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Emmanuel Macron peut-il encore rebondir et éviter l’abîme électoral à son parti ?

Emmanuel Macron a mené des réformes en matière fiscales et sociales qui, à l’évidence, ne furent imaginées qu’au travers des seules données comptables dans une incohérence parfois déconcertante, ce qui a soulevé les réactions d’opposition que l’on sait. Si on y ajoute son attitude jugée souvent méprisante par les citoyens, cela ne peut qu’expliquer la situation de rejet qui le caractérise.

Une bonne mesure, certes très partielle, mais qui en efface plusieurs autres qui sont à la fois controversées dans la méthode de présentation et rejetées par la majorité de la population

La suppression totale de la taxe d’habitation pour tous dès 2023, ainsi que la redevance télé est l’une des réformes dont l’exécutif est le plus fier. La taxe d’habitation, impôt dû par les locataires comme par les propriétaires et jugé inégalitaire par Emmanuel Macron en 2017, dont sa suppression fit partie de l’une de ses annonces au lendemain de son élection présidentielle de 2017 et a été effective progressivement sur la résidence principale.

La réforme présente incontestablement un gain de pouvoir d’achat pour les personnes qui étaient redevables de la taxe d’habitation, ainsi que pour celles qui étaient assujettis au paiement de la redevance télé. Mais la mesure est censée induire une perte de ressources pour les collectivités territoriales, alors que les recettes perdues sont reversées « au centime près » par l’Etat. La taxe d’habitation « représentait 36 % des ressources des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en 2017 », est-il écrit sur le site officiel « Vie publique ». En effet, la loi a posé des mécanismes de compensation pour éviter un tarissement et apaiser les craintes des élu(e)s locaux. Ce qui n’empêche pas le gouvernement de laisser un certain(e)s nombre de ces élu(e)s augmenter abusivement la taxe foncière qui est acquittée par les seuls propriétaires de leur habitation.

Avec le maintien de la taxe d’habitation pour les résidences secondaires, l’exemple d’une mesure dont l’efficacité peut toutefois soulever des interrogations légitimes.

En maintenant la taxe d'habitation sur les résidences secondaires, soit 1,5 à 1,7 milliard de recettes espérée par an, qui d’ailleurs ne cesse d’exploser ( 50 à 60 % d’augmentation dans certaines communes), le gouvernement fait un petit geste pour les communes qui ne sont pas de loin les plus pauvres et souhaite montrer qu'il ne favorise pas les plus fortunés. Mais là encore ne s’agit-il pas d’un leurre « d’équité sociale » à la limite de la Constitutionnalité ? Certes il y a de riches propriétaires qui possèdent de somptueuses villas comme résidences secondaires sur la côte d’Azur, or les Maires de ces communes peuvent appliquer et appliquent généralement une surtaxe de 60% pour ces résidences, par contre un très grand nombre de personnes qui possèdent un « second Bien » sont généralement une population bien moins aisée qui l’ont souvent acquis par héritage de leurs parents, grands parents ou beaux parents... Inutile de préciser que s’ils louent ce Bien, fusse-t-il occasionnellement, ils répercuteront forcément la taxe d’habitation de façon détournée dans le prix du loyer et là encore c’est le locataire, souvent modeste, qui acquittera indirectement la taxe d’habitation pour sa résidence principale, alors que celle-ci est supprimée… On peut dès lors s’interroger légitimement sur le principe d’égalité des Français devant l'impôt

Si la suppression de la taxe d’habitation pour la résidence principale et ensuite celle de la redevance télé furent bien accueillies, par contre , on ne peut pas dire que la réforme de l’assurance chômage et surtout celle des retraites, avec son report à 64 ans de l’age de départ, ne furent pas particulièrement appréciées par la majorité de la population, tant par la méthode de définition de la réforme que l’incohérence dans la façon de la conduire.

Des blocages qui n’auraient jamais du avoir lieu pour une réforme objective des retraites

Comme je le précisais dans un précédent billet, la France qui bat des records en Europe avec 42 régimes de retraites ne peut que les réduire. Par l’usage du numérique qui doit concourir à simplifier les procédures et permettre des économies de gestion, dès lors que c’est le régime général des retraites qui compense certains déficits de régimes spéciaux, tel celui de la SNCF, dont sa politique des transports voyageurs et marchandises avec des suppressions constantes de dessertes et de liaisons, donc de personnel s’avère désastreuse, et se traduit par environ moins de 150 000 actifs qui cotisent pour environ 261 000 retraités bénéficiaires (pensions de réversion incluses), soit 0,55 actif pour payer la pension d’un retraité, alors qu’on compte en moyenne 1,7 actif pour un retraité en France.

Il faut toutefois prendre acte que la réforme des retraites ferme définitivement 5 régimes spéciaux : les industries électriques et gazières (IEG), la RATP (qui comprend environ un peu plus de 42 000 cotisants pour environ 51 000 retraités ), les clercs et employés de notaire, la Banque de France et le Conseil économique, social et environnemental (CESE). Ainsi, les agents recrutés à compter du 1er septembre 2023 ne bénéficieront plus des particularités de ces régimes spéciaux.

