Dans trois semaines, les urnes parleront, à moins qu’elles crient ou qu’elles sonnent creux, qui le sait vraiment ? J’ai, je l’avoue, du mal à suivre cette campagne qui n’en est pas vraiment une, plombée par les crises sanitaire et géopolitique qui affectent notre société au risque de l’émotion plus que de la réflexion. Douze candidats s’affrontent mais, à lire les médias et à suivre les sondages (même si sondage n’est pas suffrage), le président sortant ne sera pas sorti et il pourra, s’il obtient une majorité parlementaire de gouvernement, dérouler son programme libéral-démocrate dont il a, l’autre jour, évoqué les grandes lignes : la retraite à 65 ans, le déploiement de multiples champs d’éoliennes marines, le redémarrage nucléaire, l’autonomisation des établissements scolaires, etc.
Programme électoral qui mérite une lecture attentive et critique, non pour seulement dénoncer (il y a quelques propositions intéressantes (1)…) mais aussi pour mieux saisir la logique de celui-ci et de l’idéologie dominante et, électoralement par défaut sans doute, triomphante. Est-elle seulement libérale, comme le disent nombre de ses adversaires ? Je n’en suis pas si sûr, à bien y regarder, ne serait-ce que parce que les cinq années qui viennent de s’écouler ont aussi montré une forme d’étatisme assez désagréable qui confondait action légitime de l’Etat et centralisation abusive des décisions de celui-ci, au détriment des libertés concrètes et plurielles de notre nation française. La crise sanitaire des deux dernières années a montré une propension de l’Etat central à méconnaître les particularités provinciales et à imposer uniformément des politiques de restriction qui, parfois, n’avaient guère de sens et dévoilaient plus une panique ou une peur devant d’éventuelles poursuites judiciaires qu’une politique pensée et réfléchie : cela a abîmé l’image de l’Etat sans responsabiliser les citoyens, ce qui est, à plus ou moins long terme, dangereux, surtout au regard des défis qui attendent notre pays dans les années et décennies prochaines. Cette politique coercitive de l’Etat, qui n’est pas nouvelle en France mais a tendance désormais à tenir lieu de stratégie quand elle ne devrait être, pour prouver son efficacité, qu’une tactique temporaire et bien délimitée dans le temps, tend à un certain étatisme, le contraire apparent du libéralisme. « Apparent ? », s’étonneront certains : oui, car le libéralisme, dans l’histoire, s’est parfois marié avec un étatisme que, par facilité plus que par discernement, l’on nommait autoritarisme.
Durant son premier quinquennat (puisque les sondages semblent nous annoncer et nous condamner au second…), le président Macron s’est retrouvé face à de multiples oppositions dont certaines n’étaient que les conséquences de son libéralisme revendiqué : les Gilets Jaunes en ont été une synthèse « plurielle » qui n’a pas eu de débouché proprement politique malgré leur caractère éminemment politique. Sans doute parce que le caractère populaire de cette révolte (une insurrection ?) a disparu dans la fumée des affrontements et dans les ambiguïtés de celle-ci, aggravées par la tentative de récupération par ceux-là mêmes qui, à l’origine, avaient tenté de discréditer le mouvement de l’extérieur avant de le disqualifier de l’intérieur ; sans doute aussi parce que le gouvernement a joué sur cette « grande peur des bien-pensants » que Georges Bernanos n’a eu, jadis, de cesse de dénoncer avec des mots de passion et de colère, et qui a, une fois de plus, débouché sur « la radicalisation des modérés » maquillée en « maintien de l’ordre » quand l’Ordre, en définitive, avait déserté le camp de la République.
Et demain ? La réélection probable de l’actuel locataire de Mme de Pompadour ne mettra pas un terme aux soucis de la France et aux mécontentements des Français, et il n’est pas interdit de penser que nous entrons dans une période de turbulences sociales et politiques, sociales avant que d’être politiques sans doute, ce qui n’empêchera pas de penser « en politique » les enjeux d’une telle situation. La posture contestatrice, pour agréable qu’elle soit, est vaine si elle ne s’accompagne pas d’une proposition alternative construite : je ne suis pas un nihiliste mais un amoureux de la France, un « nationiste » selon l’heureuse formule de Pierre Boutang, et cela interdit de pratiquer la politique du pire qui, comme le soulignait Maurras (qui n’a pas toujours été le meilleur praticien de ses formules…), est « la pire des politiques ». En ce sens, un royaliste ne peut être un « émigré de l’intérieur » mais se doit de suivre les débats de notre temps, et s’engager pour les causes de la justice sociale et de la pérennité nationale sans attendre une Monarchie royale qui, si elle paraît nécessaire, est encore loin d’être une évidence pour nos concitoyens.
Notes : (1) : Il nous faudra revenir, en particulier, sur la proposition d’une plus grande autonomie des lycées qui rejoint une vieille revendication (toujours actuelle) des royalistes, mais aussi sur le « retour » du nucléaire qui, là aussi, ne peut nous laisser complètement indifférents…