Quand nous avions évoqué ce sujet, certains lecteurs avaient pris cela pour de la basse propagande russe. Pour mémoire, voici ce qu’écrivait Nicolas Hellemme, correspondant sur place :
Par ailleurs ce 7 mars les russes ont aussi commencé à publier des éléments sur les 30 laboratoires bactériologiques mis en place à travers tout l’ouest et le centre de l’Ukraine avec l’aide des Etats-Unis – les autorités russes semblent disposer de listes d’expériences et de pathogènes qui y étaient stockés, notamment de virus de la variole, de la peste noire ou encore de l’anthrax, à côté desquels le coronavirus paraît bien bénin.
Mais les propos de Victoria Nuland, sous-secrétaire d’État à l’Europe et à l’Eurasie, lors d’une audition le 8 mars, ont mis la puce à l’oreille de quelques journalistes qui ont cherché à en savoir plus. Yves Daoudal a déjà livré un premier décryptage de ce dossier explosif. DeDefensa poursuit aujourd’hui :
Au départ, c’est non seulement une ‘non-story’, mais encore bien plus dans l’atmosphère furieuse des manipulations russes en plus de l’ignominie quasiment hitlérienne de l’invasion illégale, inhumaine, etc. Le commentateurs le plus avisé, le plus dévastateur sur les coups fourrés de la bande ukréno-américaniste, et le plus populaire des USA, en convenait comme à peu près toutes les sources sérieuses, y compris antiSystème. Tucker Carlson commença donc son monologue du 9 mars (audience moyenne autour de 4 millions de téléspectateurs en général) par ce constat de son sentiment d’avant la “bombe-Nuland” :
« Si vous nous aviez dit il y a quatre jours que l’administration Biden finançait des laboratoires biologiques secrets en Ukraine, nous ne vous aurions pas cru. Ouais, j’aurais décidé qu’on ne pouvait pas passer ça à la télé. Non merci.
» Ensuite, si vous nous aviez dit que non seulement l’administration avait financé ces laboratoires biologiques secrets en Ukraine, mais qu’elle n’avait pas réussi à sécuriser le contenu mortel de ces laboratoires avant l’invasion russe, – une invasion qu’elle savait imminente, qu’elle encourageait sans vergogne, – si vous nous aviez dit cela il y a quatre jours, nous vous aurions traité de fou. C’était tout simplement absurde. Nous ne voulions rien avoir à faire avec une telle histoire. Il n’y avait aucune chance que ce soit vrai. C’était trop tiré par les cheveux. Nous savions déjà avec certitude que cette histoire était fausse. Comment le savions-nous ? Parce que nous lisons USA Today, le journal de l’Amérique.
» Dans les heures qui ont suivi l’invasion russe, USA Today avait publié une réfutation de tous ces fous qui jacassaient sur les laboratoires biologiques ukrainiens secrets. Voici le titre : “Vérification des faits : Les fausses allégations de laboratoires biologiques américains en Ukraine sont liées à la campagne de désinformation russe”… »
Et puis il y eut cette séquence au Sénat des Etats-Unis, cette audition de Victoria (Carlson l’appelle “Toria”) Nuland, devant la commission des relations internationales du Sénat en sa qualité de sous-secrétaire d’État pour les affaires ukrainiennes (européennes). Noland travaille sur l’Ukraine depuis 2007, avec le point d’orgue du “coup” de février 2014 où elle se mit bellement en valeur. Le sénateur Rubio, un républicain de Floride et super-faucon malgré sa petite taille, prend la parole. Échange sympa, puis coup de tonnerre :
Sénateur Marco Rubio: « L’Ukraine possède-t-elle des armes chimiques ou biologiques ? »
Victoria Nuland: « L’Ukraine possède des installations de recherche biologique sur le sort desquelles, en fait, nous sommes maintenant assez inquiets que les troupes russes, les forces russes puissent chercher à prendre le contrôle, donc nous travaillons avec les Ukrainiens sur la façon dont nous pouvons empêcher que ces matériaux de recherche ne tombent entre les mains des forces russes si elles s’approchent. »
Sénateur Marco Rubio: « Je suis sûr que vous êtes consciente que les groupes de propagande russes diffusent déjà toutes sortes d’informations sur la façon dont ils ont découvert un complot des Ukrainiens pour libérer des armes biologiques dans le pays, et avec la coordination de l’OTAN.
