La réformette qui fait paraît-il scandale, qui ne change pratiquement rien en réalité aux profondes iniquités et absurdités françaises, en matière de retraites, donc être soumise à la procédure dite de l'article 49-3. Pour la centième fois sous la Cinquième république. La Macronie prétendait vouloir y échapper. Mme Borne dans un rare morceau d'éloquence creuse et péremptoire avait martelé, le 14 mars, l'existence d'une majorité. En vain. Les bureaucraties syndicales, fortes de l'amoncellement des poubelles à Paris et dans pas mal de grandes villes se braquaient depuis des semaines. Elles prétendent que, si cette loi est ainsi adoptée elle demeurera illégitime, etc.
Tout cela nous est répété, de part et d'autre, ad nauseam, depuis des semaines et voilà maintenant les antagonistes au pied du mur.
On notera au besoin qu'en mars 2022, c'est un cadre de "Force ouvrière", le camarade Eric Blachon qui était élu Président du Conseil d’administration de la Caisse nationale d’assurance vieillesse, élection acquise à l'unanimité. Soulignons que cette désignation s'est faite en présence, et avec l'assentiment, du Secrétaire d'Etat chargé des Retraites et de la Santé au travail, Laurent Pietraszewski. Autrement dit, ni le gouvernement, ni les représentants de la CGT et de la CFDT ne s'y sont opposés, bien au contraire.
Or, depuis que l'on débat du sujet, dans les médias, dans les assemblées parlementaires, ou dans la rue, tous les protagonistes semblent se moquer de son existence, alors même que la démocratie syndicale est supposée gérer l'ensemble des branches de la sécurité sociale depuis 1945. Tel est, en effet, la fiction sur laquelle reposent tous les prélèvements sociaux, ceux que les salariés peuvent lire sur leurs fiches de paye, comme que les travailleurs indépendants sont contraints de régler directement auprès de l'URSSAF, l'État ne garantissant juridiquement que les pensions promises à ses salariés et, surtout, à ses hauts fonctionnaires.
C'est donc ce système que le pouvoir technocratique prétend "sauver" au nom du dogme sacro-saint de "la retraite par répartition" et que les bureaucraties syndicales, de leur côté, imaginent maintenir bec et ongles, en dépit des évolutions démographiques au nom de la "défense des acquis".
Les cotisants pourraient se soucier de récupérer leurs droits et leur liberté : tel n'est pas le souci des représentants du peuple.
La dérision et l'imposture de la démocratie syndicale et de nos technocraties échappent complètement aux petits hommes gris.
À 15h 57 Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT, annonçait ainsi de "nouvelles mobilisations" après le 49-3. Il faisait écho aux déclarations de son rival, et néanmoins allié du moment, qui avait lui-même brandit trois heures pus tôt une la menace analogue. "S'il y a un vote favorable, et surtout un 49.3, la mobilisation pour la CGT continuera" dixit une nouvelle fois le Martinez. Et dès 18heures on a vu se rassembler ses troupes brandissant des drapeaux rouges place de la Concorde.
Une minute après la confirmation, par la CFDT, du maintien de ce front syndical reconstitué cette année, après des lustres de division, c'est Clémentine Autain qui déclare : "Il faut que le peuple continue d'être au rendez-vous". La députée vedette de la France Insoumise "pense" que "ce gouvernement n'a plus aucune légitimité. On utilisera tous les outils à notre disposition pour lui faire barrage et empêcher cette loi d'être mise en œuvre".
La seule réponse constitutionnelle avait immédiatement été faite, au contraire de cette démarche insurrectionnelle, par la représentante du principal groupe parlementaire d'opposition : cela s'appelle une motion de censure.
Or, ce qui amène le gouvernement, minoritaire à l'assemblée, et minoritaire sur ce point auprès de l'opinion publique d'après tous les sondages, à recourir à l'article 49-3 c'est précisément le conviction, ou la certitude, que cette motion ne cessera pas votée. La bien-pensance, y compris dans ce qui tient lieu de "droite" continue à se prévaloir des mots d'ordre de "l'antifascisme". Cette stratégie inventée par le Komintern en 1935 interdit aux opposants de pacotille de mêler leurs voix à celles d'un groupe toujours "diabolisé", on ne sait plus pourquoi.
L'article 49-3 a été inventé en 1958 pour renforcer une disposition analogue de la Constitution précédente. La défunte Quatrième république ne parvenait plus à se prévaloir des articles 49 à 51 du texte de 1946. Malgré une réforme introduite en 1954 l'absence de majorité allait conduire à des crises à répétition et divers désastres. Ce renforcement du pouvoir exécutif a permis aux "inconditionnels" d'abord, puis aux technocrates qui leur ont succédé, de diriger la France et de faire fi des contrats de majorité et des accords de gouvernement tels qu'ils fonctionnent dans les autres pays européens.
Beaucoup plus inquiétantes encore que la crise des retraites, la crise des institutions et la dérision de notre démocratie sociale se sont aggravées, de Chirac en Sarkozy et de Hollande en Macron. Elles risquent d'aboutir à une situation de non-retour.
JG Malliarakis