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Quand les islamistes se réjouissent

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C'est dans un contexte caractéristique du monde musulman, que Recep Tayyip Erdogan, l'homme qui rêve de devenir le nouveau calife de l'islam mondial, s'est exprimé ce 29 avril sur l'élection française du 24 avril. Lors de son récent voyage à La Mecque, le chef de l'État turc, principal protecteur des Frères musulmans depuis la chute de Morsi en Égypte, s'est donc publiquement réjoui de la victoire de Macron. Pourtant en 2020 il avait exprimé son désir de voir la France "se débarrasser" de lui "le plus tôt possible". Et depuis, dans son édition francophone, essentiellement destinée à l'Afrique, jour après jour, l'agence officielle turque Anadolu voue le locataire de l'Élysée aux gémonies.

Un tel paradoxe pourrait mériter d'être éclairci auprès de ceux qui ne voient pas, ou ne veulent pas observer la réalité des faits.

Il ne s'agit pas seulement ici, en effet, de la complaisance permanente du régime politique hexagonal à l'endroit d'une immigration volontairement mal contrôlée. On doit la savoir désirée de longue date par une certaine technocratie. Et ceci depuis le début de la cinquième république.[1]

Il s'agit aussi, corollaire sans doute, d'une aggravation visible du phénomène sous le règne de la Macronie. Le pouvoir se couche devant la plupart des manifestations de l'islam politique. Celui-ci à peine qualifié du terme, supposé péjoratif, de "séparatisme", comme s'il ne s'agissait que d'une sorte d'autonomisme, tel que celui revendiqué dans plusieurs provinces françaises.

Le 29 avril 2022, Erdogan effectuait donc, pour la clôture du ramadan, un petit pèlerinage à La Mecque. Un tel acte de dévotion surérogatoire, appelé "omra", caractérise plutôt la sincérité intime d'un croyant de l'islam. Il ne doit pas être confondu avec le grand pèlerinage obligatoire du "hadj", que tout musulman pieux se doit d'accomplir une fois dans sa vie en fonction de ses moyens.

C'est en marge de ce voyage que le président turc a pu renouer avec l'Arabie saoudite des relations, distendues depuis plusieurs années, et même hostiles. Elles étaient gelées, en effet, depuis l'assassinat du journaliste Khashoggi par les hommes de main de MBS, ainsi nomme-t-on dans les médias le prince héritier saoudien Mohammad ben Salmane. Les deux hommes se sont donc rencontrés à Djeddah, le soir même de l'arrivée dans le royaume du reïs turc. Ils sont convenus de développer les relations entre les deux pays. De plus, l'homme fort d'Ankara a effectué une visite protocolaire auprès du vieux roi Salmane.

Jamal Khashoggi, éditorialiste au Washington Post, avait été sauvagement et traîtreusement liquidé, le 2 octobre 2018, dans les locaux du consulat saoudien à Istanbul où il effectuait une démarche administrative. Erdogan avait alors mis en cause "les plus hauts niveaux du gouvernement saoudien". Désormais l'affaire est renvoyée aux Saoudiens eux-mêmes. La poussière est donc mise sous le tapis. Allah est grand et miséricordieux. La hache de guerre est ainsi enterrée.

Erdogan ne manque jamais l'occasion de se positionner sur un terrain de référence religieuse caractéristique de l'islam politique. À cet égard dans cette mouvance, la foi commune est supposée transcender les barrières interétatiques. Qu'on agite un symbole mahométan et tous font au moins semblant, car l'hypocrisie reste considérée comme un hommage du vice à la vertu. Le chef de file chiite libanais Hassan Nasrallah le soulignait récemment : "Quand les sites sacrés sont en danger, avait-il rappelé, les fausses frontières ne comptent plus."[2]

Plus significatif encore, on assiste en effet à une tentative de rapprochement entre les blocs déchirés ces dernières années, parmi les pays du Golfe, Saoudiens, Émiratis, Qataris s'emploient à surmonter leurs différends. La fracture radicale qui les séparait de l'Iran chiite pourrait même s'estomper, ce qui explique la trêve au Yémen Dans une guerre intra-islamique qui, en quelques, années a fait au moins 300 000 morts…

Oui les islamistes peuvent se réjouir : doit-on s'en féliciter en Europe ?

JG Malliarakis  

Apostilles

[1] Nous soulignions cette connivence dans L'Insolent du 20 janvier "En finir avec le consensus moutonnier [sur l’immigration]"
La lecture du livre écrit par Michel Debré "Au service de la nation", [Essai d'un programme politique Stock, 1963, 279 pages] nous permet de mieux comprendre l'attitude de M. Larrivé, alors "LR", actuellement en voie de ralliement.

[2] cf. in L'Orient le Jour du 30 avril Mohanad Hage-Ali  "Le Hezbollah et le Hamas vont-ils refaire du Liban une base arrière ?".

https://www.insolent.fr/

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