» S’il y a un incident ou une attaque à l’arme biologique ou chimique à l’intérieur de l’Ukraine, y a-t-il le moindre doute dans votre esprit que ce sont les Russes qui sont derrière tout cela ? »
Victoria Nuland: « Il n’y a aucun doute dans mon esprit, sénateur. Et en fait, c’est une technique russe classique de blâmer l’autre pour ce qu’ils prévoient de faire eux-mêmes. »
… Là-dessus, écoutez la suite de l’explosion de Tucker Carlson, pour ses quatre millions de téléspectateurs, le texte sur FoxNews reprend l’essentiel de son intervention. Carlson tente alors d’obtenir des informations auprès d’autres sources que l’audition menée par le sénateur Rubio, et qu’il n’a pas poursuivi en posant d’autres questions, plus inclusives, à Nuland. Ce qu’il veut savoir, c’est si le Pentagone a financé et finance effectivement ces laboratoires, comme l’affirment les Russes (le porte-parole du ministère de la défense russe) :
« Au cours de l’opération militaire spéciale, des faits ont été découverts sur le régime clé, éliminant les traces du programme biologique militaire en cours de développement en Ukraine, financé par le ministère de la Défense des États-Unis. »
Allant sur le site adéquat du Pentagone, Carlson lit et constater… Quoi ? Simplement, que le Pentagone finance effectivement des laboratoires en Ukraine :
« Donc ça ressemble à une preuve. Ce n’est pas de la désinformation russe. C’est totalement réel. Désolé USA Today, le journal américain, c’est réel. Vous pouvez le vérifier sur internet si vous voulez. Face à cette preuve, le Pentagone continue de mentir et en fait, il répète les mêmes mensonges incroyablement stupides et maintenant complètement discrédités que les vérificateurs de faits ont dit depuis des semaines maintenant…»
Alors, que dit le Pentagone à ce moment où nous savons par les documents mis en ligne sur le web qu’il finance effectivement ces laboratoires en Ukraine ? Réponses (?!), hier du porte-parole John Kirby :
John Kirby : « Les accusations russes sont absurdes. Elles sont risibles et, vous savez, pour reprendre les mots de mon grand-père catholique irlandais, un ramassis d’âneries. Il n’y a rien à en tirer. C’est de la propagande russe classique et, si j’étais vous, je n’y consacrerais pas une goutte d’encre dans ce qui ne vaut pas une seconde la peine d’y prêter attention. »
Reporter: « Oui, mais pouvez-vous nous expliquer ce que… y a-t-il eu une quelconque relation entre les… ? »
John Kirby : « Nous ne sommes pas, pas, en train de développer des armes biologiques ou chimiques à l’intérieur de l’Ukraine. Ce n’est pas le cas. »
Donc, pas une goutte d’encre pour les vilenies russes (et chinoises, probablement). Commentaire de Carlson :
« …Vous remarquerez qu’à la fin, Kirby refuse de répondre à la question. Y a-t-il eu une relation entre le Pentagone américain et une installation d’armes biologiques en Ukraine et si oui, quelle est cette relation ? C’est de la désinformation russe ! Quelle est la réponse ? Nous ne développons pas d’ADM en Ukraine en ce moment ! OK, j’ai compris, mais pourquoi finançons-nous cela et que finançons-nous exactement ? »
Pas de réponse. Pas de réponse non plus du département d’État, sinon un gribouillis de banalités générales qui évite soigneusement toute précision concernant la question centrale du financement, et pourquoi, et dans quel but, etc. « Donc ça ne veut rien dire. »
« Alors, quand vous arrêterez de mentir et de nous dire ce qui se passe ici, pourquoi ne pas nous dire plus précisément pourquoi vous n’avez pas sécurisé ces matériaux ? Donc, oui, nous finançons des laboratoires biologiques secrets en Ukraine, mais “ce sont des laboratoires de diagnostic et de biodéfense qui luttent contre les menaces biologiques”.
» OK, si ce sont des laboratoires purement défensifs, pourquoi Toria Nuland était-elle si inquiète que les Russes mettent la main sur les matériaux de ces installations ? D’autres puissances mondiales sont arrivées à la conclusion évidente. Encore une fois, nous détestons faire ça, mais dans ces circonstances, nous avons demandé à nos propres porte-parole, ils ont menti. Nous nous adressons au ministère des Affaires étrangères de la Chine, un pays que nous méprisons. Voici ce qu’ils ont dit aujourd’hui. Ils demandent aux inspecteurs en désarmement de jeter un coup d’œil à ces installations en Ukraine immédiatement.
» Zhao Lijian: “Au cours des deux dernières décennies, les États-Unis ont bloqué l’établissement d’un régime de vérification de la Convention sur les armes biologiques et ont refusé d’accepter l’inspection des installations biologiques à l’intérieur et à l’extérieur de leurs frontières. Cette attitude a encore aggravé l’inquiétude de la communauté internationale. Nous exhortons une nouvelle fois les États-Unis à fournir des éclaircissements complets sur leurs activités de militarisation biologique à l’intérieur et à l’extérieur de leurs frontières et à accepter une vérification multilatérale”. »
Dernier commentaire de Carlson, qui ne cache nullement son hostilité vis-à-vis de la Chine (et sa méfiance des Russes) pour écarter les accusations qui sont souvent lancées contre lui ; Carlson qui affirme avec ardeur qu’il n’est pas un globaliste, qui croit en son pays mais qui arrive à la conclusion que les autorités de son pays lui mentent, et pas les autres.
