Tout allait donc pour le mieux dans le meilleur des mondes gauchistes.
À tel point que Nicola Fratoianni, Secrétaire général du parti de la Gauche italienne, décide de le présenter aux élections législatives pour l’Alliance de la gauche et des Verts. Aboubakar Soumahoro est élu et pose fièrement devant le Palais Montecitorio, le Parlement italien, les bottes boueuses pleines de la terre de ces ouvriers agricoles, souvent migrants, exploités et menacés par ce nouveau gouvernement fasciste. Le camp du bien contre le camp du mal, tous les critères d’une parfaite – et fallacieuse – narration médiatique sont réunis.
On a d’ailleurs dit de lui, en France, qu’il était le premier député noir : c’est faux. Cécile Kyenge, d’origine congolaise, a été députée en 2013 avant d’être ministre puis députée européenne. Signalons, par ailleurs, un autre parlementaire d’origine africaine, sénateur pour sa part et dont la presse parlait si peu ou en mal, lors de la précédente législature. Et pour cause ! Toni Iwobi avait en effet milité pendant des années à la Ligue aux côtés de Matteo Salvini, contre l’immigration clandestine.
Mais revenons à Soumahoro : dès son élection et fidèle à sa réputation de militant de la cause immigrée, il est allé rendre visite aux migrants sur les bateaux des ONG lorsque le tout nouveau gouvernement italien rechignait à ouvrir grand ses ports, ses ressources et ses bras alors que le pays traverse une grave crise. Notre Soumahoro jouait à la perfection un rôle de premier plan dans le petit théâtre antifasciste.
Et puis, patatrac, comme disent les italiens ! L’inconcevable, l’indicible, l’innommable est arrivé. Le 24 novembre dernier, le procureur de Latina a ouvert une enquête sur les coopératives Karibu et Consorzio Aid destinées à aider, héberger et intégrer des travailleurs immigrés en Italie. Ces coopératives sont financées sur des fonds publics, à tel point que la presse italienne de droite a pu plusieurs fois parler du « business de l’accueil ». Or, ces coopératives sont dirigées par la belle-mère d’Aboubakar Soumahoro, sa propre femme y travaille. En 17 ans, les deux coopératives ont perçu... 62 millions d’euros de fonds publics.
Or, un mois après son élection, c’est un bâton de dynamite qui explose à la figure de Soumahoro et, par extension, à celle de toute la gauche immigrationniste italienne : gestion frauduleuse des fonds publics, fraude fiscale, retard dans le paiement des salaires aux immigrés employés dans les coopératives (jusqu’à 22 mois de retard) mais, surtout, conditions de vie déplorables, quasi insalubres, offertes aux migrants. La posture morale du tout jeune député s’effrite dangereusement. Une trentaine de salariés ont porté à la connaissance du public leurs conditions de travail : « Les pensionnaires, en effet, "demandaient des couvertures : les radiateurs ne fonctionnaient pas bien et la chaudière était souvent en panne, avec pour résultat qu’il n’y avait pas toujours de l’eau chaude". En plus de souffrir du froid, les jeunes souffraient parfois de la faim. [...] Parfois, les hôtes du centre étaient obligés de rester dans l’obscurité. Ce que certains enfants avaient déjà dénoncé est également confirmé par la cuisinière : "Ils ne payaient pas les factures, ils disaient qu’ils n’avaient pas d’argent et, pendant dix jours, nous sommes restés sans électricité" », rapporte Il Giornale, citant certains de ces salariés.
Don Andrea Pupilla, directeur de la Caritas de San Severo, avait écrit à Nicola Fratoianni pour l’alerter de cette situation quand ce dernier avait décidé de présenter Soumahoro aux législatives. Mais le patron du parti de la Gauche avait balayé l’information d’un revers de main. Aujourd’hui, alors que les nuages continuent de s’accumuler sur la tête de la belle-famille de Soumahoro (enquêtes sur de nouveaux délits), celui-ci se défend d’avoir été au courant des malversations de sa belle-mère et de sa femme. Mais il s’est lui-même provisoirement retiré (« auto-suspendu ») du Parlement après une maladroite émission de télévision chez un journaliste pourtant complaisant, après une vidéo où, en larmes, il essaie d’expliquer que la vraie victime, c’est lui. Ses amis de gauche le lâchent et Nicolas Fratoianni jure ses grands dieux qu’il ne savait rien.
Corruption, postures morales, grandiloquence et gros sous, la gauche immigrationniste a bel et bien été prise la main dans le pot de confiture.
Marie d'Armagnac