Marc Rousset
Poutine a exigé sur une chaine de télévision russe que les acheteurs payent leurs importations de gaz à la société Gazprom en roubles à partir du 1er avril, sinon les contrats seraient purement et simplement annulés. La France, l’Allemagne, et l’UE ont poussé des cris orfraie en disant qu’il n’en était pas question et que les paiements seraient en euros ou en dollars, tel que stipulé dans les contrats signés à long terme. Que va t- il finalement se passer et pourquoi, même si la face est sauvée en apparence pour les Européens, la Russie a déjà gagné la partie du bras de fer !
Les sociétés européennes telles que la française Engie qui achète du gaz russe et avait même participé au financement de Nordstream 2, seront obligées d’ouvrir deux comptes en euros et en roubles auprès de la banque russe Gazprombank en Russie. Les acheteurs européens transféreront donc dans un premier temps des euros sur le compte en euros de Gazprombank, mais ils seront obligés de régler les commissions de change pour que Gazprombank vende immédiatement leurs euros, afin de pouvoir créditer leur deuxième compte en roubles. Gazprombank pourra alors régler Gazprom par débit de leur compte en Russie en roubles, ce qui correspond entièrement à l’exigence de Poutine. Comme dit le proverbe, il n’y a que le résultat qui compte !
Le paiement du gaz russe s’effectuera donc finalement, d’une façon sécurisée pour Poutine, en roubles en Russie, et non pas par un compte crédité en euros de Gazprombank dans une banque européenne, qui pourrait être saisi de nouveau, puisque les Occidentaux ont même eu le culot, ce qui ne s’était jamais vu jusqu’à présent dans l’histoire du monde, de saisir les comptes en euros et en dollars de la Banque centrale russe.
Les Européens ont un besoin impératif du gaz russe (40% de la consommation européenne actuelle) qui ne peut être que partiellement remplacé par du GNL de schiste américain (15 miliards de m3 au maximum, soit 10% des besoins européens) ou qatarien, vendu plus cher que le gaz russe dans les ports européens. A noter également la pollution des océans avec des gigantesques méthaniers et la nécessité de construire des coûteuses usines de regazéification dans les ports européens. Il faudrait plus de 700 méthaniers pour remplacer seulement Nordstream 1 !
L’Europe importe chaque année 155 milliards de m3 de gaz : Nordstream 1, c’est à lui tout seul 55 milliards de m3, tout comme son double Nordstream 2 déjà construit, soit un potentiel de 110 milliards de m3. On voit donc la folie suicidaire européenne qui consisterait à se geler l’hiver, à se désindustrialiser, à ne pas profiter de ce gaz russe compétitif, très bon marché, écologique qui nous tend les bras !
L’autre avantage pour Poutine, c’est que la vente annoncée des euros sur le marché des changes a déjà permis au rouble de remonter, de retrouver sa parité d’avant le début de l’intervention militaire en Ukraine, ce qui permet d’éviter l’inflation très forte des prix en roubles pour les produits importés.
Poutine vient donc de gagner la première manche du bras de fer. Il est probable que pour tous les produits stratégiques où l’on ne peut se passer de la Russie (blé, engrais, métaux rares, engrais, pétrole), il Imposera aussi demain l’ouverture de comptes en roubles par les importateurs dans les banques russes pour tous les pays hostiles, le rouble devenant alors une monnaie crédible car gagée par des matières premières stratégiques et des réserves d’or importantes de la banque centrale.
Cette victoire russe est très importante historiquement car elle conduira inéluctablement à terme à la chute du dollar, au paiement du pétrole en yuan par les Chinois à l’Arabie Saoudite, soit la fin du pétrodollar, à la multiplication des monnaies de réserve qui pour être crédibles devront être convertibles en or. Pour retrouver son rôle volé par Nixon, en 1971, qui a mis fin à la convertibilité du dollar en or, le métal jaune devra être réévalué, ce qui permettra de satisfaire les besoins en liquidités du commerce international.
Suite au hold-up occidental sur les réserves de la banque centrale de Russie, le dollar et l’euro ont déjà perdu leur crédibilité par rapport à l’or et ont déjà signé leur arrêt de mort comme monnaies de réserve.
Article paru sur Riposte laïque cliquez là