Guérilla urbaine
Ce n’est pas la première fois que la ville d’Alençon est la proie d'émeutes urbaines. Déjà, à l’automne 2021, des délinquants du quartier de Perseigne, au sud de la commune, avaient mis le feu à treize véhicules et visé les forces de l’ordre avec des jets de pierres. Onze mois plus tard, l’histoire se répète malgré les efforts fournis par la municipalité pour aider ce quartier classé « prioritaire ». Aux alentours de 23 heures, ce 27 septembre, à la suite de l’interpellation de trafiquants, « une trentaine d’individus mènent une action coordonnée de violences urbaines, avec la volonté manifeste d’attirer les forces de l’ordre dans un guet-apens », détaille la préfecture de l’Orne. Voitures brûlées, tirs de mortiers contre les policiers et les pompiers, mobilier urbain détruit : l’UNSA Police décrit « une véritable scène de guérilla urbaine », dans son communiqué. Pourtant, loin d’être un territoire abandonné de la République, Perseigne a profité de plusieurs rénovations et aménagements au cours de la dernière décennie. Sans grand succès. « Ce quartier est devenu une citadelle de la drogue. Les violences se déclenchent car les opérations de police viennent déranger le trafic », explique Pierre-Marie Sève, le président de l’Institut pour la justice (IPJ), qui a publié plusieurs études sur la montée de la délinquance en France. Selon lui, la désindustrialisation d’Alençon est la principale cause de cette flambée de violence. Le développement de l’usine Moulinex à proximité de la commune avait attiré une importante main-d’œuvre immigrée. Mais avec la fermeture du complexe industriel au début des années 2000 et un taux de chômage de 21 %, « les descendants de ces immigrés vivent désormais du trafic de drogue », résume le juriste.
Immigration, drogue et insécurité
Sur la carte de l’insécurité en France, Alençon ne fait pas exception. « Plus aucune zone n’est épargnée », remarque Pierre-Marie Sève. Depuis une décennie, de plus en plus de petites villes et villes moyennes sont gangrenées par une insécurité galopante. Blois, Mulhouse, Oyonnax… la liste des communes concernées par les violences urbaines ne cesse de s’allonger. Début septembre, à Roanne, sous-préfecture de la Loire de 34.000 habitants, une bande s’en est prise violemment aux secours et aux forces de l’ordre avant d’incendier quatre véhicules. Un mois plus tôt, Compiègne, 40.000 habitants, est devenue le théâtre d’affrontements entre les jeunes et les forces de l’ordre. Évreux, 49.000 habitants, dans l’Eure, est également le terrain de nombreuses violences urbaines. Pour le président de l’IPJ, « rationnellement, on est obligé de faire un lien entre immigration et délinquance ». À Perseigne, par exemple, 22,6 % de la population est d’origine étrangère et plus d’un quart est immigrée. Et le juriste de poursuivre : « Emmanuel Macron, avec son projet de répartir les migrants dans les campagnes, va faire augmenter l’insécurité dans les petites villes et les zones rurales. »
Face à cette insécurité, très souvent liée au narcobanditisme qui irrigue l’ensemble des réseaux criminels, les moyens mis en œuvre ne suffisent plus. D’autres politiques de lutte contre cette délinquance qui verrouille de plus en plus de quartiers doivent être menées. Comme l’écrit Michel Aubouin, ancien préfet, dans son livre 40 ans dans les cités (Édition Presses de la cité, 2019), bientôt, « la France pourra trembler, car il ne s'agira plus d'opérations de maintien de l'ordre classiques mais d'opérations de guerre exigeant des moyens dont nous ne sommes pas sûrs de disposer ». Nos petites villes bourgeoises ont bien changé...
Clémence de Longraye