Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Coûts de l’énergie : le prix de la liberté ou de l’incompétence ? – par Jean-Frédéric Poisson

Gazprom suspend ses livraisons de gaz à la France pour factures non réglées

Nous y sommes : mardi 30 août dernier, le russe Gazprom a déclaré qu’il suspendrait complètement ses livraisons à la France pour « sommes financières dues[1] ». Comment en sommes-nous arrivés là ? En juin dernier, Emmanuel Macron nous assurait qu’il n’y aurait aucun risque de coupure d’électricité l’hiver prochain : « quand il y a des besoins, on s’approvisionne sur le marché européen[2] » expliquait-il. Le marché européen ne semblait pourtant pas en si bonne forme et certains prévoyaient déjà le pire.

Mais qu’importe : les Français étaient rassurés pour un temps… Un mois plus tard, notre président prenait la parole au cours de la fête nationale. Il annonçait un plan de sobriété énergétique et demandait aux Français de fournir des efforts sur leur consommation devant l’urgence de la situation. Au même moment, Ben van Beurden, patron du groupe pétrolier britannico-néerlandais Shell intervenait pour annoncer une nouvelle hausse des coûts énergétiques et un « hiver difficile »[3] pour l’Europe. Aujourd’hui, tout se confirme : le marché européen ne sera pas approvisionné correctement et le risque de coupures d’électricité pendant l’hiver est bien réel. Gouverner, c’est prévoir, et surtout prévoir le pire ! Emmanuel Macron n’avait rien anticipé ou bien il a préféré ignorer le risque.

L’habituel manque de clairvoyance du Président de la République

Certes, nous sommes accoutumés à ce manque de clairvoyance venant de notre chef de l’État : en mars 2020, lors d’une représentation de théâtre, Emmanuel Macron invitait ses concitoyens à ne pas changer « leurs habitudes de sortie » avant de les confiner brutalement. Il nous a ainsi montré son incapacité à anticiper l’avenir (ou sa capacité à abuser de la confiance des Français). De fait, le précédent quinquennat est gorgé de ces sorties contradictoires consistant à rassurer les populations peu de temps avant de confirmer leurs pires craintes. Il n’y a aucune raison pour que ce nouveau quinquennat change les règles du jeu.

Aujourd’hui, plus de la moitié du parc nucléaire français est désormais à l’arrêt. Conséquences de quoi, des mesures mortifiantes sont annoncées pour tous les Français afin d’économiser l’énergie et payer « le prix de la liberté[4] ». C’est avec leur argent et en modifiant leurs habitudes qu’ils satisferont les délires bellicistes de notre président contre la Russie avec qui nous entretenions pourtant, avant la guerre, de fortes relations de dépendance énergétique. Lorsque l’on est dans cette situation de dépendance, il semble nécessaire de ménager son partenaire commercial. Mais il semble qu’Emmanuel Macron n’ait pas, non plus, pensé aux répercussions au moment de jeter de l’huile sur le feu du conflit russo-ukrainien lorsqu’il a livré des armes et de l’argent au président Zelensky. D’aucuns pourraient penser à un conflit alimenté opportunément pour camoufler les erreurs des véritables responsables de cette crise énergétique aux premiers rangs desquels figure notre président fraîchement réélu, mais aussi les bureaucrates français et bruxellois qui imposent l’injuste tarif ARENH à EDF, privé de capitaux nécessaires pour investir depuis plus de dix ans.

Elisabeth Borne renie les promesses d’Emmanuel Macron

Pour faire face aux difficultés d’approvisionnement et aux probables restrictions à venir, le Premier ministre, Élisabeth Borne, a annoncé un plan de sobriété énergétique : ainsi a-t-elle déclaré, alors que nous imaginions que nous ne pourrions pas tomber plus bas, qu’il y aurait « certainement des hausses du prix du gaz et de l’électricité en janvier 2023 »… Elle a également réclamé une réduction de consommation aux entreprises françaises en mélangeant habilement le souci de l’approvisionnement en énergies à celui du dérèglement climatique (sujet bien différent pourtant et qui ne se poserait d’ailleurs pas en France si Emmanuel Macron avait investi à temps dans les réacteurs nucléaires qui génèrent de l’énergie verte). Dans la droite ligne de ce plan de sobriété énergétique et contrairement à ce que notre président annonçait en juin, Elisabeth Borne a annoncé que des coupures d’électricité étaient envisagées dans les foyers français par quartiers pendant moins de deux heures[5]. Cette décision, à rebours de tous les engagements du gouvernement, aurait dû provoquer l’ire de nos concitoyens. Mais dans le même temps, notre Premier ministre a tenu à « rassurer » les Français : les ménages ne seront pas concernés par d’éventuelles coupures de gaz…

Si cette promesse est de la même teneur que celle d’Emmanuel Macron assurant qu’il n’y aurait aucun risque de coupure d’électricité cet hiver ou qu’il ne recourrait ni à l’endettement ni à l’augmentation de la fiscalité pendant son nouveau quinquennat[6], nous sommes en droit d’être particulièrement inquiets pour l’avenir.

[1] « Gaz : le Russe Gazprom suspendra ‘complètement’ ses livraisons à Engie dès jeudi, du fait de ‘sommes financières dues’ pour des livraisons », Franceinfo, le 30/08/2022.

[2] « Emmanuel Macron: ‘Il n’y a aucun risque de coupure’ d’électricité l’hiver prochain », BFM TV, le 03/06/2022.

[3] « Le CEO de Shell déclare que l’Europe va être confrontée à un ‘hiver difficile’ », L’Echo, le 14/07/2022.

[4] « Quand Macron exhorte les Français à accepter de payer «le prix de la liberté» pour l’Ukraine », Le Figaro, le 23/08/2022.

[5] « Énergie : les ménages ne seront pas concernés par d’éventuelles coupures de gaz, assure Élisabeth Borne », Francebleu, le 30/08/2022.

[6] « Ni dette, ni impôts supplémentaires, vraiment ? », Atlantico, le 25/06/2022.

https://lecourrierdesstrateges.fr/2022/09/01/couts-de-lenergie-le-prix-de-la-liberte-ou-de-lincompetence-par-jean-frederic-poisson/

Les commentaires sont fermés.