On le sait, la crise sanitaire s’est révélée être une véritable manne pour certains secteurs économiques. C’est notamment le cas pour les GAFA, ces monstres tentaculaires qui en ont profité pour renforcer leurs positions hégémoniques. Ainsi, on apprend qu’en 2021 le marché français de la publicité digitale a enregistré des revenus de 7,7 milliards d’euros, en hausse de 24 %, profitant grandement de la « numérisation » croissante de l’économie. Globalement, ce marché a doublé en à peine cinq ans.
Sans surprise, ce sont les géants du secteur – Google, Meta (Facebook) et Amazon – qui se taillent la part du lion. Avec des revenus de trois milliards d’euros, Google pèse, à lui seul, près de 40 % du marché de la publicité digitale. Ensemble, le trio Google, Meta (Facebook) et Amazon représente près de 67 % de ce marché, contre seulement 40 % en 2019. Un développement exponentiel qui tend quasiment désormais à la position monopolistique. Cette situation devrait encore s’accélérer en 2022, des prévisions annonçant une nouvelle hausse du marché publicitaire digital en France autour de 18 %, pour atteindre les neuf milliards d’euros. Seule petite ombre au tableau, les nouvelles réglementations de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) qui demande un consentement explicite au recueil des données personnelles. Mais ne doutons pas que les GAFA s’adapteront fort aisément à cette légère contrainte.
Autre nouvelle touchant au monde merveilleux des GAFA, plus anecdotique mais néanmoins hautement symbolique, à Rotterdam, un pont historique va être démonté pour laisser passer le nouveau yacht de Jeff Bezos, l’ancien PDG d’Amazon et homme le plus riche du monde. En effet, le navire du milliardaire, en construction près de Rotterdam, est trop haut pour passer sous le pont Koningshavenbrug, qui est le seul accès possible à la mer. La mairie va donc faire démonter l’édifice bien qu’elle ait promis, après une rénovation majeure en 2017, de ne plus jamais démonter le pont. Mais que ne ferait-on pas pour complaire aux nouveaux maîtres du monde ? Surtout quand l’un d’entre eux s’offre un gigantesque yacht de luxe à 430 millions d’euros.
Le pont historique, construit en 1878, bombardé pendant la Seconde Guerre mondiale en 1940 puis réparé et rénové en 2017 va donc être démonté – à la charge du constructeur naval – pour céder le passage au nouveau jouet de monsieur Bezos. Si la mairie de Rotterdam met bien évidemment en avant l’importance économique et les emplois créés par la construction de ce navire, la population locale se montre plus dubitative et certains contestent fortement cette décision inédite.
Xavier Eman
Article paru dans Présent daté du 4 février 2022