La liste des monuments et sites sélectionnés pour le Loto du patrimoine a été dévoilée ce lundi 14 mars : au total, ce sont 18 sites « emblématiques » qui bénéficieront d’aides pour leur restauration, grâce à la Mission patrimoine présidée par Stéphane Bern. L’édition 2021 avait permis de récolter 28 millions d’euros pour la sauvegarde du patrimoine, ce qui laisse présager une belle revalorisation des monuments sélectionnés pour ce Loto 2022.
De son côté, le gouvernement a également planché sur le budget alloué à la culture et le ministre Roselyne Bachelot a présenté, le 22 septembre dernier, des prévisions budgétaires d’une hausse sans précédent : fragilisé par la crise sanitaire, le secteur recevra cette année des aides conséquentes avec une hausse générale de 7,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2021.
Que les monuments tombent en ruines, voilà qui n’est pas acceptable. Qu’ils soient vidés de leur sens, voilà qui se discute davantage. En témoigne l’exemple du château de Pontchartrain, classé monument historique en 1979 et racheté en 2019 par la société Histoire & Patrimoine. Sans mettre en doute l’attrait de cette société pour la culture française, il semblerait qu'elle ait tout de même le sens des affaires. Le promoteur envisage de diviser le château en 86 appartements de luxe afin de pouvoir, par la suite, entamer un processus de vente à la découpe. Sur son site, Histoire & Patrimoine ne cache pas l’intérêt d’une telle opération. Dans un onglet dénommé « Monuments historiques - les avantages », la société détaille les motivations de ses investissements. La première raison tient en quelques lignes : bien sûr, c’est plutôt sympathique de « posséder un bien d’exception », symbole de « transmission entre générations, d’héritages séculaires, mais surtout d’histoire humaine ». La seconde raison, bien plus développée, porte le titre poétique : « Les avantages fiscaux ». C’est ici que l’on découvre le réel attrait que présente ce type d’acquisitions : « Depuis 2017, les biens Monument Historique ne sont plus redevable à l’impôt sur la fortune immobilière. En investissant dans un bien classé ou inscrit Monument Historique, vous bénéficiez ainsi d’avantage fiscal totalement déplafonné et les travaux de rénovation sont imputés sur le revenu imposable à 100 %. » Voilà qui aurait de quoi rendre féru de patrimoine le plus fruste des investisseurs. En résumé, vous achetez une bâtisse d’une valeur exceptionnelle et vous la restaurez aux frais du contribuable pour votre usage personnel. Pratique, non ?
Julien Lacaze, président de l’association Sites et Monuments, explique que, jusqu’en 2017, il fallait « l’accord du ministère de la Culture et de Bercy, et que le classement ou l’inscription au titre des monuments historiques soit pris au moins un an avant la vente à la découpe » pour bénéficier de ce dispositif. Grâce au député (LREM) Joël Giraud, la procédure a été largement simplifiée et les promoteurs ont désormais les mains libres. Pour Stéphane Bern, cette pratique mériterait d’être bien plus encadrée : « Il faut renforcer les obligations des promoteurs, on ne peut pas disposer du patrimoine national pour en faire n’importe quoi », martèle-t-il (Le Parisien du 15 mars) avant de conclure : « Le château de Pontchartrain reste debout mais l’esprit des lieux va disparaître. »
C’est donc en toute bonne conscience, et en pure perte - le manque à gagner fiscal pour l’État est évalué à 11 millions d’euros dans le cas du château de Pontchartrain -, que le gouvernement s’échine une nouvelle fois à vider de son sens ce qui pourrait se rattacher de près ou de loin à une sauvegarde de la culture française. Il faut avouer que, si elle n’existe pas, il devient complexe de se battre pour elle. Alors qu’un grand nombre d’églises sont menacées de démolition, faute de moyens pour les maintenir debout, comme la chapelle Saint-Joseph, à Lille, des modernisations luxueuses sont entreprises aux frais du contribuable dévoyant le patrimoine français pour le bon plaisir d’une petite poignée. Et la première à manifester son sens des priorités en la matière n’est-elle pas Brigitte Macron ? La première dame a en effet amorcé des rénovations d’envergure à l’Élysée peu de temps après son arrivée au palais, s’expliquant dans une interview au Monde : « On voulait faire entrer la modernité. » Explication peut-être un peu sommaire ? Mme Macron développe : « Les tapisseries sentaient le tabac. » Si c'est pour une œuvre...