La « société civile » pourrait avoir fini de nuire
Les organisations non gouvernementales (ONG) sont aujourd’hui sur la sellette. Les crédits leur sont coupés.
Licenciements en série
Une enquête menée dans 160 pays par le Conseil international des agences bénévoles (ICVA) a révélé que 54 % des ONG humanitaires opérant dans 150 États ont dû licencier du personnel après le démantèlement de l’USAID.
L’USAID, l’agence qui distribuait l’aide au développement du gouvernement fédéral américain, a fermé boutique : les 35 milliards de dollars distribués en 2024 ont été réintégrés dans le budget fédéral en 2025, et les 10 000 salariés de l’Agence ont presque tous été licenciés.
International Rescue Committee (IRC), dont le budget a été réduit de 650 millions de dollars, a licencié plusieurs milliers de personnes ; Mercy Corps qui tirait 26 % de ses financements de l’USAID, a licencié les deux tiers de ses effectifs affectés à des programmes étrangers ; Save the Children a licencié 2300 personnes et a fermé ses bureaux dans cinq pays ; Amref Health Africa a perdu 30 millions de dollars, a licencié 692 personnes et arrêté plus de vingt programmes ; Danish Refugee Council a licencié 2000 salariés en raison d’un budget en baisse de 70 millions de dollars ; World Vision a licencié 3000 salariés ; Norwegian People’s Aid a licencié plus de 1700 employés ; Catholic Relief Services s’apprête à licencier jusqu’à 50 % de son personnel mondial, ce qui affectera le travail dans 120 pays ; FHI 360 a licencié 700 employés, etc.
Le démantèlement de l’USAID n’a rien eu d’isolé
Les 15,3 milliards de livres sterling (17,6 milliards d’euros) que la Grande-Bretagne a consacrés à l’aide au développement en 2023 (0,58 % du PIB) devraient chuter à 9,2 milliards de livres sterling (10,5 milliards d’euros) en 2027.
En France, le projet de budget 2025 envisageait déjà un recul de 34 % des crédits affectés aux pays pauvres.
Aux Pays-Bas, les coupes budgétaires totaliseront 2,4 milliards d’euros d’ici 2027.
Le 16 avril 2025, l’OCDE a révélé qu’après cinq années consécutives de hausse, le montant de l’aide au développement a baissé en 2024 de 7,1 % par rapport à 2023. On n’ose imaginer le chiffre de 2025.
Grandeur et décadence des ONG
L’aide au développement est une curiosité budgétaire propre aux pays occidentaux. La Chine ne dépense pas un yuan pour le tiers-monde, ni la Russie un kopeck, sans parler des pays arabes producteurs de pétrole.
L’aide au développement est en réalité une survivance de la guerre froide. L’USAID aux États-Unis et le ministère de la Coopération en France ont été institués en 1961. Le Ministry of Overseas Development en Grande-Bretagne a été établi en 1964.
Au début des années 1960, les ONG étaient quasiment inexistantes.
Les French Doctors ont surgi les premiers sur la scène audiovisuelle à l’occasion de la guerre du Biafra en 1967. Les famines et conflits en Afrique et en Asie ont incité les ONG humanitaires à proliférer. Et les États et autres bailleurs internationaux (ONU, Banque mondiale, États…) ont alors trouvé commode de déléguer budgets et missions aux ONG.
À la chute du Mur de Berlin en 1989, l’establishment libéral américain a considéré les ONG comme un excellent outil de soft power. Cette « société civile » allait aider au façonnage d’un nouveau monde « post-westphalien » : affaiblissement des souverainetés nationales, renforcement des sociétés civiles par rapport aux États, effacement relatif des frontières par la mondialisation, multiplication des échanges, multilatéralisme échevelé, droits de l’homme et tutti quanti…
L’expérience s’est révélée si efficace qu’en 1997, Jessica Mathews, chercheur, a soutenu dans Foreign Affairs que les ONG avaient inauguré un « Power Shift », un transfert de pouvoir des États en direction de la société civile.
L’adoption de la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel (1992) ou l’adoption d’une Convention des Nations unies contre la corruption (2003) ont été les meilleurs exemples de cette capacité des ONG à remodeler le paysage diplomatique.
L’aventure morale est aujourd’hui terminée !
