C’était beau, c’était bien, c’était grand, c’était généreux. Surtout, ça allait tout régler : la mondialisation allait nous apporter la paix, le bonheur, la migration heureuse et le gavage à toute heure. La réalité nous explose à la figure : en fait de mondialisation heureuse, nous découvrons l’asservissement énergétique, le déclassement économique, l’immigration de peuplement et l’extension du domaine de la pénurie.
Qu’à cela ne tienne, nos têtes chercheuses euromondialistes ne voient de salut que dans la fuite en avant. Ainsi le bruit court d’un projet d’extension de l’Europe de 27 à… 37 ! C’est déjà la cacophonie ? Pas grave, plus on est de fous, plus on rit. La perspective est pourtant sérieuse puisque Jean-Louis Bourlanges, président de la commission des Affaires étrangères de l’Assemblée nationale, expliquait, ce lundi matin, sur Europe 1, que cela risquait toutefois de poser des problèmes structurels car « on ne fonctionne pas à vingt-huit ou à vingt-sept comme on fonctionnait à six ou à neuf ou à douze, et on ne fonctionnera pas à trente-sept (sic) comme on fonctionne aujourd'hui à vingt-sept ».
Bien sûr, on sous-entend que cet élargissement forcené vers l’Est est une autre forme de soutien à l’Ukraine qui, vite fait bien fait, rejoindrait alors la Turquie, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie et l'Albanie… avec sans doute, en prime, quelques joyeuses mafias caucasiennes. Et qu’importe si la non-adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne et son entrée dans l’OTAN constituent le pivot des négociations de paix avec la Russie. Et tant pis si, de ce fait, le monde court à bride abattue vers une pénurie dramatique de gaz, de pétrole et de denrées alimentaires de première nécessité.
Pourquoi ? Parce que l’Europe n’est pas souveraine. Elle fait et va là où les États-Unis lui disent d’aller et de faire. La pénurie s’installe et absorber dix États de plus dans l’Union européenne n’y changera évidemment rien. Les prix s’envolent et les rayons se vident : plus d’huile, des pâtes bientôt au prix du caviar… Exemple de l’absurdité du temps par la moutarde qui ne nous montera plus au nez : alors que les Français croyaient encore que la moutarde est un produit français, on découvre tout à coup que les graines nous viennent en priorité du Canada et de Russie. Sécheresse ici, sanctions là : fin de la moutarde ! Quant à l’huile de tournesol, on la qualifie maintenant de « nouvel or jaune », tant elle se fait rare. Les prix, ce printemps, ont augmenté en moyenne de 7 à 8 %.
Si les rayons se vident, c’est parce que les Français font des stocks, dit Michel-Édouard Leclerc, patron des magasins du même nom : « En France, aujourd’hui, il n’y a pas de pénurie pour la consommation courante et il n’y en aura pas jusqu’à l’été », a-t-il déclaré sur BFM TV, voilà un mois (3/4/2022). S’agissant des pâtes, « il y en a », dit-il, mais pour combien de temps, sachant que « pour l’huile de tournesol, nos stocks vont jusqu’à juin » ? Et la viande ? L’Ukraine fournit 30 à 40 % du marché européen de certains maïs, donc l’alimentation pour le bétail va augmenter et entraîner un coût de production pour la viande. Et le blé ? Si la crise se poursuit à l’Est - ce qui est plus que probable -, nous allons connaître une crise mondiale, particulièrement dramatique autour de la Méditerranée, au Maghreb et en Égypte.
On va tenir jusqu’à l’été, disait Michel-Édouard Leclerc, il y a un mois. Mais l’été, c’est demain ! Et après ? Après, il faudra en plus rogner sur l’énergie et se préparer à grelotter. Nous avons abdiqué sur tous les plans, confié à d’autres l’entière gestion de nos vies. Nous voilà maintenant au pied du mur.
Marie Delarue
https://www.bvoltaire.fr/au-lieu-de-la-mondialisation-heureuse-lextension-de-la-penurie/