Par Françoise Monestier, journaliste à Présent
En veine de confidences lorsque Gérard Davet et Fabrice Lhomme préparaient leur impertinente biographie d’Emmanuel Macron, Le Traitre et le Néant (éd. Fayard, 2021), Pierre Moscovici, actuel patron de la Cour des Comptes, n’avait pas manqué d’égratigner la petite équipe papillonnant autour de l’Éliacin élyséen et plus particulièrement le duo Attali/Séjourné en ces termes : « [Macron] dirige avec un tout petit noyau. On a connu des technos plus costauds. Gabriel Attal était l’attaché parlementaire de Marisol Touraine. Griveaux, Guerini, Séjourné, c’était la baby class dans la campagne primaire de DSK en 2006, issus de mes groupes d’experts. Ils sont tous très bons, mais pour diriger un pays, encore faut -il le connaître. Il leur fallait dix ans de plus ». Une critique certes acerbe mais qui reflète bien la réalité d’un pouvoir aux mains d’une petite bande d’intrigants à qui la percée d’Emmanuel Macron dans le paysage politique français a donné des ailes.
Un séducteur entreprenant
Il est loin le temps où Sibeth Ndiaye, alors porte-parole de l’Élysée et du gouvernement et nommée à ce poste après l’épisode exhibitionniste de Benjamin Griveaux —, multipliait les gaffes et jouait les éléphants dans le magasin de porcelaine en affirmant que la pose d’un masque n’était pas à la portée d’un ministre et encore moins d’un vulgum pecus, qui plus est « gilet jaune ». Disparue des écrans radar en juillet 2020, elle a été remplacée par Gabriel Attal de Courris, un temps secrétaire d’Etat à la jeunesse sous la férule de Jean-Michel Blanquer qui, si l’on en croit les gazettes, était insupportable avec lui et lui reprochait de prendre toute la lumière. Quant au jeune Attal, il attendait patiemment d’être débarqué de cette tâche.
Ce pur produit de la très sélecte Ecole alsacienne devient alors le faire-valoir de l’éteignoir Jean Castex, prenant les gens de haut et assenant ses vérités covidiennes du haut de sa petitesse. Infatigable bateleur de micro, il infantilise ses compatriotes et a réponse à tout aussi bien quand il évoque nos relations avec l’Algérie que lorsqu’il explique sans sourciller que « faire confiance à Marine Le Pen, c’est sauter en élastique sans s’attacher » ou que « Zemmour est un Trump commandé sur Wish », cette plateforme dans le viseur de Bercy pour des produits non conformes. Petit pion sur l’échiquier présidentiel au début de la mandature, il est devenu incontournable au point d’avoir totalement phagocyté la communication présidentielle et enfourché le cheval des influenceurs, ouvrant ainsi les portes de l’Elysée à Mac Fly et Carlito qui ont fait jouer à Macron un rôle de guignol et de pantin.
En effet, non content d’être l’aboyeur quotidien de Castex, Gabriel Attal a créé sa propre chaîne Twitch et anime chaque mois en direct de l’Elysée, depuis près d’un an, une émission destinée aux réseaux sociaux. Entouré de jeunes influenceurs, il veut peser en avril prochain sur les choix des habitués de ces réseaux. Il a ainsi pris prétexte de la crise sanitaire pour se lancer dans cette stratégie de conquête : « La crise du Covid est un accélérateur de la nécessité pour les gouvernants d’aller sur davantage de terrains médiatiques ». Afin d’informer massivement les jeunes sur les gestes barrières, il a même fait appel, sur recommandation de Brigitte Macron, à l’influenceuse Magali Berdah .
Récemment invitée de Marlène Schiappa à l’Élysée pour parler des violences faites aux femmes, cette adepte des vacances à Tel Aviv souhaiterait mettre au point sur sa chaîne YouTube des débats entre un candidat à la Présidentielle et des candidats à la téléréalité. Ils sont vraiment prêts à tout pour faire gagner l’homme des Rothschild et du Grand Reset — destiné à « réinitialiser le monde ».
