Le 8 septembre, Marie-Hélène Bacqué et Yves Sintomer pouvaient intituler sereinement leur tribune libre publiée dans Le Monde: "Le Conseil national de la refondation, objet non identifié".
Le 15 septembre, en effet Emmanuel Macron annonçait à Marcoussis son programme relatif du déjà fameux, mais encore nébuleux, "Conseil national de la refondation". Mais les dés semblaient jetés, et la partie paraissait perdue avant même son coup d'envoi.
Quelques jours plus tôt, 7 septembre Mme Borne, qui dirige en théorie le gouvernement affirmait bravement sur son compte Twitter : "le rassemblement et l'envie d'avancer ce ne sont pas que des mots, c'est le cœur de notre majorité". Mais le même jour sur LCI François Bayrou, bombardé par Jupiter secrétaire général du CNR, posait lui-même des limites "personne n'a jamais dit que le CNR allait faire la loi. La loi c'est le parlement, l'Assemblée nationale et el Sénat qui continueront à la voter, et c'est le gouvernement qui la proposera". Autrement dit, cheville ouvrière supposée du projet "refondateur", il s'apprête s'opposer à tout détournement des procédures constitutionnelles par un exécutif minoritaire. Cessons de parler de "majorité"... là où il n'en existe pas.
Dès le 29 août Gérard Larcher président du Sénat dont le pouvoir de blocage demeure considérable sur le terrain des évolutions institutionnelles avait tout simplement déclaré ne pas envisager de participer à la fête de la refondation. Bigre.
Avant les législatives on présentait cette affaire comme un outil de "renouveau démocratique". Désormais, dans le lieu où se retrouve plus habituellement l'équipe nationale de rugby, le vainqueur [au bonneteau] de la présidentielle, vaincu quelques semaines plus tard aux législatives, nous parle de "réformer la France", alors qu'il se montre incapable de se réformer lui-même.
L'arrière fond de cette situation ressortait assez clairement en effet des propos du plus pitoyable des ralliés et autres macaronistes de fraiche date : Éric Woerth. L'ancien ministre sarkozyste, ce 20 septembre sur Europe N°1, au micro de l'intelligente et indocile Sonia Mabrouk, s'enferrait dans sa révélatrice et pathétique rhétorique. Plus gouvernemental que le président lui-même il plaidait pour l'urgence de réformes dont le pouvoir se révèle, en fait, légalement et techniquement incapable.
Légiférer à nouveau sur les retraites dites "par répartition" lui semble nécessaire "tous les 10 ans", dit-il, afin de sauvegarder périodiquement notre si magnifique système de sécurité sociale. L'ancien grand maître de Bercy ignore superbement, en effet, ce qui n'a cessé de s'aggraver depuis l'inepte et technocratique plan Juppé de 1995. Cette dérive s'est développée au détriment des classes moyennes, des petites entreprises, des agriculteurs et autres travailleurs indépendants, mais aussi des salariés et des cadres. Ainsi, la France du travail s'est trouvée ruinée par ce qu'on appelle désormais "la gauche des allocs", mais également elle se voit bafouée par les privilèges cyniques de la haute fonction publique qui peuple le fameux "Conseil d'orientation des retraites".
Or, le gouvernement Macron-Borne que soutient Woerth, sous prétexte de sauver notre sublime solidarité sociale et nationale, s'apprête à passer en force. Peut-être même osera-t-il user de l'article 49-3 autour de la loi de financement de la sécurité sociale.
Rappelons aux tenants du pouvoir actuel qu'à l'origine la sécurité sociale devait associer les représentants des cotisants à la gestion des caisses. Or, tous les syndicats s'opposent aux décisions que Bercy, Matignon et l'Elysée prétendent aujourd'hui leur imposer.
La refondation macronienne se révèle ainsi comme un enfumage et son imposture ne se limite pas aux réformes sociales.
La seule refondation possible consisterait à repenser la relation de l'administration et de l'État central parisien à la réalité des professions et des régions. Nous en sommes loin.
JG Malliarakis