« Mais venons-en à la substance de ce que le gouvernement chinois vient de dire. Nous ne sommes jamais d’accord avec le gouvernement chinois sur quoi que ce soit, mais dans ce cas, ils ont raison. Nous savons maintenant que les agents biologiques [développés en Ukraine]sont dangereux, que vous les appeliez armes ou non n’a aucune importance, car ils peuvent être utilisés comme des armes.
» Des agents biologiques dangereux restent, grâce à l’administration Biden, non sécurisés dans une zone de guerre chaotique. À un moment donné, nous devons savoir comment cela s’est produit, qui a pris ces décisions. Nous avons le droit de savoir et espérons que quelqu’un au Congrès, probablement pas Marco Rubio, mais quelqu’un d’autre, ira au fond des choses, mais en attendant, nous prions pour que quelque part, au sein du gouvernement des États-Unis, il y ait un adulte qui se soucie suffisamment de cette situation pour la maîtriser immédiatement. »
[…]
Extraits de l’article de ‘WSWS.org’ de ce jour :
« Alors que de nombreux médias internationaux ont commencé à rapporter les commentaires de Mme Nuland comme une confirmation de l’existence en Ukraine de laboratoires d’armes biologiques soutenus par les États-Unis, comme l’affirment les Russes, le département d’État a été contraint de publier un démenti mercredi dans une déclaration officielle de son porte-parole, Ned Price. […]
» Jeudi soir, aucun quotidien national américain, – y compris le New York Times, le Washington Post, le Wall Street Journal et USA Today, – n’avait fait état des déclarations de Nuland devant la commission des affaires étrangères du Sénat mardi. CNN a enterré les commentaires de Nuland dans un article publié jeudi qui accusait la Chine de promouvoir la “désinformation russe”.
» Dans son résumé des événements du treizième jour de l’invasion russe de l’Ukraine, le Times a mentionné le témoignage de Victoria Nuland au Sénat, mais uniquement concernant la proposition de la Pologne de déployer des avions MiG-29 de l’ère soviétique sur la base aérienne américaine en Allemagne.
» Mercredi soir, Fox News a diffusé un segment de 16 minutes réalisé par Tucker Carlson, qui comprenait un extrait du témoignage de Nuland et accusait l’administration Biden et le Pentagone de mentir sur les laboratoires biologiques ukrainiens pour des raisons liées à la promotion par la chaîne de la théorie du complot du laboratoire de Wuhan sur les origines de la pandémie de coronavirus.
» Le département d’État a répondu à une enquête de Fox News en déclarant : “Le département de la défense des États-Unis ne possède ni n’exploite de laboratoires d’armes biologiques en Ukraine. Lors de son témoignage, la sous-secrétaire d’État Nuland faisait référence aux laboratoires ukrainiens de diagnostic et de biodéfense qui ne sont pas des installations d’armes biologiques. Ces institutions luttent contre les menaces biologiques dans tout le pays”.
» Mercredi dernier, Newsweek a publié un rapport indiquant qu’un fonctionnaire anonyme du département d’État avait “clarifié” la nature des “installations de recherche biologique” mentionnées par Nuland qui étaient “au centre des accusations en duel entre les responsables américains et russes”.
» Il est très clair que l’exposition des opérations de guerre biologique parrainées par les États-Unis en Ukraine fait exploser l’ensemble du récit concocté par l’administration Biden et fidèlement propagé par les médias [de la presseSystème], selon lequel la Russie est seule responsable de la crise de guerre actuelle.
» La source anonyme du département d’État a admis ce fait pour Newsweek, déclarant que les États-Unis ont toujours soutenu que “la Russie continue d’inventer de faux prétextes pour justifier ses actions horribles en Ukraine. Ni les États-Unis ni l’OTAN n’ont le désir ou l’intention d’entrer en conflit avec la Russie”.
