1/ Le retour de De Gaulle
En 1958, le Parlement rechigne ... il s'accroche. De Gaulle, lui, multiplie les déclarations, faisant appel (sans rire) à la « discipline de l'armée », assurant qu'il a « entamé le processus » pour revenir aux affaires.
Ne voyant rien venir il déclare à l'envoyé spécial du général Salan, le général Dulac, venu l'informer d'une possible opération aéroportée sur Paris : « Vous direz au général Salan que ce qu'il fait et ce qu'il fera c'est pour le bien de la France. »
Grâce à Alger, grâce à l'armée, grâce aux pieds-noirs, grâce au peuple de France le général De Gaulle revient au pouvoir et déclare aux Français d'Algérie, toutes religions confondues, qui l'acclament : « Je vous ai compris ... Il n'y a plus, ici, en Algérie que dix millions de Français à part entière ... » .
Dès cette minute, le drame commence, alors que tout peut être gagné en peu de temps. Aux frontières les «armées» rebelles se replient en catastrophe, croyant déjà voir l'armée française exercer le droit de suite ...
Dans toute l'Algérie les deux communautés, enfin, croient à la paix, à la réconciliation nationale. Il suffirait de quelques mots ... « L'homme de Londres » ne les prononcera jamais !
Le général Salan est renvoyé en France, De Gaulle crée pour lui le poste d'inspecteur général de la Défense nationale. Wybot, le fondateur de la D.S.T., l'homme qui connaît le mieux le « dossier Algérie » est renvoyé comme un domestique. Dans les officines de propagande gaullienne et dans les organes d'information aux ordres, la fraternisation des journées de mai est niée ... et présentée comme une manipulation des services de guerre psychologiques français. On la donne comme sans lendemain. Ce qui est totalement faux. Les témoins ont su que c'était la plus grande victoire pacifique de toute la guerre d'Algérie. Si De Gaulle avait dit: « C'est fini, tout est fini, la guerre est terminée ! Femmes d'Algérie allez dans les derniers maquis chercher vos maris, vos fiancés, vos frères, et ramenez-les parmi nous, je leur offre le pardon ... », eh bien, ou i! la guerre se terminait, faute de combattants chez les rebelles.
Car les états-majors extérieurs étaient seuls. Les meurtres les plus sordides, l'épuration la plus folle et la plus sanguinaire décimaient les wilaya. Plusieurs milliers de combattants avaient été victimes de purges sanglantes dues en partie à l'incompétence totale des états-majors extérieurs de la rébellion et surtout aux services secrets français qui avaient entièrement infiltrés les réseaux FLN, manipulaient des agents au plus haut niveau de la rébellion, semaient ainsi le doute et la suspicion !
«Tous des cons »
Mais De Gaulle sait ce qu'il veut. Il s'entoure ou «on» le fait entourer uniquement d'hommes qui ne croient pas à l'Algérie française.
Au nom d'erreurs commises hier et imputables autant aux gouvernements de la République qu'aux pieds-noirs, il refuse de voir la réalité d'aujourd'hui. Il trompe tout le monde, et Alain Peyrefitte a pu écrire : « Il y avait autant de De Gaulle que de catégories d'interlocuteurs. Les personnalités dont les idées étaient les plus opposées aux siennes sortaient de son bureau convaincues qu'il était d'accord avec elles. »
Le vrai personnage pourtant apparaît à ceux qui sont peu ou prou dans la confidence. C'est le cas de Pierre Viansson-Ponté qui rapporte cette déclaration que lui fait De Gaulle après son arrivée au pouvoir, dans l'avion qui va de Constantine en Corse :
« Les généraux, au fond, me détestent. Je le leur rends bien. Tous des cons ! Vous les avez vus en rang d'oignons sur l'aéroport de Telergma ? Des crétins, uniquement préoccupés de leur avancement, de leurs décorations, de leur confort, qui n'ont rien compris et ne comprendront jamais rien. Ce Salan, un drogué ; je le balancerai aussitôt après les élections. Ce Jouhaud, un gros ahuri. Et Massu ? un brave type, Massu, qui n'a pas inventé l'eau chaude. »
Alors commence la valse des officiers favorables à l'Algérie française et qui se donnent corps et âme à leur mission. Mieux encore, et crime inexcusable (ce qui en d'autres temps aurait pu envoyer son instigateur devant la Haute Cour pour s'en expliquer... ), toutes les divisions permutent sur le terrain : celle de Kabylie va dans le Constantinois, celle du Constantinois vers Alger, etc. Pourquoi ? Dans une telle guerre, la connaissance du terrain est un atout primordial, un avantage stratégique énorme, face à une rébellion qui se cache, qui se terre et qui mène une guerre subversive. Des mois et des années d'expérience, de sorties de jour et de nuit sont perdus par les unités. Comment qualifier cette action ?
