Ce 27 février, on me pardonnera, j'espère, de me montrer sceptique, et même grincheux, alors que de "bonnes" nouvelles sont supposées nous consoler du lot quotidien des mauvaises. Le Figaro annonce pourtant à ses lecteurs, sous la signature de Marie Visot "qu'en 2022, la France n'a jamais été aussi attractive pour les investisseurs étrangers".
À en croire en effet les statistiques officielles, les projets auraient"permis la création ou le maintien de 58 810 emplois". Une telle évaluation vient de Business France, cet organisme d'État, au sigle particulièrement flatteur pour notre langue, créé en 2015 par la fusion d'Ubifrance et de l’Agence française pour les investissements internationaux.
Le chiffrage ne distingue hélas même pas entre les emplois créés et ceux qui, nonobstant le rachat par un groupe dont le siège social et l'encadrement dirigeant se situeront désormais hors de France, ont été "maintenus". Combien de brevets, de technologies, de savoir-faire, de marques partiront sans retour ?
La propagande gouvernementale s'empare avec délices de cette apparence de succès. On peut donc lire un peu plus loin, citons le journal :
"L'an dernier, ce sont 1 725 projets qui ont été recensés sur le territoire, selon le bilan annuel de Business France, l'agence publique en charge de l'attractivité. Cela représente une augmentation de 7 % par rapport à l'année précédente. L'année 2021 avait d'ailleurs déjà été très bonne (après une période compliquée sous l'effet de la crise sanitaire en 2020), permettant aux investissements internationaux de revenir au-delà de leur niveau d'avant-crise."
"Ces nouveaux investissements en 2022 ont permis, poursuit l'article, de créer ou de maintenir 58 810 emplois, « soit une augmentation record de 31 % par rapport à l'année précédente », précise l'étude. En moyenne, 33 décisions d'investissement ont été prises par semaine en 2022. Bref, la France atteint son plus haut niveau d'attractivité historique. « Les investisseurs ont désormais bien à l'esprit le package de réformes du précédent quinquennat, sur la fiscalité et le marché du travail, ils font état d'une meilleure résilience de la France à la crise que nombre de ses voisins, et apprécient l'avance prise par le pays pour investir dans la transition énergétique », souligne Laurent Saint-Martin, le directeur général de Business France.
Épatant n'est-ce pas ?
Tout semble aller très bien Madame la Marquise. Et la direction de Business France a fait montre de vigilance, qui s'interroge :
"Cela lui permet-il[à la France] de se maintenir comme premier pays d'accueil des investissements internationaux en Europe ? Il faut attendre le traditionnel rapport EY sur le sujet, publié mi-mai à l'occasion du prochain sommet Choose France, pour avoir la réponse. « Mais il se pourrait que nous conservions cette place », dit-on dans les rangs de l'exécutif."
« Il faut maintenant que tout cela dure… », reconnaît Laurent Saint-Martin.
Pourv (o) u que ça d (o) ure disait Madame Mère au temps de l'Empire.Ça n'a pas duré. Il s'agissait alors de choses tangibles, de victoires militaires considérables ; pas d'un triomphalisme mal placé contemplant des statistiques biaisées.
"Choose France"dites-vous, toujours en l'honneur du 350e anniversaire de Molière.
Mais pourquoi ce "choix" de la France ne semble-t-il pas intéresser des investisseurs français ? Sans doute ces derniers se montrent-ils plus conscients que quiconque des handicaps créés par l'État lui-même, par le fiscalisme, par la bureaucratie, par le centralisme, par la gréviculture, le tout ayant encore été aggravé par six années de "en même temps" et de "quoiqu'il en coûte", après des années de socialisme rampant. Les jeunes créateurs, les entrepreneurs, mais aussi un nombre grandissant d'actifs de toutes catégories, de toutes compétences, vont chercher fortune à l'étranger...
Désolé, par conséquent, de ne pas pouvoir partager l'enthousiasme macronien du Figaro.
JG Malliarakis