“Une motion de censure est l’expression solennelle d’une défiance républicaine et démocratique face à un pouvoir défaillant et parce que seul l’intérêt national guide ses paroles et ses actes, le groupe que j’ai l’honneur de présider votera également la motion de censure présentée en des termes acceptables de l’autre côté de l’hémicycle. (…)
Le président de la République prend le risque de conduire le pays au blocage. Quand il aura épuisé son droit de tirage du 49.3, il exposera le pays à une crise politique et même, disons-le, vers une crise de régime. (…) Pour que personne se méprenne, au RN nous ne craignons pas les menaces de dissolution (…). Nos places ne nous importent pas lorsque le sort du pays est en jeu”.
Tels sont les termes utilisés par la présidente du Rassemblement National, créant un effet de surprise – puisque l’on s’attendait à ce que le parti présente sa propre motion. On appréciera le regard surpris d’Elisabeth Borne et Franck Riester, lorsque Madame Le Pen dit son imatience de voir arriver l’alternance:
Emmanuel Macron est pour la première fois mis sur la défensive par Marine Le Pen
Bruno Le Maire, lui, ayant un peu plus de bouteille politique continue à regarder son smartphone. Il n’empêche: la présidente du Rassemblement National continue à manoeuvrer habilement.
- on comprend mieux – que l’on approuve ou non – qu’elle ne se soit pas lancée à fond dans la polémique sur la “récupération” du meurtre de Lola. Elle préparait un coup à l’Assemblée.
- la motion de censure n’est pas passée – il fallait 289 voix, donc elle était impossible à faire gagner sans les voix de LR. Cependant Madame Le Pen amène Les Républicains à se dévoiler: ils sont au fond désireux de soutenir Macron. Et elle prend l’ascendant sur l’opposition de gauche. Alors que NUPES apparaît comme un ramassis de trublions idéologiquement agités et économiquement irresponsables, Madame Le Pen apparaîtra au patronat comme un moindre mal, au cas où Emmanuel Macron devait dissoudre.
- En envisageant à haute voix l’hypothèse de la dissolution, en faisant passer le message que les 89 élus du Rassemblement National sont prêts à remettre leur siège en jeu, Madame Le Pen commence à insinuer dans l’esprit des français, qu’elle est désormais prête à assumer la conduite des affaires du pays.
La politique est faite souvent de petits calculs mais il arrive qu’on assiste à des manoeuvres de grande envergure. La présidente du Rassemblement National vient, en quelques heures, de crédibiliser l’idée qu’il existe un élément d’alternative à l’actuel président de la République. C’est la première fois depuis 2017 que Madame Le Pen met Emmanuel Macron sérieusement sur la défensive.