À travers des documents, courriers internes et témoignages exclusifs, Blast révèle la manière dont le service de la correspondance de l'Elysée a été réquisitionné au moment des législatives de 2022, pour servir de boîte aux lettres au parti d'Emmanuel Macron, Renaissance !
Le service s'est transformé en officine partisane malgré le principe de neutralité auquel ses agents sont tenus.
Explosive, l’affaire met en cause le plus haut sommet de l'Etat, notamment Alexis Kohler, le secrétaire général de l'Elysée. Ce fonctionnement clandestin révèle un détournement de fonds publics et constitue, à l’évidence, une infraction aux règles de financement des campagnes électorales.
Branle-bas de combat au palais de l'Alma. Face à l'Elysée, sur l'autre rive de la Seine, le service de correspondance de la présidence de la République est une véritable ruche. En ce mois d'avril 2022, les fonctionnaires en charge du courrier du président s'affairent à une tâche inhabituelle. Ce service, qui compte 72 agents, est un des plus importants de l’Élysée. Chaque jour, il traite les 1 000 à 1 500 lettres et mails adressés à Emmanuel et Brigitte Macron. Mais pendant plusieurs semaines, une tâche peu orthodoxe accapare les employés de l'État. Pour la première fois de son histoire, ce service public effectue le travail d'un parti politique. Celui du président de la République.
Nous sommes deux mois avant le scrutin des législatives de juin 2022. Réélu le 24 avril sur la promesse d’un changement de méthode face à Marine Le Pen, Emmanuel Macron a besoin d'un maximum de sièges à l'Assemblée nationale pour se garantir une majorité et pouvoir gouverner. La partie s’annonce d’autant plus ardue, à l’approche de l’échéance, que la gauche fait front commun sous la bannière de la toute Nouvelle union populaire écologique et sociale (NUPES).
À l'aube des élections, nombreux sont les postulants à l'investiture du parti du président de la République. Pour décrocher celle-ci, ils doivent envoyer un courrier avec une lettre de motivation et un curriculum vitae à la direction de la République en Marche (renommée Renaissance depuis septembre 2022). Par erreur ou manque d'informations, plusieurs des postulants adressent leur demande directement à l'Elysée.
« Le traitement des investitures aux législatives d'un parti politique n'est pas de notre ressort pour d'évidentes raisons, explique à Blast un agent du service de la correspondance de l'Elysée. Les moyens de l'administration n'ont pas à être utilisés au service d'un camp politique ou d'un autre. Néanmoins nous ne pouvons pas empêcher une personne de nous écrire, la seule chose que nous pouvons faire c'est ne pas traiter sa demande et lui expliquer qu'il convient qu'elle soit adressée au parti politique concerné et non à l'administration. »
La règle est claire, de bon sens et parfaitement connue et appliquée depuis des décennies, quelque soit le locataire du moment à l’Elysée.
Pourtant, à partir d'avril 2022, la procédure change. « Nous avons effectué un travail de « boîte aux lettres » de LREM », confirme et s'insurge notre fonctionnaire. Qui détaille le circuit mis en place : « Nous lisions le courrier des candidats avec attention, puis nous rédigions un objet et un bordereau de transmission. Ces bordereaux sont, en temps normal, réservés à l'administration. Ils comportent d'ailleurs une adresse mail administrative pour les retours de service, afin que le suivi du courrier soit effectué par un fonctionnaire. Dit autrement, nous avons traité LREM comme s'il s’agissait d'une administration. »