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200 000 mariages forcés en France : « Mon père m’a dit que si je protestais ou que je parlais il me tuerait »

Comme beaucoup de femmes mariées de force, Nour est restée de nombreuses années sous les radars des organismes de protection d’État. Alors qu’on estime à 200 000, le nombre de Françaises victimes de mariage forcé, seuls 14 à 15 dossiers sont instruits chaque année. Elle raconte son histoire au JDD.

Nour [Le prénom a été changé] vient d’avoir 18 ans quand ses parents lui annoncent qu’elle va devoir épouser son cousin, âgé de dix ans de plus qu’elle. La jeune femme, née en France de parents d’origine marocaine, passe alors ses vacances dans leur village natal. Nour a déjà entendu parler des mariages forcés. Sa propre mère en a été victime. Mais elle est à des lieux d’imaginer que ce qu’elle qualifie de « pratique de barbare » lui serait un jour imposée. Alors quand sa cousine vient l’informer que son cousin a demandé sa main à son père, sa première réaction est d’exploser de rire. « Pour moi c’était une blague. C’est mon cousin vraiment proche. Le fils de la soeur de ma mère. Et avant ça, c’était comme mon frère. »

Mais très vite, la jeune fille comprend que la situation n’a rien d’une plaisanterie. « Le lendemain de cette discussion, mes parents m’ont emmenée chez une médecin pour qu’elle me fasse un certificat de virginité. Je suis ensuite allée voir un imamse souvient-elle difficilement. Enfin, je crois que c’était un imam. J’en déduis ça à ses vêtements mais je n’en suis pas complètement certaine. Tout le monde parlait en arabe. » Une langue que la jeune fille ni ne comprend ni ne parle et dit depuis ce traumatisme ne plus vouloir apprendre.

 « Le jour suivant mon père m’a emmenée dans un autre endroit. Je ne saurais même pas dire si c’était un tribunal ou une mairie. Mon frère était là aussi. C’est là que j’ai compris que c’était sérieux. Je leur ai supplié de ne pas m’imposer ça. Mon père m’a menacée en me disant “si tu parles ou que tu protestes je te tue”. Le connaissant, je savais que les menaces étaient sérieuses. Depuis que je suis toute petite il est violent avec moi. Au moindre faux pas, je recevais des coups. Il me frappait parfois avec une ceinture et m’administrait des décharges électriques. Il était tellement violent que je me suis parfois demandée si j’étais vraiment sa fille. »

Ne disposant d’aucun soutien de la part des membres de sa famille, Nour décide de se laisser faire, espérant que dès qu’elle quitterait le sol marocain, cette histoire de mariage ne serait qu’un mauvais souvenir.

De retour en France, la jeune adolescente essaye de reprendre le cours de sa vie normale. Elle retourne au lycée sans parler à personne de ce qui lui est arrivé. Même pas à sa meilleure amie. « J’avais tellement honte. Dire que j’avais été mariée de force, en plus à mon cousin… C’était impossible. » Elle parvient à conserver les apparences : « Personne à l’école n’a deviné ce qu’il se passait. »

J’avais tellement honte. Dire que j’avais été mariée de force, en plus à mon cousin… C’était impossible

Mais la fin du cauchemar est de courte durée. Un soir alors qu’elle rentre chez elle, Nour trouve la maison anormalement bien rangée. L’odeur du plat de fête que sa mère prépare dans la cuisine parfume toutes les pièces. Celle-ci lui demande, sans lui donner aucune explication, « d’aller se faire jolie ». Dépassant son mauvais pressentiment, elle s’exécute avant de monter dans la voiture de son frère vers une destination qu’elle ne connaît pas. « Je me suis rendue compte au cours du trajet qu’on se dirigeait vers Orly. C’est là-bas que j’ai vu mon cousin débarquer. C’était horrible. Je me suis sentie tellement nulle. »

Malgré la présence de son mari dans la maison familiale, Nour tente de vivre sa vie d’adolescente. Profitant un soir de l’absence de ses parents, repartis au Maroc pour aller voir sa grand-mère malade, elle décide de sortir avec ses amies pour fêter la fin de ses examens. « Je voulais juste aller danser. C’est la première fois que je sortais. Je suis allée chez ma meilleure amie pour me préparer et j’ai demandé à ma soeur de me couvrir en prétextant que je gardais ses enfants. J’ai fait la fête jusqu’au matin. Quand je suis rentrée chez moi, je suis tombée sur mon cousin. Il était furieux. Il m’a demandé des comptes et a commencé à me frapper en me disant que je ne lui avais pas demandé son autorisation. C’est là qu’il m’a violé pour la première fois. »  « Ce jour là j’ai cru que je n’allais pas survivre, se souvient-elle. Je suis tombé dans les pommes et je ne me souviens plus de ce qu’il s’est passé ensuite ».

À son réveil, une étrange odeur d’eau de Javel embaume sa chambre. La jeune femme met quelques instants à réaliser que l’odeur provient de sa peau qui a été frottée au produit ménager alors qu’elle était inconsciente. […]

Dix ans plus tard, la jeune femme âgée désormais de 36 ans, a repris « un tout petit contact » avec sa mère. Malgré les traumatismes, elle s’est remariée avec « un homme bien ». « Ça a pris des années mais il n’a pas lâché l’affaire. Il a réussi à me mettre en confiance. Mais encore aujourd’hui, c’est difficile. Parfois je me dis que je ne suis pas faite pour être avec un homme. Que j’ai trop de blessures. » […]

Le JDD

https://www.fdesouche.com/2023/01/28/200-000-mariages-forces-en-france-mon-pere-ma-dit-que-si-je-protestais-ou-que-je-parlais-il-me-tuerait/

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