Plutôt que de fixer l'âge de départ à 64 ans, la réforme des retraites aurait dû être envisagée et porter exclusivement sur la réduction du nombre de régime tout en prenant le temps de la concertation préalable avec les partenaires sociaux, pour ensuite un débat serein avec vote de la loi au parlement. Mais là encore, avec des décisions hachées, prises à « la va vite », sous la contrainte à peine déguisée des marchés financiers, en imposant un report de l’âge de départ à 64 ans, elles contribuent à une forte mobilisation contre la réforme des retraites dans son ensemble.

Une fois encore en imposant une mesure identique à tous, plutôt que de laisser s’opérer le choix individuel où chacun(e), en fonction de ses moyens, doit pouvoir estimer s’il peut ou non prendre sa retraite à partir de 60 ans, Emmanuel Macron semble avoir oublié que la société est une addition d’individualité et non un « magma » dans lequel l’individu doit se fondre… au nom d’un ordre supérieur...

Suppression de l’impôt sur la fortune (ISF) remplacé par impôt sur la fortune immobilière (IFI), autre mesure controversée

L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a été transformé en impôt sur la fortune immobilière (IFI) par la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, à compter du 1er janvier suivant. Héritage de la gauche, l’ISF était pourfendu par le patronat et la droite.

La base de calcul, du nouvel impôt a été réduite. Seuls les actifs immobiliers sont pris en compte, la valeur de la résidence principale faisant toujours l’objet d’un abattement de 30 %. Comme pour l’ISF, le seuil de déclenchement de l’imposition s’élève à 1,3 M€.

Pour l’exécutif et la majorité, la réforme avait pour desseins affichés de mettre fin à l’exil fiscal, d’encourager l’investissement dans les entreprises par les personnes les plus riches et donc de soutenir l’économie. Mais le remplacement de l’ISF par l’IFI a-t-il mis fin à la fuite de personnes s’installant dans un pays à la fiscalité plus douce ? Un comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital, piloté par France Stratégie, une institution placée auprès du Premier ministre, a constaté un faible impact de la réforme. Depuis le passage de l’ISF à l’IFI, on observe une baisse du nombre d’expatriations et une hausse du nombre d’impatriations fiscales de ménages français fortunés », indique le comité dans l’avis du deuxième rapport, publié le 8 octobre 2020. « Cette évolution porte toutefois sur de petits effectifs, de l’ordre de quelques centaines, à comparer avec les 130 000 contribuables assujettis à l’IFI en 2018 », ajoute le groupe d’experts.

D’un point de vue budgétaire, l’IFI rapporte, en toute logique, moins que l’ISF.

Ce qu’il aurait dû être souhaitable de faire

Avec un impôt sur la fortune immobilière (IFI), qu’il convient de supprimer, n’est-ce pas contradictoire avec la volonté exprimée par le Président de la république, lorsqu’il supprima l’impôt sur la fortune (ISF), que de vouloir faire revenir de riches expatriés ? Outre les difficultés administratives chroniques que connaissent toutes les personnes ayant vécu à l’étranger lors de leur retour en France, comment pourraient-ils s’installer en France en acquérant un somptueux bien immobilier pour compenser celui qu’ils laissent à l’étranger, sachant qu’ils seront lourdement fiscalisés ?

Bien que le seuil de déclenchement de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) soit de 1,3 million d'euros, le barème commençant à partir de 800.000 euros (au taux de 0,5 %). Du coup, le contribuable à l'IFI acquitte d'entrée un impôt de 2.500 euros.

L’impôt sur la fortune immobilière (IFI) ne concerne pas forcément les plus riches

Si à priori cet impôt semble toucher les plus riches, en réalité il peut aussi concerner des personnes plus modestes en plus grand nombre, dont les biens ont été acquis par héritages successifs ou des agriculteurs à la retraite qui ont conservé les bâtiments, voire des terres de leur exploitation. Ne pas oublier que les revenus éventuels dus à des locations de biens immobiliers font l’objet d’impôts sur le revenu, de même que lors d’une transmission du patrimoine il y a des frais de succession très élevés. Or c’est précisément ces frais de succession qui auraient du être reconsidérés, comme l’avait d’ailleurs fait Nicolas Sarkozy.

Rendre définitive l’actuelle contribution exceptionnelle sur les hauts revenu n’est pas incompatible avec une contribution solidarité richesse (CSR) pour les grosses fortunes, de même qu’une taxe exceptionnelle sur les superprofits

Pour rappel, la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus s'ajoute à l'impôt sur le revenu et concerne les contribuables qui perçoivent de hauts revenus.

Si un foyer fiscal : Ensemble de personnes remplissant une seule déclaration de revenus (exemple : époux, épouse et enfants à charge) est soumis à l'impôt sur le revenu et que le revenu fiscal de référence dépasse les montants suivants : 250 000 € si célibataire, veuf, séparé ou divorcé. 500 000 € si marié ou pacsé, soumis à imposition commune. Ces seuils d'imposition n'augmentent pas en cas de personnes à charge.