L'explication de ce chamboulement n'a jamais été officiellement donnée, pour la bonne raison qu'il ne correspondait à rien militairement ; mais il avait un but politique évident. On peut ainsi prouver que, dès cette époque, Charles De Gaulle voulait, sinon abandonner l'Algérie, tout au i moins en changer le statut de département français. Les déménagements, de plusieurs centaines de kilomètres, d'unités aguerries n'avaient qu'un but politique : briser les liens qui s'étaient noués entre les populations musulmanes et l'armée. Ne plus laisser dans toutes ces régions des officiers qui pouvaient témoigner que la fraternisation n'était pas truquée et que la presse de gauche mentait quand elle disait que les musulmans avaient été mis de force dans les camions pour aller crier « Vive l'Algérie française » ; qu'elle mentait encore, quand plus tard, elle accusera aussi l'armée d'avoir truqué les élections !
Malgré tous ces déménagements, ces déplacements, la population musulmane restera fidèle dans sa majorité, jusqu'à la trahison finale ...
Défaite militaire du FLN
L'année 1959 voit s'accentuer, malgré tout, et à la grande surprise de De Gaulle, la défaite militaire du FLN. Seuls ses appuis diplomatiques extérieurs sont solides. Mais notre personnel diplomatique se gardera bien de faire son devoir vis-à-vis de nos vrais amis traditionnels à travers le monde. Ceux-ci souvent n'oseront pas, surtout dans les instances internationales, se montrer dans l'affaire algérienne plus royalistes que le roi ...
C'est à Monrovia, au Liberia, pays sous l'emprise totale des Etats-Unis, que le drapeau du FLN flottera pour la première fois en Afrique, lors d'une réunion internationale le 4 août 1959. C'est au cours de cette réunion que fut dénoncée la « guerre d'extermination menée par l'armée française en Algérie ».
Toute la propagande écrite de cette conférence puisait sa source dans la presse parisienne ...
L'année 1959 vit naître l'OCRS. (l'Organisation commune des régions sahariennes) car là, au moins, nous sommes encore chez nous.
Dès 1936, le géologue français Konrad Killian (véritable « fou du désert » qu'il parcourait sur une chamelle blanche accompagné d'un écuyer targui portant son fanion personnel) fait part de ses certitudes au gouvernement français : « Le Sahara est un immense réservoir à pétrole.» En 1942-1943, alors que le général Leclerc vient, avec ses troupes du Tchad, d'occuper le Fezzan pour le compte de la France, Killian lui dit : « Vous êtes ici, mon général, sur un réservoir d'hydrocarbures aussi vaste que celui d'Irak et d'Iran réunis. »
Mais Killian, comme par hasard, mourut de façon bizarre en 1950. Ses intimes pensent qu'il fut assassiné. Il est certain que beaucoup de ses travaux furent volés par des agents de puissances étrangères et Killian lui-même, de son vivant, était certain que des hommes politiques français avaient à plusieurs reprises remis les résultats de ses missions sahariennes à des agents des puissances étrangères ... et «amies».
En 1951, sans que Paris n'élève la moindre protestation, nos « amis anglo-américains » nous expulsent du Fezzan, mettant ainsi à exécution un plan établi contre nous dès 1949, alors que les populations nous sont favorables, les Fezzanais n'ayant aucune envie d'être rattachés à la Cyrénaïque.
Grâce à l'entêtement de Français, eux aussi « fous du désert », le gaz jaillit en 1954, à Berga, le pétrole en 1956, à Hassi-Messaoud et à Edjeleh ! Le 4 mars 1957; Pierre Guillaumat déclare : « D'ici quatre ans (soit en 1961) la production saharienne doit rattraper la consommation française. »
Mais, alors que les «chalutiers» soviétiques bourrés d'antennes aident et renseignent les rebelles, les Etats-Unis non seulement soutiennent le FLN mais, jouant le double jeu avec les énormes pressions de ses pétroliers, réussissent à ce que ces derniers s'infiltrent au Sahara sous couvert de sociétés nouvelles à capitaux« indéterminés et flottants » ; et ce, grâce aux «magouilles» de certains dirigeants français.
Roger Holeindre National Hebdo du 3 au 9 février 2000