Les cocoricos de nos ministres régaliens sont de plus en plus contredits par une réalité dont la brutalité ne cesse de s’amplifier.
La délinquance et la criminalité ordinaires sont déjà insupportables et ce n’est pas un « sentiment d’insécurité » qu’éprouvent les victimes nombreuses mais un désespoir aggravé par la relative impuissance des forces chargées de les combattre.
Il suffit pour en avoir un tableau hebdomadaire (et il n’est pas exhaustif) de se reporter du 11 au 17 juillet avec une recension de Valeurs actuelles mentionnant notamment une quinzaine de coups de couteau, coups de marteau, coups de hache, une femme poignardée par un clandestin…
Un basculement dramatique s’est produit dans notre société quand la police, de plus en plus souvent, au lieu de pouvoir opérer sa mission de contrôle et d’interpellation, est devenue elle-même une cible. La malfaisance spécifique, les guet-apens, les violences à son encontre font qu’elle ne peut plus nous protéger mais doit être protégée. Un comble.
Dans une commune près de Dijon, un policier est violemment « tabassé » parce qu’il tente d’interpeller un voleur de scooter armé.
Dans un quartier de Lyon à la Guillotière, trois policiers en civil dont une femme, sont agressés et lynchés à coups de barres de fer et avec du gaz lacrymogène, par une cinquantaine de voyous qui les empêchent d’appréhender un voleur à l’arraché. L’un des agresseurs est interpellé mais réussit à prendre la fuite (Le Parisien).
C’est tous les jours comme cela. Il paraît que ceux qui s’émeuvent exagèrent ou appartiendraient au RN et donc seraient forcément inaudibles et de mauvaise foi.
On a un ministre de l’Intérieur qui tweete beaucoup après. C’est le signe de l’échec. Un Eric Ciotti a le droit de tweeter : il n’est pas ministre. Gérald Darmanin, lui, quand il termine son tweet par « s’en prendre à un policier c’est s’en prendre à la République » a un propos à peu près équivalent à zéro et magnifie son inaction.
Il n’est plus à cela près. Il a déclaré qu’il allait s’occuper « personnellement » des JO. Pas de quoi rassurer : il n’était tout de même pas à mille lieues du Stade de France et du préfet Lallement lors de ce fiasco dont il ressort virginal grâce au président de la République !
Eric Dupond-Moretti, certes non directement concerné par ces soucis d’ordre et de tranquillité publics, ne rassure pas davantage sur la Justice quand il fait des réponses méprisantes aux questions qui lui sont posées.
J’ai le droit de suggérer des pistes dont la plus importante est inconcevable.
Il faudra un jour instaurer de vraies peines planchers. Je devine trop ce que vont devenir les procédures de Lyon et de Dijon si on réussit à appréhender des auteurs alors que le caractère collectif des violences rend la preuve individuelle quasiment impossible. Elles s’enliseront dans des délais trop longs et l’indignation initiale finira en en indulgence judiciaire.
Surtout il conviendrait non pas de sortir de l’état de droit ressassé tel un mantra mais de l’adapter. C’est une incantation à défaut d’être une protection, une solution. Il n’est plus possible, face à des transgressions éclatantes, irrécusables, de laisser le temps noyer les vérités et des culpabilités immédiatement imputables. On ne devrait plus admettre que la bureaucratie s’oppose à la Justice. Il y a une multitude d’affaires qui justifieraient des allègements et des urgences et satisferaient l’attente citoyenne qui veut que justice soit rendue certes mais vite !
J’ai évoqué l’autosatisfaction du pouvoir. Elle est normale. Quand on échoue il est urgent de se gratifier : c’est le seul baume.
Que la France ait mal ne troublera pas un pouvoir sûr de son fait.
On aura compris que mon titre renvoie à une célèbre chanson de mon enfance où, annonçant à « madame la marquise » une série de catastrophes, on lui certifiait pour la rassurer que « tout allait très bien ».
Faisons-leur plaisir : tout va très bien, messieurs les ministres…
Philippe Bilger
Tribune reprise de Philippebilger.com