On pourrait, mais on ne devrait peut-être pas. La position officielle de la France, plutôt équilibrée et intelligente, convient que les conditions ne sont pas réunies pour que l'Ukraine rejoigne l'OTAN. C'est heureux, car l'adhésion de l'Ukraine obligerait immédiatement, de facto, les pays membres de l'Alliance atlantique à lui porter secours, en vertu de l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord. En revanche, dans un nouvel « en même temps » époustouflant de souplesse, le fait de fournir officiellement des blindés à un État souverain, qui se défend contre un autre État souverain, marque une nouvelle étape dans la dégradation des relations franco-russes. La France, après avoir fourni des canons d'artillerie, livre désormais des chars qui, quoique « légers », renforcent sa position de « cobelligérant », telle que définie par la Russie. Elle prend sa place aux côtés des autres membres de l'OTAN qui lui reprochent, dit la presse, son faible investissement financier dans la cause ukrainienne.
Nous n'avons pas de pétrole, notre électricité coûte un bras et nos boulangeries, nos restaurants ferment les uns après les autres à cause de l'augmentation du prix de l'énergie. Le litre d'essence flirte avec les 2 euros, la pauvreté s'installe... mais, heureusement, on apprend donc de manière fortuite que la France a des chars en rabe. C'est bien. L'histoire ne dit pas si ce matériel va être retiré à des unités combattantes ou s'il avait déjà été sorti des stocks de l'armée française.
À l'exception d'une menace contre les intérêts de la France, il n'y a théoriquement, dans une guerre, ni « gentil » ni « méchant ». La géopolitique selon Gulli n'a jamais produit de bons résultats : Belgrade en Serbie, Bagdad en Irak, Kaboul en Afghanistan, Pristina au Kosovo et maintenant Kiev sont là pour témoigner. Tous les conflits du « bien contre le mal », ces trente dernières années, se sont terminés en eau de boudin, avec des centaines de milliers de morts, des États faillis, des armes en libre circulation, des déplacements de population, des mensonges énormes (Colin Powell à l'ONU), des villes ravagées, des régimes politiques totalement mafieux... Peut-être aurait-on pu réfléchir à deux fois avant de s'embarquer résolument aux côtés du régime de Zelensky, donc des États-Unis. Il est un peu tard, maintenant, et il ne reste plus à nos « chars légers » qu'à quitter la France au crépuscule, pour paraphraser Jean Raspail, en passant par la porte de l'Ouest qui n'est plus gardée. Et advienne que pourra.
Arnaud Florac
https://www.bvoltaire.fr/point-de-vue-ukraine-on-na-pas-de-petrole-mais-on-a-des-chars-en-rab/