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Déferlante populiste sur l’Europe : la grande peur des bien-pensants

Pour les médias, c’est un marronnier qui refleurit à chaque nouvelle élection. Le péril populiste est agité tel un épouvantail afin de maintenir l’électeur dans le « cercle de la raison ». Il semblerait pourtant que, cette fois-ci, l’inquiétude soit moins feinte que d’habitude.

La chute de  en Italie et la perspective de l’arrivée au pouvoir, en septembre prochain, de Giorgia Meloni, dirigeante du parti Fratelli d’Italia, ne seraient-ils pas les signes annonciateurs de bouleversements à venir ?

Le 22 juillet dernier, Le Monde donnait la parole à Bernard Spitz, président du pôle International et Europe du MEDEF, qui s’alarmait : « Ce que nous dit la démission forcée de Draghi, c’est que si l’on ne répond pas mieux à l’angoisse démocratique, la voie sera ouverte aux populismes. » Nous aurions en effet basculé, sans nous en rendre compte, dans un nouveau cycle historique, une « période d’incertitude et de fureur ».

Face à un hiver qui s’annonce des plus sombres en raison du contrecoup des sanctions prises contre la Russie, les élites politiques et économiques européennes commencent à sérieusement s’inquiéter.

Le très libéral The Economist, le 14 juillet dernier, se demandait depuis Londres si le choc énergétique n’allait pas « sonner le glas de l’Union européenne ».

Ce serait l’incroyable renversement de situation auquel aboutirait la guerre économique menée par les Occidentaux dans le but de provoquer l’effondrement de l’économie russe, susciter la colère des populations et faire tomber le régime de Poutine.

Pas question, cependant, pour les Européens de reconnaître leurs erreurs ni de modifier leur stratégie, malgré les appels de Viktor Orbán à mettre un terme à une  suicidaire. « L'économie européenne s'est tiré une balle dans les poumons »déclarait-il le 15 juillet dernier.

Non, pas question de revenir sur les sanctions mais plutôt sur le narratif. Car c’est une petite musique conspirationniste aux airs déjà connus qui a fait sa réapparition à l’occasion du départ de Mario Draghi.
De l’autre côté de l’Atlantique, le Wall Street Journal s’en faisait l’écho, le 3 août dernier. Ce n’est pas la stratégie inconséquente des Occidentaux qui serait la cause des catastrophes à venir mais un plan diabolique de Poutine : les prix élevés de l’énergie vont créer des troubles sociaux qui amèneront au pouvoir des partis populistes qui cesseront de soutenir l'Ukraine. Une chute de dominos dont l’Italie constitue le point de départ. Ce plan russe de subversion ne serait cependant pas réalisable sans la complicité d’une cinquième colonne agissant avec perfidie au cœur de l’Europe. Pour les médias bien-pensants, l’« extrême droite » populiste est cet ennemi intérieur dont il faut traquer les activistes et démasquer les complots.

Le journal turinois La Stampa annonçait, le 28 juillet dernier, avoir consulté des documents des services secrets italiens qui attestaient d’une rencontre entre un proche de Matteo Salvini, le chef de la Ligue, et des diplomates russes un mois avant la chute du gouvernement Draghi. Des « ombres russes » se cachaient donc derrière cette crise. Des accusations qui surgissent opportunément en pleine campagne électorale italienne.

L'affaire n’est pas sans rappeler le « Russiagate ». En 2017, c’est le dossier monté par un ancien espion britannique, financé avec l’argent de la campagne de Hillary Clinton, qui avait conduit aux accusations affirmant que Donald Trump était manipulé par Moscou.

En France, lors du débat de l’entre-deux-tours de la présidentielle, Emmanuel Macron avait tenté également de discréditer Marine Le Pen en affirmant que celle-ci dépendait « de Monsieur Poutine » du fait d’un financement obtenu, quelques années plus tôt, auprès d’une banque russe.

Dans Le Figaro du 21 juillet dernier, l’historien italien Stefano Pilotto s’écartait des théories conspirationnistes pour expliquer la chute de Mario Draghi. Face à la crise ukrainienne, l’ancien président de la BCE, « se rangeant à 200 % sur la ligne suivie par les États-Unis », avait plutôt, selon Pilotto, « refusé d'élaborer une ligne  proprement italienne ». Draghi gouvernait « tout seul », sans se préoccuper ni des demandes de ses partenaires ni des conséquences de sa  atlantiste sur les intérêts économiques et financiers des Italiens, ajoutait Pilotto.

Pour provoquer une déferlante populiste, Moscou n’aura finalement pas besoin de se donner beaucoup de mal. Il lui suffira de laisser faire des élites européennes déconnectées et indifférentes aux demandes de leurs peuples.

Frédéric Lassez

https://www.bvoltaire.fr/deferlante-populiste-sur-leurope-la-grande-peur-des-bien-pensants/

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