» Reconnaissant des expressions de culpabilité dans les démentis hystériques émanant des responsables américains, britanniques et ukrainiens, le chef de la délégation russe aux négociations de Vienne sur la sécurité militaire et la maîtrise des armements, Konstantin Gavrilov, a qualifié d’“étonnantes” les réactions aux allégations concernant les laboratoires biologiques. Dans une interview accordée au média russe Rossiya-24, Gavrilov a ajouté qu’il n’avait rien vu de tel en 30 ans de carrière diplomatique. »
Sur la défensive
Cette affaire des laboratoires subventionnés par le Pentagone est un événement important, qui nous extrait in fine du seul cadre ukrainien. Les 30 laboratoires ukrainiens financés par les USA se placent dans le cadre d’un programme, comme d’habitude avec le Pentagone puisqu’il semble être question de lui, caractérisé par les principaux caractères du gigantisme et de l’exterritorialité le plus souvent en violation des souverainetés (336 laboratoires financés par les USA dans 30 pays, voilà qui fleure bon le Pentagone). Certaines caractéristiques révélées par les Russes selon des références diverses suggèrent des tendances d’élimination ethniques se rapprochant de pratiques cohabitant fâcheusement avec la présence néo-nazie en Ukraine. Selon ‘DonbassObserver’ :
« …De plus, sous prétexte de tester des moyens de traitement et de prévention du COVID-19, plusieurs milliers d’échantillons de sérum de patients, principalement d’origine ethnique slave, ont été prélevés en Ukraine pour être envoyés à l’Institut de recherche Walter Reed de l’armée américaine.
» Or, en 2017, un scandale avait éclaté en Russie lorsqu’il avait été découvert qu’une société travaillant pour l’armée américaine, collectait des échantillons biologiques et de l’ARN de Russes, faisant craindre leur utilisation pour développer des armes biologiques ciblant une ethnie particulière. Les Ukrainiens étant très proches des Russes sur le plan génétique, il y a de sérieuses questions à se poser sur le but réel de tous ces prélèvements.
» Pour Kirillov [le chef des troupes de protection NRBC (Nucléaire, Radiologique, Biologique et Chimique) russes], la hâte avec laquelle l’Ukraine a lancé la destruction de toutes les souches de pathogènes dans ces laboratoires biologiques américains, pourrait indiquer qu’ils y travaillaient sur le renforcement des propriétés pathogènes des microbes, ce qui est une violation de la convention sur l’interdiction des armes biologiques et à toxines. C’est d’ailleurs aussi ce qui expliquerait pourquoi les États-Unis ont installé ces laboratoires en Ukraine, au lieu de mener de telles recherches sur leur propre territoire : pour éviter de devoir répondre de ce qui s’y passe ! »
• Cette sorte d’information, qui s’inscrit dans un dossier extrêmement fourni des forces russes, est évidemment propre à internationaliser le problème, ou plutôt la crise ‘Ukrisis’, avec ce chiffre de 336 laboratoires dans 30 pays. On retrouve certains aspects polémiques de la pandémie Covid.
• Particulièrement, l’affaire nourrit une résurgence de ce que les partisans du ‘Camp du Bien’ nomment avec dégoût le “complotisme”, avec d’autant plus de dégoût qu’eux-mêmes en font un vaste usage, ne serait-ce qu’en voyant partout du complotisme contre eux. Mais ici, point de quartier ! L’affaire ressuscite toutes les préoccupations sérieuses autant que les lubies autour d’une manipulation de virus, et cette fois du fait des USA. Nous n’en saurons rien puisque nous sommes sous traitement du sérum de vérité d’une presseSystème impeccablement alignée, mais ce n’est pas le cas du reste du monde, beaucoup plus vaste que notre petit-Paradis.
• … Et l’on voit bien que les Chinois sont les premiers concernés, on comprend pourquoi en souvenir des accusations de manipulation du Covid lancées contre eux il y a deux ans. La Chine se trouve doncde facto un peu impliquée dans le conflit et elle va donc s’engager beaucoup plus fermement et nettement au côté de la Russie, ou plutôt contre les USA, dans l’‘Ukrisis’.
Tout cela nous amène au point central de notre réflexion, qui est de voir, pour la première fois de façon aussi nette et documentée, les USA mis en mode défensif dans l’événement ‘Ukrisis’, dans une communication qu’ils manipulaient jusqu’alors massivement et d’une façon dominatrice. L’une des grandes et belles difficultés pour construire une narrative acceptable autour des 30/336 labos en Ukraine/dans le monde, c’est l’extrême complexité d’en faire des établissements consacrés au développement de la médecine, tandis que l’hypothèse de développement d’armes biologiques (Armes de Destruction Massive) a de beaux jours devant elle.
La chose est simple : les labos sont subventionnés par le Pentagone si l’on en croit des précisions qu’il apporte sur certaines de ses mises en lignes, et non par les services du docteur Fauci ou de tout autre organisme de santé US, selon les précisions apportées par Nuland elle-même. Même si les USA prétendent tenir en Ukraine le rôle de secouristes humanitaires, il est finalement difficile de déguiser le Pentagone en infirmière préoccupée du sort de tous les malades du monde.