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À la recherche du syndicalisme perdu

Les jaunes

C’est un aspect mal connu et souvent caricaturé de l’histoire du syndicalisme français que nous présente Didier Favre dans son riche ouvrage consacré au mouvement des « Jaunes » : « Les Jaunes, un syndicalisme tricolore » (La Nouvelle Librairie). Si ce terme revêt aujourd’hui une connotation purement péjorative servant à qualifier les « briseurs de grève », il désignait au début du XXe siècle une tentative de création d’un syndicalisme « non-révolutionnaire » fondé sur le patriotisme et la collaboration de classes.

Si l’expérience fut de courte durée (environ une dizaine d’années), elle n’en reste pas moins particulièrement captivante, notamment pour toutes les personnes intéressées par les questions liées à la recherche d’une « troisième voie » économique et sociale, entre capitalisme et marxisme.

S’appuyant notamment sur l’étude approfondie du journal du mouvement, Le Jaune, l’auteur nous narre avec érudition et clarté l’histoire de cette tentative originale d’organisation syndicale, menée notamment par le charismatique et controversé Pierre Biétry.

Voulant rompre avec toute forme de « socialisme » (ce qui leur sera beaucoup reproché et qui représente sous doute l’une de leurs faiblesses), les « Jaunes » tentent de s’appuyer sur leur propre doctrine qu’ils nomment le « propriétisme » et qui vise à généraliser la propriété au travers de mécanismes participatifs via la propriété d’une partie du capital des entreprises par les travailleurs, et l’intéressement de ceux-ci aux bénéfices réalisés. « Parce que les uns sont dépossédés, vous avez fait le rêve criminel de déposséder ceux qui ne le sont point. Nous rêvons de donner à ceux qui n’ont rien. L’expropriation c’est pour vous, c’est votre théorie fondamentale. La nôtre c’est : à chacun une parcelle de propriété ! » clame Pierre Biétry, suscitant un enthousiasme certain auprès des travailleurs rétifs à l’internationalisme révolutionnaire des syndicats « rouges ». Pour les « Jaunes », la généralisation de la propriété aurait pour avantage d’apaiser les tensions entre les classes tout en renforçant l’attachement des classes laborieuses à la patrie.

Malheureusement, attaqué par la droite, notamment l’Action Française, pour le flou de sa doctrine, comme par la gauche, qui l’accuse de collusion et de compromissions avec le patronat, miné par des dissensions internes, le mouvement Jaune va rapidement péricliter et peu à peu sombrer dans l’oubli. Il n’en reste pas moins une expérience tout à fait passionnante à redécouvrir et à méditer à l’heure où le syndicalisme, sous nos latitudes, n’est plus qu’un agrégat de fonctionnaires grassement subventionnés, faux opposants au pouvoir qui les nourrit et n’œuvrant qu’à leur propre prorogation, sans plus aucune vision du service de l’intérêt général et du Bien commun.

(Article initialement paru dans la revue Livr’arbitres n° 41 : www.livrarbitres.com)

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