C'est l'un des travers d'Emmanuel Macron, ce besoin de bain de foule, en chemise, et au milieu de la jeunesse. Histoire de rechercher une proximité, une popularité. Jean Messiha parlait, sur CNews, de « narcissisme » au sujet de ces images. Étrange, de vouloir être populaire auprès d'une jeunesse étrangère. Je voyais ces images sur l'écran d'un bar de la France périphérique dans le centre de la France, ce samedi : les jeunes du coin, en cette fin de saison touristique, se retrouvaient et jetaient un œil mi-désabusé mi-narquois sur notre histrion oranais d'un jour.
Dans ce bar, personne n'insultait le Président mais les regards et les quelques remarques lancées en disaient long sur le décalage, l'abîme qui séparait ces petits Français de celui qui est leur Président. Impossible d'imaginer qu'il puisse s'adonner à l'exercice au milieu d'eux : toujours à l'aise avec les jeunesses étrangères ou de banlieue, qui d'ailleurs le méprisent ouvertement, mais invisible ici. On reste perplexe devant un tel ratage de com'.
Mais revenons à Oran : malgré les titres contournés de la presse et le numéro d'acteur du Président saluant une foule qu'il feint de croire en pâmoison devant sa personne, la réalité est crue : Emmanuel Macron a été copieusement et violemment hué par ces jeunes Algériens d'Oran.
Le Jdd : « Malgré les poignées de main et quelques photos, il a essuyé des insultes au milieu d’une foule agitée. Dans un climat assez tendu, le Président a donc salué les habitants d’Oran comme si de rien n’était [...] Ce sont principalement les slogans hostiles et les insultes qui se sont fait entendre dans les rues oranaises : "Va te faire foutre !", "La France mange notre pays", "On est chez nous" ou encore "On est contre la France, car elle nous fait beaucoup de mal". »
Un retour à la réalité bienvenu qui déchire le rideau de la langue de bois diplomatique du « nouveau partenariat irréversible » annoncé par les deux présidents. Certes, il faut souhaiter pour la France que, sur tous les sujets sensibles, cette visite n'ait pas été vaine, mais force est de reconnaître, sagement, que nous n'en savons rien, comme le dit Pierre Vermeren, dans Le Figaro : « Les enjeux qui nous lient à l'Algérie sont capitaux (énergie, Sahel, Russie, céréales, Libye, migration, djihadisme, Tunisie, tensions avec Maroc et Espagne, etc.), mais on ne saura rien de ces conversations. »
Emmanuel Macron a-t-il obtenu une attitude plus ouverte d'Alger à l'égard de la France, et d'abord que cesse cette propagande antifrançaise qui explique aussi les insultes d'Oran ? On aimerait l'espérer. Car, sur le long terme, avec la crispation antifrançaise de cette jeunesse algérienne là-bas et franco-algérienne ici, on voit mal comment des gouvernements eux-mêmes fragilisés - ici comme là-bas - pourraient opérer des rapprochements vertueux que les peuples ne veulent pas.
En tout cas, du côté des concessions françaises, elles se précisent. Et, comme d'habitude, c'est la vanne migratoire qui a été réouverte ! Emmanuel Macron a annoncé, dès vendredi, « l’acceptation de 8.000 étudiants algériens de plus cette année en France, qui rejoindront un contingent annuel de 30.000 jeunes » et l'assouplissement des procédures pour « les familles de binationaux, les artistes, les sportifs, les entrepreneurs et politiques qui nourrissent la relation bilatérale » (Le Monde).
Et pour la jeunesse française, ce sera quoi ?
Avec ces images d'Oran où un Emmanuel Macron plus lui-même que jamais lance des mercis à une foule de jeunes Algériens qui l'insultent, la France et les Français - et pas seulement les jeunes périphériques désabusés du bar d'une sous-préfecture du Massif central - hésitent entre abattement et colère. Au début d'une présidence, on aurait ri de cette séquence digne d'un OSS 117. Mais désormais, on attend nerveusement la fin de ce sketch qui dure depuis cinq ans.