Je crois que le plus insupportable chez nos politiciens qui in fine nous vendent les bonnes œuvres de l’OTAN c’est le caractère répétitif et un tantinet stupide du scénario du mal qui est fabriqué à cette occasion. Il y a eu avant le méchant Poutine affligé de toutes les maladies possibles, – Staline et le tsar confondus – les bébés en couveuse de Saddam Hussein, mais il y a eu aussi et toujours avec les mêmes glorieux résultats le « terrorisme du Viet Minh » et la nécessité de protéger les Vietnamiens contre des attentats fomentés en fait par la CIA pour justifier l’intervention. Il suffit de suivre la manière dont les dirigeants américains, les démocrates en particulier, ont menti au peuple américain et au reste du monde pour justifier leur entrée en guerre au Vietnam pour s’y croire, l’analogie avec l’Irak et maintenant l’Ukraine est frappante. Vous aviez oublié, vous l’ignoriez ? On doit reconnaitre qu’en France, la gauche et le PCF et l’Humanité ont beaucoup fait pour promouvoir l’idée que les démocrates américains étaient de gauche et que l’on pouvait attendre de leur part de la bonne foi en matière de paix et ils ne relâchent pas leurs efforts. Une aussi noble tâche était certes difficile à plus d’un titre : non seulement les prétextes d’intervention des Etats-Unis depuis la deuxième guerre mondiale se sont avérés des bidonnages, l’intervention elle-même totalement destructrice de ceux qu’elle prétendait libérer, mais en général la première puissance du monde a pris une raclée maison. Il n’y a pas d’exception à ce triple fiasco. Cela ne fait rien on continue vaillamment en faisant de Poutine la seule cause de ce qui se passe en Ukraine, ce qui fait de nous les thuriféraires habituels de l’OTAN et des USA et les soutiens de ce gredin sénile qu’est Biden, on exclut la Chine communiste des pourparlers et on baptise cette pitrerie proposition de paix du PCF.
Danielle Bleitrach
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Le prétexte terroriste oublié de la guerre du Vietnam
par James Bovard
Après les attentats du 9/11, le terrorisme est devenu le programme de référence pour l’élite politique américaine. Qu’il s’agisse d’espionner illégalement des Américains ou de réduire en miettes des dissidents somaliens, il suffisait désormais d’invoquer le terrorisme pour justifier toute attaque préconisée par les décideurs politiques de Washington. Pourtant les résultats désastreux de l’octroi d’un chèque en blanc aux politiciens auraient dû être indéniables bien avant, il y a près de 60 ans.
Dans les années 1960, le terrorisme était ce que les communistes faisaient. La ferveur morale antiterroriste et les œillères idéologiques ont alors propulsé les États-Unis vers leur plus grande erreur de politique étrangère depuis la Seconde Guerre mondiale.
Alors que la Légion étrangère française luttait pour reconquérir le Vietnam au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement américain a constamment embelli le scénario de ce qui se passait dans ce pays dans le seul but de diaboliser l’opposition communiste. Un agent de la CIA a fourni des matériaux pour l’explosion d’une bombe qui a déchiré une place principale de Saigon en 1952. Un photographe du magazine Life attendait sur les lieux, et son cliché est paru avec une légende blâmant le carnage attribué aux communistes Viet Minh. Le New York Times a titré son reportage : « Les bombes à retardement des Reds déchirent le centre de Saigon ». L’attentat a été présenté comme « l’un des incidents les plus spectaculaires et les plus destructeurs de la longue histoire du terrorisme révolutionnaire » commis par « des agents ici du Vietminh ». La couverture médiatique a déterminé le soutien du public à l’aide du gouvernement américain à l’armée française combattant les communistes. Un seigneur de guerre vietnamien nommé le général Trinh Minh Thé, un collaborateur de la CIA, a revendiqué la bombe, mais les médias américains ont volontairement ignoré sa déclaration.
À la suite de la défaite française en 1954, les conseillers militaires américains ont afflué au Vietnam. En 1961, le président John F. Kennedy a déclaré : « Maintenant, nous avons un problème pour rendre notre pouvoir crédible, et le Vietnam est l’endroit idéal ». L’administration Kennedy a cherché la crédibilité en trompant totalement le peuple américain et le Congrès sur sa politique vietnamienne. JFK a violé les limites du nombre de conseillers militaires américains qui avaient été établis dans le traité de paix de Genève de 1954 entre les Français et les communistes vietnamiens. Il a également trompé le public américain en qualifiant à tort le contingent américain de plus en plus pléthorique au Sud-Vietnam de « conseillers » à un moment où ils étaient activement engagés dans les combats.