Le vent a tourné. Dans un article très récent du même Foreign Affairs, Sarah Bush et Jennifer Hadden, deux universitaires, ont affirmé que « l’Ère des ONG est terminée ». Finis les budgets en hausse continue d’Amnesty International, Greenpeace ou Oxfam. Et finie aussi la hausse continue du nombre d’ONG internationales (+42 % entre 1990 et 2000).
Foreign Affairs affirme que plus de 130 pays à travers le monde ont restreint les activités des ONG.
Trois faisceaux de raisons justifient la mise au régime sec des ONG : des raisons budgétaires, des raisons idéologiques et des raisons éthiques.
- · RAISONS BUDGÉTAIRES
L’époque est à la guerre, les budgets militaires doivent augmenter et les gouvernements européens raclent les fonds de tiroir. Il est logique que les crédits « humanitaires » soient les premiers à souffrir.
- RAISONS IDÉOLOGIQUES
– Pour les États-Unis, les ONG financées par l’USAID ont contribué à la propagation du wokisme ou du djihadisme. L’USAID s’est ainsi retrouvée à financer des chirurgies transgenres au Guatemala (deux millions de dollars), des aides aux féministes ou une cimenterie à Gaza (310 millions).
– Le chancelier allemand Friedrich Merz a remis en question la « neutralité politique » des ONG financées par l’État.
– Israël, exaspéré par l’activité des ONG propalestiniennes ou noyautées par les islamistes, a voté des lois pour réduire leur nombre et contrôler leur financement. Récemment, la simple obligation faite aux ONG de fournir la liste des personnes avec lesquelles elles travaillent à Gaza et en Judée-Samarie a provoqué une bronca : 80 ONG ont menacé de cesser toute activité plutôt que de fournir les listes du personnel employé en zone de guerre. Un aveu en forme de chantage en quelque sorte.
– Plusieurs pays autoritaires (Turquie, Égypte, Bangladesh…) ont adopté des lois anti-ONG. En Inde, les financements étrangers de plus de 42 000 ONG ont été passés au crible par les autorités, entraînant des milliers de révocations de licences et une atmosphère de surveillance accrue.
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- RAISONS ÉTHIQUES
– Des accusations d’exploitation sexuelle ont été portées en Haïti et en République démocratique du Congo contre Oxfam Grande-Bretagne. Des ONG emblématiques comme Amnesty International, Oxfam ou Save the Children ont été éclaboussées par des scandales de harcèlement, de culture toxique ou de mauvaise gouvernance. Ce climat délétère a entraîné une fuite des donateurs, la démission de membres du comité exécutif et des remises en question structurelles.
– Des députés européens ont accusé les ONG environnementales de corruption, et beaucoup s’interrogent sur l’identité des bénéficiaires des 7,4 milliards d’euros versés par l’UE aux ONG entre 2021 et 2023.
En Méditerranée, les ONG sont accusées d’entente – à tous les sens du terme – avec des réseaux de passeurs qui font fortune sur le dos des migrants clandestins. En Israël – répétons-le – les ONG sont infiltrés par le Hamas et le Jihad Islamique. Et même la Croix-Rouge est aujourd’hui un fer de lance du wokisme.
La perte de crédibilité a atteint l’opinion publique : un sondage mené dans 28 pays par le Baromètre de confiance Edelman a révélé que les personnes interrogées considéraient les entreprises comme tout aussi éthiques que les ONG et souvent plus efficaces.
Est-ce la fin des ONG ?
Les ONG ont toujours été des outils de soft power. Ne survivront que celles qui seront considérées comme utiles… aux objectifs de leur sponsor.
Une enquête du Washington Post a montré que près de 60 ONG chinoises opéraient au sein des Nations Unies comme une extension du Parti Communiste Chinois (PCC). Le Qatar Fund for Development (QFFD) se présente comme une ONG à but non lucratif, mais nombreux sont ceux qui estiment que cette organisation sert de véhicule « aux stratégies diplomatiques plus larges du Qatar ».
La Fondation Russkiy Mir ou World Without Nazism financées par le Kremlin sont actives dans les diasporas russes. D’autres ONG russes « pro-famille » et « anti-LGBT », s’activent en Europe et en Afrique.
Les ONG qui ont des soucis de financement peuvent aller frapper à ces portes-là.
Yves Mamou
https://ripostelaique.com/laventure-morale-des-ong-cest-termine.html