se tenir debout et qui se couchent pour mourir.”
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