Le gouvernement américain considérait le gouvernement sud-vietnamien dirigé par Ngo Dinh Diem comme corrompu, oppressif et inepte. Les Pentagon Papers ont décrit une débâcle du 8 mai 1963 dans la ville de Hué, au Sud-Vietnam : « Les troupes gouvernementales tirent sur une manifestation de protestation bouddhiste, tuant neuf personnes et en blessant quatorze. L’incident déclenche une protestation bouddhiste nationale et une crise de confiance populaire pour le régime Diem. [Le gouvernement du Sud-Vietnam] maintient que l’incident était un acte de terrorisme [Viet Cong]. »
Le gouvernement Diem était outré que les bouddhistes exigent l’égalité juridique avec les catholiques et le droit de hisser le drapeau bouddhiste. En août 1963, les forces spéciales sud-vietnamiennes « ont mené des raids nocturnes contre les pagodes bouddhistes dans tout le pays. Plus de 1400 personnes, principalement des moines, ont été arrêtées et beaucoup d’entre elles ont été battues », selon les Pentagon Papers. La CIA finançait ces forces spéciales, qui étaient censées être utilisées pour des opérations secrètes contre le Viet Cong ou le Nord-Vietnam, et non pour la répression religieuse. La terreur utilisée contre les bouddhistes par Diem a incité les États-Unis à soutenir un coup d’État qui a conduit à l’assassinat de Diem leur protégé quelques mois plus tard.
L’administration Johnson a exploité l’étiquette terroriste pour influencer les Américains afin qu’ils soutiennent la politique des États-Unis dans son implication croissante au Vietnam. Dans un message spécial au Congrès le 18 mai 1964 demandant des fonds supplémentaires pour le Vietnam, LBJ [Lyndon Baines Johnson] a déclaré : « Les guérilleros Viet Cong, sous les ordres de leurs maîtres communistes dans le Nord, ont intensifié les actions terroristes contre le peuple pacifique du Sud-Vietnam. Cette recrudescence du terrorisme exige une réponse accrue ». Johnson a méprisé une proposition du président français Charles de Gaulle plaidant pour une conférence à Genève sur l’escalade du conflit au Vietnam parce que LBJ a déclaré que la conférence « ratifierait le terrorisme ». Lors d’une conférence de presse le 23 juin 1964, LBJ a déclaré que « notre but est la paix. Notre peuple au Sud Viet-Nam aide à protéger les gens contre le terrorisme. »
Les décideurs américains étaient avides d’un prétexte pour déclencher des bombardements. Le 15 mai 1964, l’ambassadeur américain Henry Cabot Lodge a recommandé de planifier une intervention de l’armée de l’air sud-vietnamienne pour frapper « une cible spécifique au Nord-Vietnam », le tout soigneusement prévu pour apparaître comme la réponse à un « acte terroriste d’ampleur par les Nord-Vietnamiens », ont révélé les documents du Pentagone.
À cette époque, les États-Unis menaient déjà une série de raids « éclair non attribuables » contre le Nord-Vietnam, y compris « des enlèvements de citoyens nord-vietnamiens pour obtenir des informations de renseignement, des équipes de sabotage et de guerre psychologique parachutées dans le nord, des raids de commandos depuis la mer pour faire sauter des ponts ferroviaires et routiers, et le bombardement d’installations côtières nord-vietnamiennes par des PT boats », selon les Pentagon Papers. Des pilotes thaïlandais aux commandes d’avions américains ont bombardé et mitraillé des villages nord-vietnamiens. Mais l’administration Johnson a nié que les États-Unis commettaient des provocations.
Johnson avait déjà décidé d’attaquer le Nord-Vietnam pour booster sa campagne électorale. Le 2 août 1964, le destroyer U.S.S. Maddox a tiré sur des navires nord-vietnamiens près de la côte nord-vietnamienne. Deux jours plus tard, le Maddox a signalé qu’il était attaqué par des PT boats nord-vietnamiens. En quelques heures, le commandant du navire a télégraphié à Washington que les rapports d’une attaque contre son navire avaient peut-être été largement exagérés : « Toute l’action laisse beaucoup de doutes ». Mais le rapport initial de Maddox était tout ce dont LBJ avait besoin pour aller à la télévision nationale et annoncer qu’il avait ordonné des frappes aériennes immédiates de « représailles » contre le Nord-Vietnam. Johnson fit adopter une résolution par le Congrès lui accordant l’autorité illimitée d’attaquer le Nord-Vietnam. La résolution avait été rédigée des mois plus tôt et l’administration attendait le bon moment pour la dévoiler.
Le Viet Cong et le gouvernement sud-vietnamien terrorisaient les gens au moment où l’implication américaine s’est rapidement étendue en 1965. Mais le gouvernement américain n’a regardé que le terrorisme du Viet Cong pour justifier le lancement de sa propre campagne de bombardement qui a tué beaucoup plus de civils que le Viet Cong ou l’armée nord-vietnamienne avant la fin de la guerre.
Les médias américains ont sans cesse récité le scénario terroriste que le gouvernement américain avait créé pour justifier l’intensification de la guerre du Vietnam. Daniel Hallin, professeur à l’Université de Californie, a observé : « Le thème du terrorisme dirigé contre les civils était au cœur de l’image de l’ennemi à la télévision… La couverture télévisée était (…) concentrée sur la terreur à l’exclusion presque totale de la politique ». Les médias américains ont également presque complètement ignoré les attaques contre les civils vietnamiens par l’armée américaine.
Le racket politique qui a engendré la guerre du Vietnam aurait dû rendre les Américains toujours méfiants à l’égard de toute mission de sauvetage défendue par Washington. Le gouvernement américain prétend constamment être un spectateur innocent après que ses interventions secrètes aient fait des ravages à l’étranger. Il ne manque pas de gouvernements maléfiques et de factions maléfiques qui massacrent des innocents. Mais les atrocités étrangères, réelles ou imaginaires, ne rendent pas les présidents et leurs sbires dignes de confiance.
source : Histoire et Société