Un curieux mimétisme
Gabriel Attal remplit sa mission comme s’il était un double de Macron. Son débit mitraillette et son regard inflexible le font même ressembler à son président de patron. Jouant les pédagogues, il n’a pas hésité, lors de sa prise de fonction en juillet 2020, à déclarer sur BFMTV : « Je vais vous dire à quoi sert un porte-parole. A expliquer ce que fait le gouvernement, à donner du sens et à répondre aux questions . » Est-ce alors que « donner du sens » consiste à se déplacer comme Valérie Pécresse à la Fête de l’Humanité pour débattre avec le moustachu de la CGT Philippe Martinez devant des militants communistes gonflés à bloc ?
Nombreux sont ceux qui se posent la question de savoir comment Gabriel Attal a fini par décrocher la timbale et devenir indispensable dans le dispositif macronien. Le 2 décembre 2018, alors que l’Arc de Triomphe venait d’être dégradé par des hordes de Black block et autres Antifas attachés à salir définitivement le mouvement des Gilets Jaunes, Gabriel Attal est appelé par France 2 pour réagir à chaud sur ces déprédations, les grosses pointures du gouvernement s’étant courageusement défilées. Il finit par accepter de descendre dans la fosse aux lions et réussit son examen de passage, alors que, trois mois plus tôt en septembre 2018, il avait été sommé par l’Élysée et Matignon de déposer les armes face à Gilles Le Gendre qu’il voulait remplacer comme président du groupe des Marcheurs au Palais-Bourbon. Rétropédalage qui lui avait valu une première récompense puisqu’il devenait, le 16 octobre 2018, le plus jeune ministre de la V° République en prenant les commandes du secrétariat d’Etat à la Jeunesse.
Une homosexualité affirmée
Pacsé depuis quelques années avec Stéphane Séjourné, député européen et conseiller politique de Macron très écouté jusqu’au désastre des Régionales de 2021 qui sonnera le glas d’Edouard Philippe, Gabriel Attal a certes été en couple avec la chanteuse Joyce Jonathan, sa condisciple à l’École alsacienne (et ensuite compagne de Thomas Hollande, fils de François — on reste dans le beau monde), mais il a toujours revendiqué haut et fort son homosexualité, ce qui l’a sans aucun doute servi à gravir aussi vite les échelons du pouvoir. Pour sa part très attaché à la défense des idées de gauche comme ses amis de « la Bande de Poitiers » Aurélien Taché, Guillaume Chiche ou Pierre Person qui ont fini par prendre leurs distances avec la Macronie , Stéphane Séjourné, qui ambitionnait de prendre la place de Stanislas Guerini à la tête de la République en Marche et de créer une maison commune de la majorité, a été peu à peu exfiltré de l’Elysée. Après avoir dirigé la campagne macroniste aux dernières Européennes, il s’est replié sur le Parlement européen . Le 19 octobre dernier, il était élu par acclamation président du Groupe Renew Europe auquel appartiennent les députés français macronistes et qui constitue le troisième force politique au sein du Parlement européen. A la veille de la présidence française du Conseil de l’Union européenne, pour la première fois depuis 2008, Stéphane Séjourné, qui reste au fond de lui un apparatchik socialiste veille dans l’ombre et renforce le poids d’Emmanuel Macron à quatre mois des Présidentielles. En même temps, son compagnon Gabriel Attal ne ménagera pas sa peine pour travailler en pleine lumière à faire réélire ledit Macron. Comme on pouvait le lire le 30 octobre dernier dans Le Monde, Gabriel Attal et Stéphane Séjourné qui vivent 24 heures sur 24 pour Macron « se sont hissés au sommet de l’État dans une position totalement inédite sous la Ve République : l’un souffle à l’oreille du président, l’autre parle au nom du Premier ministre ». Un sacré attelage.
Françoise Monestier 05/02/2022
https://www.polemia.com/gabriel-attal-et-stephane-sejourne-tandem-dinfluence-pour-macron/