Une contribution solidarité richesse (CSR) ne concernerait pas forcément les très hauts revenus

S’il ne s’agit pas pour autant de rétablir l’ISF sous sa forme antérieure, mais comme le demande certain(e)s très riches au dernier forum économique mondial de Davos, dont plusieurs grosses fortunes Française, il serait souhaitable de créer à leur égard une contribution solidarité richesse (CSR), ne serait-ce qu’à titre temporaire. Surtout dans cette période de forte inflation qui pénalises les populations modestes, mais aussi celles qui le sont un peu moins. A l’évidence la suppression de l’impôt sur la fortune n’a eu que très peu, voire aucun effet sur la création d’activités. Les chefs d’entreprises expatriés qui ont investi dans le pays par « effet de ruissellement » ne l’ont pas fait à cause de la suppression de l’ISF, mais des bénéfices réalisés par retours sur investissements de leurs activités. Pour celles et ceux de ces chefs d’entreprises non expatriés qui en ont bénéficié, ils ont généralement préféré les placements en actions, désormais défiscalisés.

Pour définir une contribution solidarité richesse (CSR), excepté les contrats d’assurance vie et les droits de propriété industrielle (brevet, marque), littéraire ou artistique, elle réintégrerait les biens somptuaires qui ont été exclus avec le transfert de l'ISF à l'IFI (Immobilier hors résidence principale, placements financiers, yachts, jets privés, chevaux de course, voitures de grand luxe et de collection à partir de 80 000 euros, lingots d'or...) ainsi que la suppression de la dispense des prélèvements sur les dividendes des actions. Il faudrait toutefois simplifier la procédure de calcul, éviter l'évasion fiscale en recréant un boucler fiscal avec un plafonnement à 60 ou 70 % des impôts sur le revenu et relever les seuils qui sont actuellement de 1,3 million d'euros pour l'IFI à, par exemple, 5 millions d'euros sous la forme d'un prélèvement unique, par exemple de 1,25%. Tous les investissements, par mécénat associatif ou dans le capital des micros, petites et moyennes entreprises (créatives d'emplois) seraient déduits du montant à payer de cette contribution. Cette initiative Française devrait s’inscrire comme un exemple dynamique pour les autres pays Européens. Le montant de cette contribution solidarité par les très riches, selon les estimations, son montant pourrait se chiffrer autour de 3 milliards d’euros.

Une taxation sur les superprofits à l’instar de nos voisins et des recommandations de la commission Européenne imposée à titre temporaire concernerait ceux qui profitent de la guerre de la Russie à l’Ukraine

Faut-il rappeler une fois encore que par rapport à la taxation éventuelle des superprofits qui devraient, notamment, participer à la réduction du déficit des retraites, grâce à la réglementation Européenne, il y a désormais au niveau Européen une définition institutionnelle et quantifiée des superprofits, ce qui facilite leur taxation par les Etats membres de l’UE. En effet, sont considérés comme tels les profits 2022 réalisés sur le sol européen qui sont de 20% supérieurs à une moyenne des profits calculée sur les exercices 2018, 2019, 2020 et 2021. Si cette définition peut être discutée, elle permet toutefois d’évaluer, pour chaque entreprise, si les profits réalisés en 2022 doivent être considérés comme des « superprofits » ou comme des profits normaux. La Commission laissait initialement la possibilité aux États membres d’appliquer sa proposition de taxe à d’autres secteurs que le seul secteur de l’énergie. Ce qu’à l’évidence le gouvernement Français refuse de faire… Selon divers organismes, une taxation Française des superprofits rapporterait annuellement de 5 à 10 milliards d’euros au budget de l’État.

Qu’il s’agisse de la contribution exceptionnelle sur les très hauts revenus, d’une taxation des superprofit ou la mise en place d’une contribution solidarité (CSR) en lieu et place de la contribution sur la fortune immobilière (IFI), cela revêt bien un caractère différent selon la nature des produits et ne présente aucune incompatibilité des uns aux autres. Cela ne poserait d’ailleurs aucun problème en regard des marchés financiers auxquels Emmanuel Macron est très sensible, puisque cela participerait à réduire certains déficits.

Pour conclure

Sauf à revenir, par sa suspension, sur la réforme des retraites, changer d’attitude en regard de la situation inflationniste pour ceux qui en tirent des superprofits et ouvrir de réelles négociations avec les partenaires sociaux sur les retraites en excluant à priori tout report d’âge, il sera difficile à Emmanuel Macron de rebondir et éviter à son parti l’abîme électoral. L’argument souvent évoqué par l’exécutif et les partis politiques présidentiels est : ...« c’était dans le programme d’Emmanuel Macron pour lequel il a été élu »... S’il est exact qu’il a bien été élu et que ces propositions figuraient dans son programme, le problème c’est que le vote pour une majorité de Français(e)s en faveur d’Emmanuel Macron ne s’est pas fait pour plébisciter son programme, mais surtout contre Marine Le Pen. Il en va ainsi très souvent, depuis que la présidence de la république se fait au suffrage universel direct à deux tours et se joue obligatoirement entre deux candidat(e)s, le ou la candidat(e) choisi(e) par l’électorat se fait généralement contre l’autre candidat(e)

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